By Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
16 février 2020 2020
Le peuple de Guinée Bissau est aujourd’hui pris en otage par le retard pris dans la validation des résultats du second tour de la Présidentielle, par la Cours Suprême de ce pays.
En effet, ses exigences, de recomptage des votes, ont produit les mêmes résultats, mais cela n’a pas empêché la Cours Suprême d’exiger un nouveau recomptage, cette fois, non plus des PV contestés, mais « bureau de vote par bureau de vote », contesté comme non conté !
Or tout le monde s’accorde sur le fait, que dans de pareils cas, seuls les résultats des P V contestés sont concernés !
Cette nouvelle exigence prouve nettement qu’elle remet en cause la fiabilité de tous les résultats proclamés par la « Commission Nationale Electorale » (CNE), tout en s’abstenant de prendre la responsabilité d’invalider le second tour de cette Présidentielle, pour fixer une nouvelle date pour la tenue d’un nouveau second tour.
Ainsi, contrairement au Kenya où la Cours Suprême avait pris sur elle la responsabilité d’annuler les résultats de la Présidentielle pour fixer une date pour la tenue d’une nouvelle élection, celle de Bissau veut obliger la CNE à se dédire pour proclamer de nouveaux résultats en faveur du Candidat du PAIGC.
A Bissau, malgré la reprise du comptage des bureaux des PV contestés sous la supervision de la CEDAO, la Cours suprême insiste sur son refus de valider les résultats qu’il a produits.
Cette situation ne peut s’expliquer que par la nature du régime de ce Pays, où un Parti, le PAIGC, est majoritaire à l’Assemblée nationale et contrôle le pouvoir judiciaire, alors qu’il a perdu le pouvoir présidentiel qui fut contrôlé, avant les élections, par un dissident de ce Parti.
C’est cette perte de contrôle du pouvoir présidentiel dans un régime où le Premier Ministre est issu de la majorité parlementaire, qui avait plongé la Guinée Bissau dans une grave crise institutionnelle, que la CEDEAO a tenté de résoudre par la recommandation de la tenue d’une nouvelle élection présidentielle.
Nous assistons aujourd’hui au fait que cette élection a été incapable de surmonter cette crise institutionnelle, qui s’est en fait de nouveau manifestée par les résultats proclamés par la CNE, qui font perdre au PAIGC, le contrôle de la Présidence de la République en faveur d’un autre dissident de ce parti, entérinant la situation contre laquelle il s’était mobilisé.
Ainsi, il s’est servi de la Cours Suprême pour imposer à la CNE de se déduire, pour lui permettre de récupérer la Présidence, afin de rétablir son pouvoir absolu par l’Etat de Guinée Bissau.
La crise électorale qui s’en est suivie ne peut se résoudre que par un reniement de la CNE ou par l’invalidation du second tour, pour en organiser un autre, en jetant ce pays dans une situation de déstabilisation, dont le Sénégal serait la principale victime.
Cette perspective est d’autant plus réelle avec le projet du candidat du PAIGC de remettre en cause les accords sur la frontière maritime avec le Sénégal et le partage du pétrole dans cette zone, qui ont résulté d’un arbitrage international.
Cette perspective fait qu’aucun autre pays de la sous- région, n’a autant d’intérêt économique et sécuritaire que le Sénégal, pour obtenir que soit respecté la volonté du peuple de Guinée Bissau, exprimée, de façon pacifique et transparente sous supervision internationale, dans les résultats proclamés par la CNE, et validés par la CEDEAO après un second comptage demandé par la Cours Suprême.
Pour que cela en soit de façon pacifique, il faudrait, à la demande de la CEDEAO, que l’Union Africaine, l’ONU et les grandes puissances, prennent des sanctions économiques et entreprennent des poursuites judiciaires contre tous ceux qui entravent le respect strict du suffrage exprimé par le peuple de la Guinée Bissau, et traduit dans les résultats proclamés par la CNE.
Dans le même temps, la nécessité de résoudre la crise institutionnelle de la Guinée Bissau s’impose, puisque, du fait de la non concordance de la majorité présidentielle avec la majorité parlementaire qui en résulterait, le pays va se retrouver en situation de blocage, comme avant la Présidentielle.
La Guinée Bissau devrait donc, ou bien s’orienter vers un régime présidentiel dans lequel le pouvoir exécutif revient entièrement au Président de la République élu au suffrage universel direct, ou bien, vers un régime parlementaire, dans lequel le pouvoir exécutif revient entièrement à la majorité parlementaire, avec un Président de la République élu par un suffrage indirect, pour veiller au bon fonctionnement des Institutions de la République.
Donc, cette double impasse électorale et institutionnelle exige une large concertation nationale, dès après l’installation du Président élu, afin de se pencher sur la nécessaire évolution des Institutions de ce pays.
Dans cette perspective, il faudrait que ce peuple de Guinée Bissau, prenne en compte le fait, que le régime présidentiel en Afrique a atteint partout, ses limites sociales et son efficacité dans le maintien d’une stabilité durable.
En effet, sous le régime présidentiel, nos peuples sont confrontés , d’une part, avec leurs besoins de démocratie, qui supposent la limitation de la durée et du nombre de renouvellement du mandat du Président de la République, et, d’autre part, leurs besoins de stabilité durable qui ouvrent la porte à toutes les formes d’instauration d’un Président de la République à vie, à travers diverses tentatives de révision des constitutions, pour renouveler éternellement le mandat du Président sortant.
C’est cette contradiction, sous le régime présidentiel qui sévit dans tous nos pays d’Afrique, y compris au Sénégal, qui rend chaque élection présidentielle, potentiellement déstabilisatrice, porteuse de violences gratuites, et de régression au plan économique et au plan de la démocratie.
C’est un tel cauchemar que nos peuples vivent comme un éternel recommencement, qui annihile toutes ses aspirations à la Démocratie, à la paix civile et au mieux -être.
Il reste donc à nos peuples comme seule alternative, l’option d’un régime parlementaire, qui conjugue à la fois sa souveraineté sur ses institutions dans la stabilité et la paix civile, et ses aspirations à plus de démocratie et de progrés économique et social.
Ce sont tous ces enjeux que porte la crise électorale et institutionnelle de la Guinée Bissau qui invitent tous les républicains des pays de la sous-région à œuvrer pour le respect de la volonté de ce peuple librement exprimée de façon transparente, par son suffrage, et l’ouverture d’un « Dialogue National de Réforme des Institutions ».
C’est pourquoi, les critiques portées par Sonko, contre la position du Président Macky Sall qui milite pour ce respect, ne reflètent que son engagement politique derrière le candidat mauvais perdant du PAIGC, qui pourtant menace ouvertement les intérêts du Sénégal.
Sonko démontre ainsi qu’il n’est ni républicain, ni démocrate, mais qu’il est surtout un apatride, prêt à s’allier avec tous ceux qui peuvent déstabiliser notre pays pour parvenir à ses fins inavouées !
Le contrer sans concession, et le dénoncer sans états d’âme, sont devenus un devoir citoyen de haute portée !