Haganah et Irgoun, la naissance du terrorisme sioniste

Lorenzo Poli, InfoPal, 19/10/2023
Traduit de l’italien par Rosa Llorens, Tlaxcala

Lorenzo Poli est étudiant de Sciences politiques en Relations Internationales et Droits de l’homme à l’Université de Padoue (Italie). Passionné par l’actualité politique et la politique internationale, il collabore avec divers médias, dont InfoPal, Pressenza Italia et Palestine Chronicle Italia.

Qu’est-ce que le “terrorisme islamique” ?

Aujourd’hui, l’opinion publique occidentale est horrifiée par les actions de la résistance armée palestinienne, qu’elle qualifie improprement de “terrorisme islamique”. Pendant ce temps, les grands médias s’évertuent à superposer la résistance palestinienne au “terrorisme islamique”, mettant  tout dans le même sac et générant encore plus de confusion qu’il n’y en a déjà. Rappelons que l’histoire et la géopolitique nous enseignent que les organisations  fondamentalistes et terroristes de marque islamique sont à ce jour Al-Qaïda, le Front Al-Nosra en Syrie et au Liban, Al-Shabaab en Somalie, Daesh en Irak et en Syrie, et les ex-membres d’Al-Qaïda de la “résistance modérée” syrienne. Il s’agit d’organisations – soutenues et souvent créées par les services de renseignement occidentaux   dans le cadre des ordres du jour de l’OTAN – qui se référaient au salafisme wahhabite, une doctrine que la Conférence Islamique mondiale de Grozny a déclarée en 2016 “non sunnite” et donc non considérée comme “islamiques”. Selon la Conférence Islamique de Grozny, le salafisme wahhabite pourrait relever de la définition du néo-kharidjisme, en reprenant la définition du kharidjisme comme une secte née en 657 après J.-C. à la suite des dissensions qui ont éclaté entre les partisans du calife Alī, qui s’est différenciée en une série de groupes plus ou moins extrémistes (soufrites, azraquites et najadat).

On ne peut en aucun cas rapprocher ou comparer ces  groupes fondamentalistes  à la résistance palestinienne, qu’elle soit laïque (FPLP, OLP ou El-Fatah) ou religieuse (Hamas et Jihad Islamique). Le Hamas n’est donc pas un mouvement terroriste, mais un mouvement  de libération nationale islamique.

Qu’est-ce que le terrorisme sioniste, bras armé de la première colonisation de la Palestine ?

Cela dit, malgré le silence des médias sur la question, il est juste de rappeler que la colonisation de la Palestine et le nettoyage ethnique qui s’en est suivi, qui a abouti au génocide de la Nakba en 1948, est l’œuvre du terrorisme juif sioniste. L’historien israélien Ilan Pappé, dans son livre Le nettoyage ethnique de la Palestine, démontre, avec  rigueur scientifique et en s’attachant scrupuleusement  à la vérité historique, comment le terrorisme sioniste a été le bras armé qui a jeté les bases de la colonisation de la Palestine au moyen de  la haine anti-arabe et de l’islamophobie. En utilisant des documents historiques de première main, tels que les journaux de bord de Ben Gourion et les procès-verbaux des réunions du Comité consultatif, la plus haute instance décisionnelle de la Haganah, Pappé montre que l’expulsion des Palestiniens du territoire qui deviendrait Israël n’est pas le résultat d’une réaction défensive aux menaces arabes. mais a été planifiée, organisée et exécutée sciemment par les dirigeants de la Haganah, une organisation paramilitaire et terroriste juive et sioniste active en Palestine pendant le mandat britannique, de 1920 à 1948, qui a ensuite été intégrée aux Forces de défense israéliennes en tant que force armée de l’État d’Israël. Pappé démontre clairement que la désarabisation de la Palestine faisait partie du programme du sionisme depuis sa fondation à l’époque de Theodor Herzl et que, dès 1936, elle était incluse dans le premier plan rédigé par Ben Gourion pour le “nettoyage ethnique” de la Palestine, le plan Aleph (A), qui serait suivi par d’autres plans jusqu’à celui qui  fut effectivement mis en œuvre, le plan Dalet (D).

