Quelques heures après les annonces faites par Emmanuel Macron en faveur du pouvoir d’achat, François Bayrou proposait d’aller plus loin en modifiant les structures de la stratégie économique européenne
Avec Nicolas Goetzmann
12 décembre 2018
Au lendemain des annonces faites ce 10 décembre par Emmanuel Macron pour répondre aux attentes des Gilets jaunes, son allié François Bayrou déclarait à France Info – en préparant le terrain de la suite de l’action politique – “sans doute y aura-t-il des interrogations à l’égard de la politique de la Banque centrale européenne” (…) “Il faut que les gouvernements européens, entre eux, se posent la question de savoir quels sont les buts à atteindre” pour la BCE, “et y ajouter le plein emploi, parce que le plein emploi c’est l’unité de la société dans laquelle on vit“. Loin d’être anodine, une telle proposition de réforme de la zone euro touche en réalité le cœur du réacteur nucléaire économique européen. Il s’agit ici, ni plus, ni moins, de modifier la stratégie de développement économique du continent vers un modèle nouveau, qui, comme l’indique François Bayrou lors de son interview, tire les leçons du travail réalisé par la Réserve Fédérale des Etats-Unis : c’est-à-dire la recherche de l’emploi maximal comme philosophie.
La question découlant de cette proposition est de savoir ce que cela pourrait changer pour la zone euro. En réalité, presque tout. Depuis son origine, l’objectif unique et prioritaire de la BCE est de stabiliser les prix, à un niveau proche mais inférieur de 2%. Ainsi, il est de son devoir de faire le nécessaire pour remplir cet objectif, tout en disposant d’un pouvoir absolu en ce sens. La stabilité des prix est ici la priorité tandis que le niveau d’emploi peut alors être considéré comme une variable d’ajustement secondaire.
De l’autre côté de l’Atlantique, la FED dispose d’un objectif double, la stabilité des prix et l’emploi maximal. La différence est que la FED va se trouver contrainte, dans une situation de crise par exemple, de faire tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir le niveau d’activité jusqu’à ce que le plein emploi soit atteint, dans la limite de la stabilité des prix. C’est ce qui explique la mise en place d’une politique monétaire beaucoup plus agressive et plus réactive aux Etats-Unis qu’en Europe au cœur de la crise. Un taux de chômage de 10%, comme l’ont connu les Etats-Unis au cours de l’année 2010, n’est simplement pas une option pour la FED. Pour les européens, une même situation au cours de l’année 2010 n’a, par contre, entrainé aucune réponse. Pire encore, au cours de l’année 2011, la BCE resserrait sa politique monétaire pour éviter toute tension à la hausse sur les prix en négligeant totalement la crise sociale provoquée par le chômage de masse qui frappait le continent.