France: une gauche à la croisée des chemins

Par Bruno Drweski

Depuis 1983, l’ensemble de la gauche française, extrême gauche comprise souvent, a eu tendance à accepter, en théorie ou au moins en pratique, de s’adapter au capitalisme en phase de mondialisation, de s’associer au processus de construction européenne voire d’appuyer la ré-adhésion de la France à l’organisation militaire de l’OTAN. Les alternances entre gouvernements de droite et de gauche, avec participation des partis socialistes, radicaux de gauche, écologiste ou communiste, ont démontré que la gauche, non seulement n’éloignait pas du capitalisme mais même, dans le cas du gouvernement Jospin, privatisait les entreprises à un rythme plus rapide que n’avaient osé le faire les gouvernements de droite. Côté intervention militaire en Afrique ou au Moyen-Orient, là encore, les gouvernements à dominante socialiste, y compris avec participation communiste, n’ont jamais montré une fermeté ne serait-ce qu’équivalente à celle montrée par Jacques Chirac lorsqu’il s’est opposé à l’agression des USA contre l’Irak en 2003. Ces gouvernements, toute honte bue, ont participé aux guerres d’occupation visant la Yougoslavie et l’Afghanistan comme ils ont mené des interventions dans les affaires intérieures de la Syrie, de la Cote d’Ivoire, de la Centrafrique ou du Mali, sous prétexte parfois de promouvoir des changements de régime « démocratiques » ou de lutter contre un terrorisme nourri de fait, indirectement et parfois même directement, par les agents du système dominant mondialisé. Quant aux syndicats, même si c’est à un rythme plus lent, on a également assisté à leur alignement plus ou moins prononcé sur les options de la Confédération européenne des syndicats quasi-organiquement liée à la Commission européenne et à l’eurogroupe formé des ministres des finances de l’UE, et qui soutient la thèse de « l’accompagnement » du capitalisme et du « partenariat social » avec ceux qu’on considérait jusque là comme des « ennemis de classe ».

On pouvait dès lors penser que la gauche française allait au final renoncer à ce qui avait fait sa force depuis 1789 et à sa volonté de rompre avec le capitalisme, c’est-à-dire avec la propriété privée des moyens de production et d’échanges. Certes, on trouvait toujours dans les textes officiels adoptés par le Parti communiste français (PCF), par des groupes d’extrême gauche ou par certains syndicats, des formulations rappelant que leur objectif stratégique était toujours censé viser l’abolitiondu capitalisme. Ce qui permettait de constater que les directions de ces organisations continuaient à se heurter à de fortes résistances dans leur propre base mais la culture disciplinée qui avait fait la force du mouvement ouvrier dans sa phase d’ascendance jouait désormais en faveur non plus de la mobilisation radicale mais de la modération.

Pendant les deux dernières décennies, la généralisation d’activités fractionnistes au sein des grandes organisations de gauche, l’émergence de nouvelles petites formations politiques tentant de relancer une analyse marxiste, la création de La France insoumise (LFI) autour d’un ancien ministre socialiste issu du trotskysme, Jean-Luc Melenchon, la multiplication de médias internet dont certains ont acquis une niveau d’audience notable, ainsi que l’apparition d’intellectuels critiques, montraient cependant que l’acceptation du capitalisme dans les tréfonds de la société française se heurtait à des réticences grandissantes. Tout cela restait éparpillé et si une masse de Français continuait à démontrer en militant dans des associations très diverses qu’ils n’étaient pas indifférents aux questions collectives, l’adhésion aux partis ou aux syndicats comme la participation aux élections baissaient régulièrement. Le désaveu de la gauche institutionnelle est donc devenu évident à cause de son incapacité à proposer un programme alternatif au moment où il apparaissait de plus en plus clairement que le processus mondialisé de concentration capitaliste rendait impossible les politiques redistributives à partir d’un gateau de plus en plus petit à l’échelle de chaque pays. La stratégie social-libérale est entrée en échec au même moment où la social-démocratie a renoncé au réformisme devant amener au « dépassement » graduel du capitalisme et où le parti communiste a prôné depuis son congrès de Martigues en 2000 le passage au communisme ici et maintenant mais par de petites touches censées sortir de la logique de « l’argent-roi » mais aussi d’une véritable rupture révolutionnaire.