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Le livre met en évidence le flot d’ignominies commises par le terrorisme sioniste, documentant l’existence d’archives spéciales gérées avec l’argent du Fonds National Juif afin de collecter toutes les informations utiles pour la destruction future des villages palestiniens. Toutes ces informations étaient obtenues par la ruse, en profitant de l’hospitalité traditionnelle des familles palestiniennes ou avec l’aide d’espions ou de Juifs déguisés en Arabes. Lorsque le plan Dalet  sera déclenché, les milices de la Haganah et les bandes terroristes Irgoun et Stern arriveront dans les villages en sachant déjà exactement où frapper, les notables et militants palestiniens à éliminer sur place, les terres, les richesses et les récoltes à s’approprier.  

La naissance de l’Irgoun et la première opération sous faux drapeau

En 1937, les membres de la plus importante branche de droite de la Haganah créent leur propre structure et forment l’Irgoun Zvai Leumi (Organisation  Nationale Militaire), connue plus simplement sous le nom d'”Irgoun”. Ils étaient mécontents de la politique de prudence menée par la Haganah face aux Britanniques et aux Arabes. En 1940, le Lohamei Herut Israel (Combattants pour la liberté d’Israël) se sépara de l’Irgoun ;  il est plus  connu sous le nom de Lehi ou “Bande Stern “, du nom de son chef  qui était opposé à la politique de collaboration avec les Britanniques instaurée par une trêve en 1940. L’Irgoun et la Bande Stern furent par la suite bien connus  pour leurs méthodes de combat clandestines, y compris l’emploi du terrorisme.

Entre 1937 et 1948, le mouvement sioniste Irgoun Zvai Leimi – qui fut qualifié d'”organisation terroriste” par le New York Times – a perpétré une soixantaine d’attentats en Palestine. Ces attaques étaient dirigées à la fois contre les Arabes vivant dans la région et contre les Britanniques qui la contrôlaient politiquement et militairement. La stratégie de l’Irgoun avait en fait un axe double : d’une part, terroriser les Arabes pour les inciter à quitter leurs terres et, d’autre part, forcer les Britanniques à quitter ces terres, facilitant ainsi la création de l’État d’Israël.

Bien que perpétrés de manière systématique, les attentats de l’Irgoun étaient presque toujours d’importance mineure, causant une dizaine de morts au maximum. En 1946, cette organisation terroriste réalisa l’un des attentats les plus célèbres de l’histoire moderne en plaçant une bombe à l’hôtel King David de Jérusalem, causant 96 morts et plus de 50 blessés.

La particularité de cette action terroriste n’est pas seulement l’ampleur exceptionnelle de l’attaque, mais aussi le fait que les poseurs de bombes – tous juifs de l’Irgoun – la mirent en œuvre déguisés en Arabes afin de rejeter la responsabilité sur les Palestiniens. C’est pourquoi l’attentat à la bombe de l’hôtel King David peut être considéré sans conteste  comme le premier attentat terroriste “sous faux drapeau” de l’ère moderne, c’est-à-dire un attentat perpétré non pas dans l’intention de revendiquer quelque chose, mais dans l’intention de faire porter la responsabilité de cet attentat à l’ennemi. Ce sont les terroristes sionistes de l’Irgoun, en 1946, qui  inaugurèrent ce type de terrorisme “international”, qui a servi de base à de nombreuses autres opérations sous faux drapeau menées par l’impérialisme américain dans le monde entier.

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Les actions terroristes de l’Irgoun et de la Haganah jusqu’à la Nakba

Avant 1948, l’Irgoun, l’organisation terroriste sioniste qui  donnera plus tard naissance  au parti d’extrême droite Likoud et qui était dirigée par le futur premier ministre d’Israël, Menachem Begin, un adepte de Jabotinski et  admirateur d’Hitler,  réalisa de nombreuses attaques contre la population palestinienne pacifique de Haïfa, qui avait jusqu’alors coexisté en pleine harmonie avec les Juifs autochtones et ashkénazes qui avaient immigré depuis la fin du 19e siècle. On se souvient en particulier de la bombe lancée sur les dockers qui faisaient la queue pour aller travailler dans le port, action qui  servit à briser le syndicat unique des dockers qui comprenait à la fois des Arabes et des Juifs, véritable cible du massacre dans lequel moururent une quarantaine de travailleurs.

Plus tard, au début de la Nakba, l’Irgoun et la Haganah lancèrent des barils incendiaires et des explosifs depuis les quartiers résidentiels juifs sur les quartiers palestiniens situés en contrebas, afin de faire sortir les Palestiniens dans les rues et de les abattre d’en haut à la mitrailleuse. Le bombardement du marché situé en face du port, où la population palestinienne désespérée s’était massée,  dans l’attente de n’importe quelle barque qui les emmènerait vers le salut,  causa la mort de nombreuses personnes, piétinées, ou noyées dans des embarcations improvisées.

