Guerre à la guerre

Le scénario d’une guerre américano-israélienne contre l’Iran, probablement avec l’utilisation d’armes nucléaires, selon la planification des forces armées américaines (http://www.defenddemocracy.press/the-iran-plans/) n’est pas un accident, une aberration, un caprice personnel. C’est le produit organique  et systémique de l’impérialisme occidental et israélien. C’est pourquoi la guerre aura lieu finalement, si d’énormes forces politiques ne prennent pas conscience très rapidement des enjeux et ne se mobilisent pas, à l’intérieur de l’Etat américain, de la Russie, de la Chine et de l’opinion publique mondiale pour arrêter un tel désastre global.
Nous publions  ici des extraits de deux articles sur le sujet d’une guerre avec l’Iran écrits en 2006 et 2007. Nous pensons qu’ils prouvent ce que nous avons dit plus haut, c’est-à-dire le caractère systémique et organique du danger de guerre.

GUERRE A LA GUERRE

Utopie critique : nus republions ci-dessous des extraits de deux articles, qui restent d’actualité, sur la politique des Usa envers l’Iran et la possibilité d’une guerre nucléaire qui semble réapparaître aujourd’hui avec la menace d’une escalade guerrière entre les Usa et l’Iran.

Halte aux menaces Us de bombardements

nucléaires de l’Iran (*)

Par Dimitris Konstantakopoulos et Gilbert Marquis

«C’est dans le spectre d’un conflit mondial, d’une nature particulière, « atypique », « non symétrique » et « non conventionnelle », que pose à l’humanité entière la menace d’une guerre nucléaire contre l’Iran. Une guerre que préparent actuellement les néoconservateurs américains et le « lobby » sioniste. Ces projets et préparations rencontrent, pour le moment, de fortes résistances dans des groupes importants de l’establishment américain et du capital mondial, une résistance évidemment de la part de la Russie et de la Chine, quoique ambigüe, ainsi que le début d’une mobilisation de masse aux Etats Unis même.

Par contre, elles ne trouvent en Europe que complicité, opportunisme, dépendance et apathie, un peu réminiscents d’ Aout 1914, quand notre continent s’est vu glissé imperceptiblement dans la deuxième guerre mondiale. Comme souvent, les grandes désillusions et l’apathie peuvent être le signe annonciateur de l’approche de grandes catastrophes. La position lamentable du gouvernement français par rapport au dossier iranien – Paris coulant par sa coopération avec Washington  à « réparer » les “dommages” portés aux relations franco-américaine (a cause de l’ affaire irakienne) – est particulièrement frappante à cet égard.

Certes, on ne peut pas être sûr de la suite des évènements, mais seule une personne dupée ne pourrait reconnaître l’accumulation graduelle des éléments pouvant conduire à une guerre autrement plus grave que la guerre irakienne, ainsi qu’à la première utilisation de l’arme atomique depuis 1945. L’indifférence ou la complicité européenne, le manque presque total de mobilisations politiques en Europe, l’influence d’un puissant lobby israélien sont, en revanche, des éléments facilitant dangereusement le développement ses projets étasuniens. (..) La non utilisation de l’arme atomique, son existence comme seulement « arme de dernier recours », ne sont pas un quelconque « tabou ». (Le Monde du 20 avril 2006). (..) Ils sont le fondement, non seulement des relations internationales après 1945, mais aussi de la survie même de l’humanité.

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(..) Les évènements en Iran pourront avoir une importance énorme non seulement pour le Proche Orient, mais aussi ils vont influencer fortement le destin même de nos propres sociétés. Une guerre contre l’Iran pourrait faciliter le déclanchement d’une crise économique mondiale. Elle pourrait aussi nous amener une « guerre de civilisations » généralisée qui prendra des formes inouïes, forme qui viendraient justifier le recours à des méthodes totalitaires au sein de nos propres sociétés. Méthodes qui se préparent déjà depuis plusieurs années, dans le cadre de la lutte « anti-terroriste » (..)