La classe ouvrière menacée par la mondialisation, par les politiques européennes, par la désindustrialisation, par les délocalisations, par le dumping social de pays à bas revenus, par la concurrence de travailleurs migrants sans papiers et donc sans droits sociaux, par le chômage et la précarité de masse était désormais sur la défensive. Quand la disparition du bloc de l’Est a détruit aux yeux de beaucoup le rêve d’une société socialiste en transition vers le communisme, alors que les conditions de vie d’une masse grandissante de la population tendaient à stagner, et de plus en plus souvent à régresser. Ce qui fut la cause de plusieurs secousses apparues, au début en particulier dans les banlieues à forte population immigrée ou « post-immigration » privée de possibilités de rejoindre le marché du travail et discriminés en premier à l’embauche ou au logement. Et soudainement, ce fut l’insurrection du mouvement des Gilets jaunes qui éclata le 17 novembre 2018 et qui a par son ampleur, sa durée et sa radicalité, a démontré la profondeur du mécontentement de plus de 70 % de la population.Celui-ci était le résultat de colères refoulées, d’insatisfactions diverses, mais aussi des grèves et des manifestations qui ont précédé, en particulier pour la défense du code du travail, dans la santé, chez les cheminots et dans d’autres secteurs. En fait, au moins depuis 2015, on peut dire que les luttes n’ont jamais cessé en France. Au cours de cette période, les consultations électorales ont été marquées par un très net mouvement d’abstention et un rejet très fort des partis assimilés à des appareils et des institutions coupés des réalités et du peuple, en même temps qu’ils étaient tombésaux mains de bureaucrates, de technocrates, de notables, de parvenus et de riches. Tout cela accumulé est à l’origine d’un fort sentiment d’injustice. Ce qui a changé avec les Gilets jaunes, c’est le caractère massif et généralisé à l’ensemble du territoire de la mobilisation. Le pouvoir a d’abord été désarçonné par l’événement, mais ce fut aussi le cas des organisations de gauche car ce mouvement ne fonctionnait selon aucun schéma connu. Certains dirigeants de gauche ou des syndicats l’ont même, à l’instar du gouvernement, accusé d’être tourné vers l’extrême droite.

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Retour de l’anticapitalisme

Pourtant si depuis plusieurs années, une majorité de Français se déclarait dans les enquêtes d’opinion opposés au capitalisme[1], dans la foulée des Gilets jaunes, ce sont entre 60 % et 70 % des Français qui se prononcent désormais contre ce système[2]. Allant du coup beaucoup plus loin que la rhétorique strictement « anti-néolibérale » qui a dominé le discours de la gauche depuis les années 1980. On ne peut donc pas accoler aux Gilets jaunes l’étiquette d’extrême droite car s’il arrive à cette dernière de critiquer tel ou tel aspect du capitalisme, de la mondialisation ou de l’UE, jamais elle n’a formulé un programme prônant de près ou de loin l’abolition de ce système ou de ses institutions, au contraire, elle soutient le petit patronat et son idéologie désuète. Au départ, les conceptions des Gilets jaunes étaient certes très floues en terme de projet de société, mais les « assemblées des assemblées » successives représentant leurs cercles de base ont adopté comme revendication la fin du capitalisme et l’appropriation sociale des moyens de production. Ce qui explique pourquoi, contrairement aux directions des partis et des syndicats, les militants locaux ont souvent mis leurs moyens au service des Gilets jaunes locaux. Des groupes trotskystes, communistes, anarchistes se sont aussi joints aux Gilets jaunes assez vite désertés par l’extrême droite.

Jean-Luc Melenchon fut l’exception. Il a d’abord créé un rassemblement politique autour de sa personne et, dès le début des Gilets jaunes, il a appelé ses sympathisants à les rejoindre. Ce fut un échec non pas parce que ses sympathisants auraient refusé d’appuyer l’initiative de leur chef mais parce qu’elle a démontré en fait l’inexistence d’une base militante réelle pour un « mouvement » que Melenchon concevait comme censé « dépasser la forme-parti » héritée du passé et qui s’est avéré n’être souvent qu’une coquille vide recrutée par internet au gré des besoins, mais sans vrais militants conscients, formés et agissant collectivement et dans la durée. LFI, c’est un dirigeant rappelant les tribuns de la plèbe romaine plutôt qu’une organisation politique de masse implantée à la base, dans les quartiers et les entreprises. Alors le mouvement des Gilets jaunes, est-il de gauche ou pas ? A-t-il élaboré un programme ? A-t-il contribué à une renaissance de l’activisme et de la pensée de gauche en France ?

