Italie : Les souverainistes européens contre les souverainistes italiens ou les illusions de ceux qui veulent changer les règles

Par Martina Di Pirro
5 Octobre 2018

Di Maio, et Salvini de même, a déclaré que la victoire des souverainistes aux élections européennes aidera l’Italie,. Grosse erreur d’une vision optimiste : de Orban à Alternative fur Deutschland, personne ne veut changer les règles pour faire plaisir à l’Italie. Le réveil risque d’être très amer.

« L’amitié c’est l’égalité », a affirmé le philosophe Pythagore, fondateur de l’une des plus importantes écoles de pensée de l’humanité.

« Il y aura un tremblement de terre politique au niveau européen et toutes les règles changeront. Dans tous les pays européens il va se passer ce qui est arrivé ici, le 4 mars » dit le premier ministre Di Maio, 2000 ans plus tard, montrant sa confiance dans les « amis européens » qui aideront le gouvernement italien dans sa bataille contre l’austérité.

Mais il est possible que l’arrogance des souverainistes made in Italy, prêts à tout pour formuler des slogans irréalistes, les rendent aveugles – délibérément ou par ignorance – face aux divergences avec leurs cousins souverainistes Européens, qui pensent à tout sauf à préserver le Bel paese et font de nous les pires des cigales.

Si l’axe Orban-Salvini-Kurz-Le Pen, existe, il est plutôt loin de la politique d’amitié de Pythagore, même si la formule a été reprise par les agences de presse dans la plupart des discours des leaders.

Il est clair que c’est, avant tout, une Alliance de bradage de la souveraineté qui aura des répercussions catastrophiques sur l’Italie. Les recettes sont à première vue les mêmes : souverainisme, démocratie illibérale, fermeture des frontières, primat du national sur la base de l’appartenance ethnique et pouvoir du « clic citoyen » contre des parlements technocratiques. Une amitié et un lien indissoluble de l’Alliance 3.0 – entre la Liga des ligues, (pour le dire à la Salvini), et le Mouvement (à la Steve Bannon) – fondée sur les bases solides d’un objectif commun. Un projet partagé, puissant, qui renforce les affaires. C’est ce que cela tout au moins semble.

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Mais quelque chose ne va pas dans la maison souverainiste. La question des migrants traitée à la manière de « mon pays d’abord » ne semble pas favoriser l’idée de coopération qui est par essence contradictoire avec le souverainisme. Orban le leader hongrois, s’il est assis aux côtés de Salvini pour changer les règles de l’UE sur la migration, défend aussi des intérêts divergents, sinon carrément opposés à ceux des Italiens.

Ce n’est pas un hasard si l’UE a échoué dans son projet de placement des réfugiés, et qui aurait desserré la pression sur des Etats comme l’Italie et la Grèce, lieux de première arrivée. L’instigateur de cet échec c’est l’homme fort de Budapest, « cousin » et « ami » de l’autrichien Kurz, celui qui voulait envoyer les chars armés au Brenner (col entre l’Italie et l’Autriche) et déteste les Allemands.

Unis, peut-être, dans la bataille contre l’immigration illégale, mais diamétralement opposés sur la politique des quotas.

La route de la Méditerranée centrale, pour des raisons géographiques et géopolitiques, n’est pas un gros problème pour la Hongrie et l’Allemagne, sauf en ce qui concerne la question dite des « mouvements secondaires ». Et donc, un peu comme les droites radicales des années 1980 qui appelaient à se défendre contre les ingérences américaines et soviétiques, la forteresse Europe doit être défendue en tant que rempart contre l’invasion. Et si le primat national doit gagner, dans la logique de l’égoïsme des plus forts, il sera cependant difficile d’élever des barrières en Méditerranée sans conséquences énormes en vies humaines et en politiques que seule et seulement l’Italie subira.

