Par Marc Botenga
24 Mars 2020
Le Premier ministre italien Giuseppe Conte a annoncé samedi l’arrêt des entreprises non essentielles. Cette décision fait suite à la forte pression des syndicats. Pourtant, sous le chantage des grandes entreprises et des États-Unis, l’industrie militaire continue de fonctionner. La construction d’avions de chasse F-35 et l’exportation d’armes sont considérées comme des « activités essentielles ». Aux dépens de la santé des travailleurs.
Depuis ce week-end, une parodie du logo de la Confindustria circule sur les réseaux sociaux. La Confindustria est la Confédération des entreprises italiennes, l’équivalent de la FEB belge. L’aigle typique du logo est désormais représenté suspendu au-dessus d’une illustration du virus. Le slogan figurant au bas de l’image : « Nos profits sont plus importants que votre santé. » Les Italiens, et surtout les travailleurs, sont en colère contre la fédération des patrons. La petite Italie compte plus de morts du coronavirus que la grande Chine. Mais cela n’empêche pas la Confindustria de refuser de fermer temporairement ses usines considérées par elle comme non essentielles. Cela avait pourtant été demandé par les médecins, les maires, les syndicats et les PME.
Comment explique-ton que tout le monde doive rester à la maison, mais pas les travailleurs de ces entreprises ? Que les gens ne soient plus autorisés à faire du jogging, mais soient obligés de se rendre à l’usine avec des centaines ou des milliers de personnes entassées dans les transports publics ? C’est totalement injustifiable. D’autant plus que, dans la province de Bergame, les experts estiment que le fait de ne pas fermer les usines a favorisé la propagation du coronavirus. Aujourd’hui, la ville de Bergame est à l’épicentre de la crise. Toute une génération meurt du coronavirus. Or, en pleine épidémie, la Confindustria Bergamo a envoyé une vidéo promotionnelle dans le monde entier : « Nous restons ouverts. »
Des grèves ont éclaté les unes après les autres. Dans la construction navale, la grosse entreprise Fincantieri a fermé ses huit sites et a mis les 8 900 travailleurs en congé jusqu’au 29 mars au moins. Sous la pression, Fiat Chrysler (FCA) a également rapidement fermé cinq sites en Italie.
Giuseppe Conte, qui dirige un gouvernement composé des socialistes et du mouvement Cinq étoiles, a longtemps continué à soutenir les grands patrons. Tout a été fermé, sauf les usines. Jusque samedi dernier, Conte s’est opposé à la fermeture. Ce n’est que lorsque les syndicats ont finalement menacé de décréter une grève générale que la situation a changé. Samedi 21 mars, juste avant minuit, le Premier ministre a annoncé sur Facebook la fermeture de toutes les usines non essentielles.
Un décret qui comporte 100 exceptions
La Confindustria n’accepte toutefois pas cette décision. Son président, Vincenzo Boccia, a envoyé une longue lettre à Conte. Il veut que toutes les entreprises qui ne sont pas explicitement mentionnées dans la liste restent ouvertes, ainsi que toutes les entreprises dont la production ne peut être interrompue « pour des raisons techniques » ou dans lesquelles du travail doit encore être achevé. Tout cela peut ensuite être contrôlé via une auto-certification. En d’autres termes, chaque entreprise devrait pouvoir décider elle-même de fermer ou non.
Conte prête une oreille bienveillante à cette volonté, tout comme certains socialistes du Partito Democratico (PD). Le décret que Conte a signé ce lundi comporte dès lors littéralement 100 exceptions. Ainsi, la fermeture des entreprises qui ont encore du travail à achever est reportée. Pour les entreprises qui produisent en continu, la décision est laissée aux autorités locales. Les syndicats sont furieux. En effet, ce n’est pas ce qui avait été convenu.
Encore plus fort : sous la pression de la Confindustria et de l’ambassade américaine, la quasi-totalité de l’industrie de la défense et de l’armement ainsi que l’industrie aérospatiale restent ouvertes. Qu’un pays considère son armée comme stratégique et essentielle semble logique. Mais ici, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il s’agit de la production d’armes, de la construction de F-35 américains. Ceux-ci sont en effet achevés à Cameri (dans le nord de l’Italie), dans le cadre d’une collaboration entre le géant américain de la défense Lockheed Martin et le géant italien de l’armement Leonardo. Cette entreprise est en effet autorisée à continuer à travailler après un rapide nettoyage désinfectant. Cela met évidemment les travailleurs de Leonardo en danger.
La décision de continuer quand même la production de ces avions de chasse américains pendant cette crise signifie également que l’achat de ces avions, qui coûteront au moins 15 milliards à la Belgique, sera poursuivi. Le prix payé par l’Italie est encore bien plus élevé. Trump et les grandes entreprises garantissent en priorité des milliards pour de nouveaux équipements de guerre alors que nous avons besoin de milliards pour la crise sanitaire. De plus, aux dépens de la santé des travailleurs du secteur. En Italie et en Belgique, la courbe de la contamination doit être aplatie autant que possible. Par conséquent, toute production inutile doit impérativement être arrêtée. Nous ne pouvons vaincre le virus qu’en donnant la priorité à la santé de la classe des travailleurs plutôt qu’au profit et aux intérêts économiques.