Les Gilets jaunes ont succédé à la mobilisation des banlieues contre les violences policières. Ils allaient se heurter à une violence policière redoublée ce qui a contribué à faire comprendre à des manifestants venus de toute la France la violence du système. A la place de la vieille classe ouvrière des grands centres urbains ou des quartiers populaires à population majoritairement issue de l’immigration, ce fut cette fois la province profonde qui manifesta ou monta à Paris pour manifester. Des retraités incapables de payer leurs fins de mois ou d’aider leurs petits-enfants au chômage, des travailleurs précaires, des provinciaux coupés des services publics saccagés par les politiques néolibérales (poste, cliniques, chemins de fer, autocars, etc.), tout ce qu’on appelait la petite-bourgeoisie d’un côté mais aussi des anciens ouvriers licenciés d’entreprises tombées en faillite ou délocalisées vers l’est de l’Europe, l’Afrique du nord ou l’Asie orientale et méridionale. Un monde ayant parfois le souvenir des luttes ouvrières là où la classe ouvrière avait existé, ou au contraire attaché au souvenir d’une France traditionnelle disparue. C’est la violence de la répression policière qu’ils n’avaient jamais imaginé qui leur fit découvrir la violence du système (milliers de blessés souvent graves, d’arrestations et de peines de prison, amendes systématiques, matraquages, etc.). D’où leur évolution vers l’anticapitalisme, donc objectivement vers la gauche.

Les Gilets jaunes ont rallumé la flamme chez les cheminots qui avaient fait grève auparavant sans succès, chez les manifestants opposés au saccage du code du travail sous le gouvernement socialiste, chez le personnel de la santé pour la défense de l’hôpital. C’est ainsi qu’à l’automne 2019 les syndicats de base de plusieurs secteurs, en particulier les chemins de fer et les transports urbains, ont lancé une longue grève prolongée qui s’est imposée aux grandes centrales syndicales. A partir du début 2020, il y a donc eu ébauche de convergence des luttes syndicales, des Gilets jaunes et des collectifs antiracistes de banlieues. Les parlementaires de LFI, du PCF, et même les rescapés du Parti socialiste ont appuyé ce mouvement de masse. Le peuple est donc de retour, l’anticapitalisme est de retour, la lutte des classes affirmée comme telle est de retour. Mais aucun parti politique ne semble pouvoir en profiter suite à la longue détérioration de leur réflexion politique qui se limite à la critique du néolibéralisme et à la défense des acquis sociaux de l’après guerre et des services publics.

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Confinement des luttes et rebond autogestionnaire

La crise sanitaire du covid-19 a prolongé la colère populaire et a poussé à remettre en cause plus profondément la logique du système dominant responsable de la catastrophe économique et sanitaire simultanée. Car le gouvernement a démontré son incapacité, son imprévoyance, son mépris pour les pays asiatiques qui ont su maîtriser la situation en même temps que l’UE démontrait son incapacité, car il est devenu désormais évident qu’il n’existe pas de sentiment de solidarité européenne puisque l’Italie particulièrement touchée, faute de recevoir l’aide attendue des pays européens, a reçu celle de la Chine, de Cuba et de la Russie. Le confinement décidé tardivement et dans le plus grand désordre a complété la découvrerte d’une France qui n’avait pas de tests, qui ne savait plus produire de masques, qui n’avait plus assez de lits d’hôpitaux, de médicaments ou d’appareils nécessaires aux soins et qui était choquée de voir son gouvernement imposer aux médecins de choisir les malades qu’on allait soigner et ceux qu’on allait laisser mourir, les vieux, les faibles. Le personnel hospitalier, les ouvriers de l’agro-alimentaire et les employés des transport ont de fait pris le pouvoir puisque ministères, administrations et directions travaillaient au loin, par « télétravail », laissant en particulier la gestion quotidienne des hôpitaux aux collectifs de travail infirmières-médecins-personnel du nettoyage. On a vu des ouvriers au chômage prendre une ancienne usine désaffectée pour y produire des masques ou d’autres militants occupé les locaux d’un Mac Donald’s fermé pour y organiser des distributions de nourritures pour les populations menacées de famine. Partout une autogestion de fait s’est installée qui a démontré que ce vieux rêve des syndicalistes des années 1970-80 largement oublié depuis fonctionnait efficacement dans les faits.