Dans son livre, Pappé dit la vérité sur le terrible massacre de Deir Yassin, le 9 avril 1948, perpétré par 120 combattants sionistes appartenant à l’Irgoun et au Lehi. La Haganah avait laissé le sale boulot à la Bande Stern de Shlomo Shamir pour préserver son image “propre”. Il y eut 254 Palestiniens assassinés, sans qu’ils aient pu opposer la moindre réaction à la déportation : parmi eux, de nombreuses femmes et enfants – 40 nouveaux-nés et 30 enfants –  furent  alignés contre un mur et criblés de balles sous les rires des terroristes de Stern.

Le livre de Pappé est rempli de ces horreurs, comme l’empoisonnement de l’aqueduc d’Acre par des hommes de la Haganah, qui provoquera une épidémie de typhus parmi les assiégés. Le bilan final de la Nakba sera de 531 villages palestiniens rayés de la surface de la terre, des milliers de morts parmi la population civile palestinienne et plus d’un million de déportés.

Le terrorisme juif et les attentats “étiquette de prix »

Depuis 1948, le terrorisme sioniste contre les Palestiniens n’a fait qu’augmenter. C’est surtout depuis les années 2000 que des groupes sionistes se livrent à des actes de terrorisme colonial à arrière-plan religieux appelés “étiquette de prix”, à savoir le prix que – selon les colons – les Palestiniens, chrétiens et musulmans, “doivent payer” en tant que  “coupables” de se trouver en Terre Sainte. Ces épisodes se produisent quotidiennement en Cisjordanie,  jadis une région aux frontières définies, qui se trouve réduite  à l’état d’un ensemble  de zones en taches de léopard.

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En novembre 2014, le groupe sioniste d’extrême droite “Lehava”  mit le feu à des salles de classe de l’école “Main dans la main” à Jérusalem, où des enfants juifs et palestiniens étudient ensemble. Dans ce cas, certains ministres israéliens ont condamné l’incident. Parmi les épisodes de terrorisme, il faut rappeler l’incendie de la mosquée Al Jabaa à l’aube du 25 février 2015, ou l’incendie criminel qui a endommagé un séminaire grec orthodoxe à la porte de Jaffa, à Jérusalem, le 26 février 2015. Les murs portaient des inscriptions  injurieuses contre Jésus-Christ et le slogan “Rédemption pour Sion”.

Ces dernières années, les colons juifs et les groupes sionistes extrémistes ont commis des actes terroristes en Cisjordanie contre la population palestinienne et ses lieux de culte, comme la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, qui fait souvent l’objet d’épisodes de profanation. Sans compter les innombrables actes de violence terroriste que ces groupes commettent dans les colonies illégales ou en incendiant des oliveraies dans les villages palestiniens.

Le gouvernement israélien est responsable de ces attaques qui visent à terroriser les Palestiniens et à les inciter à quitter leur terre. Ces attaques sont la conséquence directe de la volonté de définir officiellement Israël comme un “État juif” et Jérusalem comme la capitale éternelle et indivise du peuple juif.

Ces dernières années, et plus particulièrement en 2014, des attaques “étiquette de prix” ont eu lieu contre des mosquées, des églises et même des véhicules de l’armée israélienne, accusée par les colons de se montrer “trop douce” à l’égard des Palestiniens. Des attaques ” étiquette de prix” ont également été menées en Galilée, contre des sites de culte chrétiens, avant la visite officielle du pape François en Terre sainte. Dans la plupart des actions « étiquette de prix», les réactions des autorités israéliennes sont pour le moins modestes. Non seulement les Palestiniens, mais aussi certains membres de la gauche israélienne, affirment que le manque de réactivité de la police et des forces de sécurité à l’égard des auteurs de ces actions est dû au soutien important dont bénéficient les colons et les extrémistes au sein du gouvernement et du parlement, dominés par la droite extrême.

NdE
L’Irgoun a commis une soixantaine d’attentats, principalement contre des Palestiniens désarmés entre 1936 et 1939, pendant la “Grande révolte arabe”. Les plus meurtriers eurent lieu le 14 novembre 1937 à Jérusalem (“Dimanche noir”, 10 morts), le  19 juin 1938 à Haifa (18 morts, dont 6 femmes et 3 enfants), le 6 juillet 1938 au marché des melons de Haifa (23 morts, dont 5 Juifs) etc. etc. Voir liste complète ici

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