De façon plus générale, la situation au Moyen Orient présente pour les Etats Unis et Israël les alternatives suivantes :

a-    Un retrait de l’Irak. Mais l’Irak n’est pas le Vietnam, il abrite d’énormes réserves de pétrole, et une retraite semble difficilement concevable.

b-    Un compromis avec l’Iran pour la gestion de la situation irakienne et la continuation de son programme nucléaire et plus particulièrement de l’enrichissement de l’uranium  dans un cadre plus contrôlé. Tout cela implique un retournement complet de l’actuelle politique américaine et israélienne et la reconnaissance de l’Iran comme interlocuteur, dans la perspective en fait d’un rapprochement de l’Occident avec le nationalisme iranien, dans l’espoir de l’éloigner à terme du fondamentalisme islamique, comme le préconise Brzezinski. Un tel retournement conduirait aussi à une énorme poussée de l’idée du multipοlarisme dans les relations internationales. Ce n’est pas à priori impossible, mais ce serait la fin du néo-conservatisme et une évolution très négative pour les intérêts d’Israël. Rien dans les discours et la politique des néocons ne nous prédispose à penser qu’ils sont prêts à suivre un tel chemin.

c-    (..) Une fuite en avant, par un bombardement de l’Iran étant donné les difficultés d’une invasion, sous la meme «impulsion » qui a conduit Napoléon ou Hitler à attaquer la Russie, dans l’espoir de renverser le régime iranien et de conclure ainsi par une victoire la plus grande campagne coloniale de l’histoire, commencée depuis plusieurs années sous couvert de « la lutte contre le terrorisme ».

L’aventure est très risquée, un peu comme l’expédition en Sicile des Athéniens qui consacra la fin de leur hégémonie, mais elle semble bien être dans le contexte et la pensée “thucydidienne” (en réalité pseudo-thucididienne) des néoconservateurs voulant fonder le « nouveau siècle américain ». Une victoire au Proche-Orient ne serait pas seulement une victoire régionale mais aussi, étant donné l’importance énergétique et stratégique de la région, une énorme victoire indirecte contre la Chine, la Russie et l’Europe. Les Etats Unis pourraient acquérir le contrôle des plus grandes réserves mondiales d’hydrocarbures (ou, au moins empêcher les autres de l’acquérir). Ils auraient enfin prouvé la validité du postulat « la force militaire Uber Alles » que les conservateurs ont érigé en fondement de leur stratégie (« ce n’est pas important de nous aimer, c’est important de nous comprendre »), c’est-à-dire craindre, aux termes utilisés par l’idéologue néocon, Newt Gingritch, dans un article paru dans l’été 2003 dans la revue Foreign Policy. En effet, la démarche des néocons et d’Israël peut se résumer en un effort d’inverser la fameuse formule de Clausevitz, en faisant de « la politique la continuation de la guerre » et en utilisant au maximum l’atout militaire des Etats Unis.

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L’option d’une attaque nucléaire contre l’Iran.

A l’évidence, une invasion de l’Iran n’a pas de sens. Les bombardements auront tous les désavantages d’une guerre, sans conduire à la capitulation de l’Iran. Le résultat le plus immédiat d’une campagne de bombardements serait la généralisation de la guerre en Irak et en Afghanistan, les armes conventionnelles des Etats Unis ont déjà été utilisées contre l’Irak et elles n’ont pas donné la victoire. Par des bombardements aériens les Etats Unis pourront tout au plus, porter un coup au programme nucléaire.

(..) La possibilité d’une attaque nucléaire ne provient pas de calculs raisonnables mais de la cristallisation des deux côtés d’une perception de la situation qui rend avantageuse, ou au moins obligatoire, son recours.

D’un côté on a un leadership occidental, parmi les plus réactionnaires et le moins politique de l’histoire. Il s’est formé sous l’énorme impact psychologique de l’écroulement soudain, complet et inattendu de l’URSS

(..) De l’autre côté, on remarque une effervescence nationale révolutionnaire à coloration islamique des peuples du Moyen Orient. Elle se dirige tout naturellement vers l’idéologie islamique, qui semble la seule disponible à ces peuples, pour structurer intellectuellement leur résistance, après la débâcle historique de l’Urss, du stalinisme, du nationalisme et de la modernisation arabe ou persane. L’Occident et Israël ont fait tout ce qu’ils pouvaient pendant des décennies pour favoriser l’émergence de l’islamisme en tant qu’idéologie politique, susceptible de contrecarrer le nationalisme et le socialisme.

