La ZLEC, un afrolibéralisme caché derrière le masque du panafricanisme

par Jean-Christophe Servant
16 mai 2019

Quel contraste. Le continent s’est levé contre la signature des Accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les pays africains, décrits comme le « baiser de la mort de l’Europe à l’Afrique ». Mais face à la ZLEC, la Zone de libre-échange continentale, il est pour l’heure silencieux. Exceptés le travail de décryptage d’Africa Check et les salutaires campagnes d’explications menées par le Comité d’action pour l’abolition des dettes illégitimes ou le réseau Third World Network Africa, le manque de discours critique est inquiétant. Qu’il s’agisse de la récente campagne présidentielle sénégalaise ou des élections législatives qui viennent de se mener en Afrique du Sud, la ZLEC, qui couvre tous les aspects du commerce, y compris les marchandises, les services, la concurrence, la propriété intellectuelle et les investissements, a été totalement absente des débats politiques.

Saluée par l’Union européenne, la Chine, les États-Unis, et le chef d’orchestre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la plus grande zone de libre-échange au monde depuis la création de l’OMC devrait entrer en vigueur à partir du 30 mai prochain, quinze mois après la signature de l’accord prévoyant sa mise en place lors d’un sommet extraordinaire de l’Union Africaine (UA) organisé à Kigali (Rwanda). La presse n’a pas manqué de saluer le « volontarisme » du chef de l’État rwandais Paul Kagame, alors président de l’UA et artisan de la mise en orbite de ce libre marché de 1,2 milliard de personnes, au produit intérieur brut combiné de 2 500 milliards de dollars. M. Kagame, qui a comme modele Lee Kuan Yew, le défunt « père » de Singapour, est un fervent partisan du libre-échange. Dans la ZLEC, exempte à 90 % de barrières douanières et tarifaires, les droits de douane intra-africains, de 6,9 % en moyenne, seront réduits à presque rien. L’ambition, en accroissant le commerce de 52,3 % par an entre les nations du continent, est de donner naissance à un « puissant instrument pour mieux s’impliquer dans le nouvel ordre économique mondial ». Le Kenyan Mukhisa Kituyi, secrétaire général de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), l’un des parrains techniques de la ZLEC, qui « a non seulement encouragé l’UA à créer une zone de libre-échange, mais a aussi formé des négociateurs pour les régions et les pays », vante le « phénoménal potentiel du commerce intra africain ».

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