Italie: retour aux fondamentaux politiques?

    Par Danielle RIVA

    L’arrivée au pouvoir de Meloni a-t-elle sonné la fin de l’histoire d’un mouvement ouvrier, si riche, et si inventif qu’il a rayonné sur les autres mouvements ouvriers de l’Europe de l’Ouest ? Et peut-être ailleurs, si bien, que l’on peut dire qu’il y a même quelque influence sur le mouvement Solidarnosc issu de la grande grève des Chantiers navals de Gdansk (Pologne) en 1980.

    Meloni a-t-elle mis de l’eau démocratique dans son vin fasciste ? Oui et non. C’est plutôt la direction de l’UE qui s’est transformée en une structure autoritaire et peu démocratique.

    Meloni s’est très bien adaptée à la Commission européenne. Fasciste ? Moi ? Non, dit-elle. Le fascisme c’était avant, et ce serait une erreur de le reproduire à notre époque : « Depuis de nombreuses années, et comme tout observateur honnête le reconnaît, les partis représentant la droite au Parlement ont déclaré leur incompatibilité avec toute nostalgie du fascisme », (Giorgia Meloni dans la lettre au « Corriere della Sera » du 25 avril 2023). ». Car précis-t-elle dans une autre déclaration : « l’idéologie de classe est enterrée (on est pauvre et patriote sans avoir besoin d’être dans « l’opposition idéologique ») et avec elle la cible principale contre laquelle le fascisme est né. Maintenant, si l’antifascisme était un mouvement historique et si ce mouvement est mort, à quoi bon se dire antifasciste ? ». (Liberta e Justicia, par Nadia Urbinati et Gabriele Pledullà, 14 janvier 2024).

    En fait ce que nous dit Meloni, c’est qu’il faut : « exclure les opposants politiques ».

    Effectivement. Sachant que la première détermination du mouvement fasciste de Mussolini et ensuite du nazisme de Hitler c’était le combat à mort déclaré contre le « communiste », si Meloni prétend aussi que « l’idéologie de classe est terminée », c’est qu’à ses yeux le fascisme a gagné et se confond dans la normalité du quotidien, sans histrions bruyants et malodorants !

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    Et l’Italie en a connu ses 30 dernières années, deux histrions bruyants et malodorants. L’un, c’est Berlusconi avec sa « Forza Italia », qui a cherché par tous les moyens constitutionnels possibles à se débarrasser de la puissance du bipartisme Démocratie chrétienne/Parti communiste italien. Et il a gagné ! Les fracas de la vie politique Italienne étaient regardés comme le laboratoire de la vie politique et de l’effritement des forces politiques européennes tant à droite qu’à gauche, avec la formation par nécessité électoraliste de nébuleuses qui fonctionnaient par « coalitions » mais perdaient peu à peu toute crédibilité politique. Meloni est en quelque sorte l’héritière de Berlusconi « il Cavaliere ».

    Puis l’autre héritage, assez surprenant, mais certainement purement tactique, c’est celui de Salvini/Bossi, Bossi, le fondateur de la Lega séparatiste du Nord, qui couvre maintenant toute l’Italie, est tout aussi hostile au « communisme » des Institutions italiennes !

    Ses deux parrains à ses côtés, Meloni a décidé de réformer le système politique Italien. D’abord par une révision de la Constitution, pour mettre fin aux « idéologies qui portent atteintes à la démocratie parlementaire » ! Ensuite elle envisage à la place un régime présidentiel (à la « Française », ce qui dit tout de notre régime parlementaire !) ; la fin du système à la proportionnelle (si démocratique et tant rêvé par la gauche française) ; une réduction à minima d’un secteur public déjà fortement éprouvé ; la possibilité d’inscrire dans la Constitution le droit d’une « autonomie différenciée » entre les provinces du Nord et celles du Sud, à laquelle tient toujours Bossi. Le Nord de l’Italie c’est le Nord industriel, de la Finance, de l’accaparement de la richesse. Le Sud de l’Italie c’est en quelque sorte son « Afrique » ! Pour rappel : au contraire Mussolini était totalement réfractaire à toute idée de « séparatisme » régional. On peut dire qu’il a créé l’unité italienne d’une main de fer.

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    Ce projet a été immédiatement critiqué comme une « sécession des riches ». Il reste maintenu contre tous les opposants d’où qu’ils viennent : « Les avertissements de l’Union européenne, du Bureau parlementaire du budget, de la Cour des comptes, de la Banque d’Italie, de la Confindustria (confédération du patronat) et même de la Conférence épiscopale italienne, qui – avec des accents différents bien sûr – ont souligné à quel point l’autonomie différenciée augmenterait les inégalités entre le Nord et le Sud » (micromega, 16 janvier 2024, par Rossella Guadagnini)

    Une démocratie minimaliste, est-ce possible en Italie ? Il ne semble pas pour l’instant.

    La décomposition politique en Italie – qui s’accompagne d’une crise spécifique importante de la démographie signe d’une peur de l’avenir – semble ne jamais s’arrêter. Mais La société italienne est vivante, bien vivante et cette fois ci, le projet de Meloni pousse les partis politiques démocratiques, les syndicats, et ce qui reste de la « gauche et de l’extrême gauche » à revoir d’une manière critique les éléments politiques déterminants constitutifs de leur République, sortie du fascisme en 1945 (la Constitution ayant été votée en 1948) ainsi que les grandes phases historiques de ces 80 dernières années.

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