Le 23 juin 2011, alors en résidence surveillée à Ellingham Hall, Julian Assange reçoit une délégation de Google emmenée par Eric Schmidt. Augmenté d’articles inédits de Julian Assange, c’est le verbatim de cet improbable entretien avec l’état-major de Google qui est publié aux Éditions Ring sous le titre Google contre WikiLeaks.
Julian Assange n’avance jamais une information qui ne soit parfaitement documentée. Avec WikiLeaks, sa plate-forme dédiée aux lanceurs d’alerte, il a pris l’habitude d’exposer des documents puisés aux meilleures sources.
Il affirme, dans cet ouvrage, que Google n’est pas un simple moteur de recherche mais, avant tout, une entreprise de « colonisation digitale » dont la stratégie épouse étroitement celle du département d’État américain.
La délégation de Google qui rend visite à Julian Assange est composée d’hommes et de femmes des réseaux de l’ombre de la diplomatie américaine, « courtisans du monde des think tanks et instituts politiques », tous membres du Council on Foreign Relations.
Julian Assange, dans une brillante analyse d’un article d’Eric Schmidt et de Jared Cohen sur la « disruption digitale » publié dans Foreign Affairs, nous montre comment Google est devenue le volet high-tech du « poing invisible » américain.
Google fabrique des robots militaires et gère une flotte de drones ; Google est aussi devenue l’interface par laquelle le gouvernement américain s’interpose dans les communications de tout être humain (Chinois exclus, précise Assange).
C’est que l’espionnage à but lucratif est le véritable business model de Google.
En vendant les données personnelles de ses utilisateurs à la communauté du renseignement, la firme cool et branchée de Mountain View travaille main dans la main avec les structures les plus sombres du pouvoir américain. Avec une bonne conscience en béton armé. « Don’t be evil! »
Cette NSA du monde marchand est la pierre de touche de l’hybridation – par le big data – du monde commercial et du monde du renseignement.
Julian Assange se fait prophète et montre comment l’impérialisme numérique de Google annonce un renversement du Nomos de la Terre.
La destruction de tout espoir de toute vie privée n’a pas d’autre horizon possible que la post-démocratie.
Une classe politique réduite au silence par une surveillance permanente et un citoyen qui s’efface derrière le consommateur producteur de données laissent à Google le champ libre pour se tenir « au point où les tendances libérales et impérialistes convergent dans la vie politique américaine ».
Parce que Google écrit la grammaire de notre accès au savoir, il standardise notre comportement à l’échelle planétaire. C’est par l’algorithme que les firmes finiront par gouverner les hommes.
L’effacement du politique, le façonnage de la personnalité conduiront à la destruction du sujet ; l’adulescent (soit un adolescent en capacité de consommer) prendra sa place et le dernier homme acceptera la numérisation illimitée de sa vie.
La multinationale californienne « cool » au logo « gai et coloré » est, en réalité, un fauteur de guerre animé par une idéologie libérale-libertaire ; c’est par elle que l’empire du bien mondialise le chaos.
Julian Assange est pacifiste. En conséquence, il vit cloîtré depuis plus de six ans. Saura-t-il être le grain de sable dans l’engrenage du pacte big data-renseignement ?