(..) La défaite militaire des Etats Unis en Irak et en Afghanistan devait empêcher toute nouvelle aventure de leur part, pensent beaucoup d’Européens qui veulent recréer des ponts avec leurs dits alliés, sous l’influence rarement avouée des forces pro-israéliennes. »

(Utopie-critique n°37, 2ème trimestre 2006)


Israël est prêt à bombarder l’Iran et guide l’empire (*)

Par Dimitris Konstantakopulos et Gilbert Marquis

«   Nous avons prévenu dans notre éditorial d’Utopie Critique n° 37 de 2006 du danger d’une guerre contre l’Iran. Depuis, on voit s’accélérer la reparation militaire, politique, idéologique et meme des expérimentations» au Liban et en Syrie. On ne peut pas prédire assurément si la guerre viendra, mais on ne peut pas non plus constater l’accumulation graduelle des éléments conduisant à cette catastrophe.

La catastrophe en Irak devrait normalement empêcher Israël et les USA de déclencher une nouvelle guerre. Paradoxalement, c’est l’étendue de la défaite qui les pousse à une fuite en avant. Ils n’ont pas fait la guerre pour augmenter la puissance de l’Iran. Le statut quo est intenable à la longue. Un retrait américain de l’Irak est difficilement concevable pour Washington, absolument inconcevable pout Israël. Une porte de sortie serait un « condominium » américano-iranien dans la région, or la probabilité diminue avec le temps qui passe et son prix augmente.

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La défaite en Irak prendrait le caractère d’une défaite stratégique et le modèle de la retraite vietnamienne est très difficilement applicable. Israël et les Usa se trouvent devant un dilemme similaire à celui des Athéniens avant l’ expedition en Sicile, ou de Napoléon et d’Hitler avant leurs expéditions en Russie. Le fait qu’il n’y a encore aucune mobilisation des cercles politiques et des masses populaires en Europe contre la guerre pour un Moyen-Orient dénucléarisé, pèse lourdement dans le sens de la guerre.

Il est probable que les armes nucléaires dites tactiques seront utilisées contre l’Iran, par ce que les armes conventionnelles ont montré leurs limites en Irak. La justification politique d’une telle utilisation pourrait être fournie par une attaque terroriste, plus importante que celles que nous avons connues, réelle ou « provoquée », dans une ville occidentale, suivie d’une « réponse » chimique de l’Iran contre Israël, en cas d’attaque contre l’Iran, ou par un autre événement dans l’escalade ou la provocation.

Les conséquences d’un tel conflit sont incalculables. Une catastrophe politique, écologique, et économique en découlerait. Une victoire de l’ «Occident »  nous conduirait  probablement  à  un Empire totalitaire… Et toutes les éventualités les plus sinistres se présenteraient !

«Notre» presse continue d’écrire que ce sera une catastrophe, si les Iraniens présentés comme fous, acquièrent l’arme nucléaire. Ils ne disent rien du fait que John Podhoretz, fameux idéologue des néoconservateurs et néolibéraux américains, membres influent de la communauté juive, propose, dans les colonnes du New York Post (/25/07/2006), sixième quotidien en circulation aux USA, qu’il faut massacrer tous les chiites irakiens hommes, de 15 à 35 ans, sans provoquer un immense tollé. Son père Norman, gourou du néoconservatisme et du néolibéralisme, est allé conseiller le Président Bush il y a quelques jours d’être encore plus ferme contre l’Iran.

Aux mains de ces forces se trouve le plus grand appareil militaire de destruction de l’Histoire. Ce sont eux et Sarkozy, président de 62 millions de Français, ou les six millions d’Israéliens qui revendiquent aujourd’hui, le monopole du feu nucléaire, qui semblent disposés à risquer une catastrophe mondiale pour éviter d’être potentiellement « menacés ». De la mondialisation, c’est-à-dire la dictature mondiale des marchés, imposée en 1990, on est arrivé à l’empire, qui s’efforce de donner une structure politico-militaire impériale à ce contrôle. Effort qui prend de plus en plus des caractéristiques totalitaires prononcées. Il est temps d’agir. »

* (Utopie-Critique, n°42, 4ème trimestre 2007)