Si l’on pose la question de l’état de la réflexion de la gauche française, il faut savoir que les slogans de la gauche morale, sociétale, écologiste, à la mode jusque là se sont évanouis face à un pays réel qui a découvert qu’il fallait faire face à la mondialisation et relancer une politique de production locale au moins des denrées et des médicaments de base. Le clivage actuel n’est plus seulement entre un centre-gauche social-libéral, écologiste décroissant et néomalthusien face à des partis de gauche radicale et sociale, mais entre les directions des partis et syndicats de gauche et ce qui reste des militants politiques de base, sur le terrain, dans les quartiers et les entreprises, et qui peuvent appartenir au PCF, à LFI, à des mouvements d’extrême gauche néo-communiste, post-trotskyste, néo-maoïste, anarchiste, à la base des syndicats les moins réformistes (SUD, CGT, FSU, parfois FO voire UNSA) et à un réseau associatif dense parmi lequel on trouve désormais des coordinations de travailleurs ou de Gilets jaunes. Leur objectif convergent est la relocalisation de la production de base, le développement de circuits commerciaux sains et courts, une politique de ré-industrialisation équilibrée sur le plan environnemental voire la nationalisation des entreprises clefs, le réinvestissement dans les services publics, la généralisation à tous des prestations sociales ou d’un revenu minimum, ce qui, à terme, tout le monde en est conscient, est incompatible avec la logique du capitalisme et de l’UE. Au moment où les effets cumulés de la crise économique qui se préparait depuis plusieurs mois et du covid-19 imposent aux partisans du libéralisme, avec le président ex-socialiste et néolibéral Macron en tête, de durcir les mesures antisociales, d’aider les grosses entreprises privées supranationales, de favoriser la concentration de la propriété et donc de durcir aussi la répression politique.

Voilà pourquoi les directions politiques ou syndicales suivent le mouvement social au lieu d’en constituer l’avant-garde. On se rend compte que l’État est de retour mais qu’il n’a plus ni l’habitude ni les cadres capables de relancer un interventionnisme public moteur d’un capitalisme industriel qui s’est effrité. Malgré son talent oratoire J-L Melenchon tonne contre le gouvernement mais prône encore la défense des institutions républicaines selon la vision d’une gauche correspondant à l’époque où le capitalisme n’était pas mondialisé et où les sociétés ne vivaient pas sous le carcan des politiques antisociales concoctées et imposées par la Banque centrale européenne, l’eurogroupe, la Commission européenne, le FMI, l’OCDE,Bilderberg et la Trilatérale. Ce qui explique l’apparition d’intellectuels, économistes pour la plupart, qui attaquent les politiques publiques saccageant des pans entiers de l’économie productive et le système global à bout de souffle.

Vers une alternative

Etienne Chouard soutient la reprise du contrôle de la monnaie par l’État français, il prône une démocratie directe et s’est engagé aux côtés des Gilets jaunes. Il est certainement le plus ambigu de ces « intellectuels réfractaires » à cause de ses attitudes envers certaines formulations associées à la droite radicale même s’il a été proche du parti socialiste puis de Melenchon. Emmanuel Todd a évolué d’une position proche du Parti socialiste vers la gauche radicale mais sa critique de l’UE le pousse à ne pas exclure une convergence avec la droite souverainiste. Jacques Sapir est proche de la gauche radicale, mais ses thèses anti-euro et eurosceptique, sans parler de ses sympathies pour la Russie, font que certains à gauche le perçoivent comme partisan d’une convergence entre gauche radicale et droite souverainiste. Thomas Piketty a été proche du Parti socialiste mais son effondrement l’a repoussé vers la petite gauche social-démocrate qui s’est structurée autour de Benoit Hamon et qui prône le revenu universel. Frédéric Lordon soutient lui-aussi le salaire à vie et pose la question de l’actualité de la révolution. Bernard Friot prône une forme renouvelée d’autogestion des travailleurs et l’instauration de services publics gratuits. Tous ces chercheurs ont évolué vers la gauche radicale et leur critique de l’idéologie et du carcan représenté par l’UE les amènent à réhabiliter l’interventionnisme public, à envisager des politiques de ré-étatisation renouant avec le marxisme ce qui les amènent aussi à prôner le renforcement de la souveraineté de l’Etat-nation, d’où leurs convergences réelles ou supposées avec la droite souverainiste. Les économistes du PCF prônent de leur côté un revenu permanent, en alternance tout au long de la vie entre travail et formation. Des groupes communistes, Pôle de Renaissance communiste en France, Association nationale des communistes, Rassemblement communiste, etc. militent pour la reconstruction d’une formation politique révolutionnaire utilisant les outils du marxisme pour bâtir une alternative anticapitaliste. Aujourd’hui, avec le Brexit et le Covid-19, on voit apparaître une cassure entre l’Europe du nord « germanique » et l’Europe du sud « latine », en même temps que l’Initiative des trois mers semble mener à la formation d’un troisième pôle régional est-européen au sein de l’UE. On entend de plus en plus à gauche, en particulier chez J-L Melenchon, des critiques de l’arrogance de l’Allemagne alors que jusqu’à récemment, les Français croyaient que leur pays avait conclu un partenariat privilégié avec Berlin et qu’ils découvrent qu’ils font partie de cette Europe latine, méridionale et méditerranéenne à laquelle ils avaient pensé échapper. Certains parlent même de privilégier une Union méditerranéenne avec les pays arabes.