Pendant ce temps, Marine Le Pen, qui a rencontré Salvini à Rome, célébrant un retour au patriotisme, sait qu’elle ne profère que des paroles creuses. D’autre part, au contraire d’Orban, son thème d’une « démocratie illibérale » n’a jamais porté ses fruits, stoppée par le républicanisme français, tout d’abord par les gaullistes et les socialistes et maintenant par Macron, et une loi électorale à double scrutin qui lui empêche, à moins d’une suite de succès électoraux, l’accès à l’Elysée.

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Mais la vraie contradiction, créant de réelles divisions, reste le poids de l’austérité pour l’ensemble de l’Ue et le fardeau de la dette italienne, c’est là que les « amis » cessent d’être égaux.

Tandis que Salvini, soutient un plan refusant l’austérité imposée par l’UE et conscient que l’unique obstacle est à Bruxelles, démonte pièce après pièce l’UE d’aujourd’hui et le traité de Maastricht, tous ceux de la dite « internationale souverainiste » le regardent d’un œil torve, et commencent à montrer les premiers signes d’une haine réelle.

Tout d’abord, concernant la révision des traités – si vous souhaitez changer l’Union européenne, il n’y a pas d’autre façon – et c’est certes moins facile que cela est dit dans la propagande « vert-jaune ». Il s’agit d’un processus complexe, qui buttera toujours sur un dernier obstacle : la ratification par tous les États membres. En d’autres termes, il suffit de l’opposition d’un seul pays pour retarder ou bloquer le changement.

Parlons alors des « amis », comme la Hongrie d’Orban, qui reçoit une contribution de l’Union européenne égale à 4,19 % du PIB de l’UE, alors que la contribution de la Hongrie à l’UE est de 0,85%. Les 95 % de l’investissement public en Hongrie sont cofinancés par l’Union européenne, et la richesse nationale hongroise est générée par 6,3 % des investissements européens.

Voyez-vous Orban soutenir ceux qui veulent boycotter le budget européen et donc arrêter le financement de la croissance hongroise, c’est-à-dire nos propres souverainistes ? Non, Désolé, Orban a besoin d’une UE, même austère, et partager le risque de notre dette souveraine ne l’effleure même pas par erreur.

Non seulement : le premier ministre hongrois, malgré la récente exhortation au Parlement pour sa violation de l’article 7 (qui prévoit des sanctions en cas de non-respect des valeurs fondamentales de l’UE : démocratie, égalité, état de droit et droits de l’homme), continue de faire partie de la famille modérée du PPE et il semble difficile de croire qu’il va quitter le PPE pour rejoindre les « cigales italiennes ».

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Il en est de même pour la leader du parti de droite : Alternative fur Deutschland, Alice Weidel, qui ne considère absolument pas qu’il faille protéger l’Italie. « Du point de vue économique, l’Italie est dans un état désolant. Sa dette est montée en flèche : non seulement la dette publique, mais aussi celle du secteur privé. Son seul salut réside dans la richesse du patrimoine des particuliers, beaucoup plus élevée qu’en Allemagne », affirme-t-elle dans une interview à La Repubblica.

Elle appuie ensuite plus lourdement : « l’Italie est toujours « allaitée » par la BCE. Or la France et l’Italie revendiquent aujourd’hui des dépôts de fonds commun de placement ? Nous y sommes totalement opposés. Vous recommencerez à faire des dettes. La Ligue s’est montrée trop faible sur ce point. Elle propose « l’Italia First », je comprends cela. Mais elle ne peut pas proposer des folies, puis les démentir, comme celle de l’annulation de 250 milliards de dette. »

En bref, plutôt que « in nome del popolo », les dirigeants européens semblent dire à l’Italie « in nome dell’odio » (au nom de la haine). Une Italie alliée avec les fourmis mais qui danse sur le fil du rasoir. Une Italie contrainte encore plus par les politiques d’austérité de la droite en alliance avec le centre droit, isolée non seulement par Bruxelles, mais par Budapest, Berlin, Vienne et tous les gouvernements avec lesquels le ministre de l’intérieur a imaginé des alliances pour la vie. Salvini et Di Maio rêvent. Craignions que le réveil soit brusque.

Journaliste free-lance, Rome 5 octobre 2018

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