Grèce : Goldman, prise la main dans le Sachs

Par Jean Quatremer,  et Grégoire Biseau
 

La banque est accusée d’avoir spéculé sur la faillite de la Grèce tout en conseillant Athènes depuis des années.

Et si Michael Moore, et son film Capitalism : a Love Story, était bien en deçà de la réalité ? Et si le fleuron des «banksters», le surnom que Main street, l’homme de la rue, donne depuis la crise aux banquiers de Wall Street, était au cœur d’une affaire de subprimes étatique en Europe ? Goldman Sachs, la banque la plus puissante du monde, a spéculé sur le dos de la Grèce tout en se faisant rémunérer par Athènes pour l’aider à gérer sa dette. Voilà l’accusation qui trotte dans la tête de tous les banquiers européens. Et même au-delà. Fait rarissime, les politiques sont montés au créneau pour mettre en doute l’intégrité de la pieuvre Goldman Sachs. Sans jamais la nommer, la chancelière allemande Angela Merkel a dégainé la première mercredi. Elle juge «scandaleux» que certaines banques aient pu aider à maquiller le déficit budgétaire de la Grèce et provoquer ainsi une crise de toute la zone euro. Le lendemain, c’est au tour de la ministre de l’Economie, Christine Lagarde de se demander si «The Firm», comme on la surnomme, avait aidé la Grèce à maquiller la réalité de sa dette. «C’est une question à laquelle on doit avoir la réponse», a-t-elle dit sur France Inter. Ce n’est pas la seule. La banque américaine aux 13,3 milliards de dollars de bénéfice en 2009 est de tous les conflits d’intérêts potentiels dans cette crise grecque. A la fois conseiller et spéculateur. Bref le pire visage de la finance mondialisée…

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Destination Athènes

Nous sommes début novembre 2009. Le nouveau gouvernement socialiste de George Papandreou s’arrache les cheveux. Comment convaincre les marchés et Bruxelles qu’il pourra bien tenir son programme d’austérité pour réduire une dette abyssale (112 %du PIB) ? La situation semble intenable. C’est à cette date, raconte le New York Times, qu’une délégation de banquiers de Goldman Sachs emmenée par leur numéro 2, Gary Cohn, débarque à Athènes. Nos chers banquiers ont pris rendez-vous pour présenter leur dernière petite merveille : «Un instrument financier permettant de remettre à un avenir très lointain le coût de système de santé du pays.» Et donc permettre à Athènes de se redonner un peu d’air. Goldman Sachs se sent ici un peu chez elle. Gary Cohn aurait rencontré au moins à deux reprises le Premier ministre grec. Cette proximité n’étonne personne. «Cela fait partie de la culture de la finance américaine et particulièrement de Goldman Sachs d’entretenir un contact direct avec les chefs d’Etat ou leur ministre des finances», raconte un banquier européen. L’ex-institution d’Henry Paulson, le secrétaire d’Etat au Trésor de George Bush, connaît très bien toutes les subtilités de la dette grecque. Il en fait une spécialité. «Goldman ne s’intéresse pas au marché de la dette des grands pays comme la France ou l’Allemagne, il préfère celle des petits, comme la Grèce ou le Portugal, car elle est plus volatile et donc plus spéculative, assure un responsable de la dette d’un pays européen. C’est beaucoup plus facile de se faire de l’argent vite». Et plus discrètement.

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