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Nous assistons à l’émergence d’une nouvelle radicalité populaire qui trouve son expression dans des formes diverses, y compris dans des fédérationssyndicales ou des unions régionales, à la CGT en paarticulier. Le mouvement contre le saccage annoncé des retraites en a été l’expression la plus récente, avec des mots d’ordre nouveaux, grève générale, blocage de l’économie et des profits, attaques contre le système des « paradis fiscaux ». Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, on voit émerger des luttes, des manifestations, des rassemblements de masse, en particulier dans le secteur de la santé, àToulouse, Paris, Marseille par exemple. A Ivry a commencé un mouvement qui fait tache d’huile et qui consiste à renvoyer les médailles octroyées par le gouvernement aux personnels soignants. Période de risques donc dans la mesure où les mesures de répression et de fragmention se multiplient et où la « distanciation » qui se veut sanitaire est utilisée « à géométrie variable » pour empêcher, par exemple, des manifestations ici mais pas la réouverture de parcs « d’attraction » ou des grands centres commerciaux ailleurs. Suite à la mobilisation des enseignants, chercheurs, personnel précaire et étudiants de l’éducation et de la recherche début 2020, on doit poser la question de savoir si la prolongation du « télétravail » annoncé pour la rentrée 2020-2021 ne constitue par plus une mesure de « distanciation sociale » qu’une mesure de « distanciation sanitaire ». Le mécontement actuel est si profond qu’il pousse le pouvoir à généraliser les manœuvres de diversion mais cette situation ouvre aussi des opportunités devant permettre de porter plus loin le combat anti-capitaliste et l’auto-administration du peuple à tous les niveaux, presque 150 ans après la Commune de Paris où l’on avait vules combattants monter à l’assaut du ciel. Face à la violence de situation et à la violence répressive montante des forces de domination et de conservation, à l’échelle nationale et internationale, il faut prendre conscience que la nécessité de prendre des risques, d’être préparé à différentes formes de contre-violence, revient à l’ordre du jour si le mot « changement » doit avoir un sens réel, concret. Il faut s’y préparer, mentalement et physiquement.

Les élites occidentales, confrontées à une crise fondamentale du système qu’elles ne parviennent plus à gérer pacifiquement, devront désormais choisir entre une fuite en avant dans la répression et les guerres extérieures pour échapper encore un temps à la baisse tendancielle des taux de profit désormais mondialisée, ou sinon,certaines de leur fraction plus réalistes et moins agressives devront céder la place ou s’efforcer de faciliter la recherche d’une alternative impossible à réaliser sans la socialisation des moyens de production sous une forme encore inédite, car liée au processus d’informatisation, ce que la cybernétique permet d’imaginer. Mais si la réflexion sur une cybernétique progressiste et alternative est assez poussée dans certains centres de recherche en Chine ou en Russie, elle reste faible en Occident et en France[3]. La désagrégation de la pensée théorique de gauche au cours des dernières trente années ne peut être comblée en quelques instants, même si l’imagination et la capacité d’improvisation manifestées par le peuple de France au cours des deux dernières années a démontré que des pistes pratiques existent, ce que les formations en principe progressistes enregistrent avec retard. Il y a donc besoin de soutenir toutes les mobilisations populaires, nationales et internationales, en même temps qu’il y a un besoin urgent de « ré-alphabétisation » politique des activistes et des militants révolutionnaires. Car c’est de révolution et de rien d’autre qu’il s’agit, ici et maintenant.

[1]          < https://www.latribune.fr/actualites/economie/20110125trib000595445/les-francais-champions-du-monde-de-l-anti-capitalisme.html > ; < https://www.ifop.com/publication/regards-croises-sur-la-mondialisation-dans-dix-pays/ >

[2]          < https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/01/les-gilets-jaunes-cherchent-la-convergence-pour-en-finir-avec-macron-et-ce-systeme_5483583_3224.html > ; < https://reporterre.net/A-Saint-Nazaire-l-Assemblee-des-assemblees-veut-sortir-du-capitalisme > ; < https://www.contrepoints.org/2017/10/23/301549-lobsession-anticapitaliste-des-francais >

[3]          Voir : < http://www.lapenseelibre.org/2020/02/n-186-the-need-for-cybernetic-economic-planning-and-democracy-for-the-survival-of-developing-countries.html >