By Romaric Godin
En faisant de la dérégulation financière et de son complément les baisses d’impôts sa priorité, le nouveau président des Etats-Unis veut doper rapidement la croissance. Mais c’est un jeu risqué qui pourrait préparer la prochaine crise en oubliant de régler les questions essentielles des inégalités sociales et territoriales et de la baisse de la productivité.
Le président élu des Etats-Unis, Donald Trump, a donc désormais une priorité : la dérégulation bancaire. C’est du moins ce qu’il a affirmé vendredi 11 novembre dans un entretien au Wall Street Journal en évoquant des modifications substantielles à la loi Dodd-Frank, cette loi qui a établi des régulations en 2010 au secteur financier pour tirer les leçons de la crise de 2007-2008. Les valeurs bancaires ne s’y sont pas trompées et ont fortement progressé en Bourse depuis l’élection du milliardaire à la Maison Blanche le 8 novembre dernier.
Se réconcilier avec le parti Républicain
Il peut sembler pour le moins paradoxal que celui qui avait fustigé durant la campagne les liens entre Hillary Clinton et Wall Street devienne, à peine élu, le champion de la finance. Mais, en réalité, Donald Trump ne s’est jamais caché de vouloir en finir avec la régulation financière. En réalité, il n’a guère le choix. Elu du parti républicain, mais choisi de facto contre le parti républicain et sur un programme qui tranchait avec la majorité de ce parti, il va devoir construire dans les premiers mois de son mandat l’unité de ce parti afin de pouvoir compter sur la majorité du Congrès. Or, un des points essentiels de la paix avec le pouvoir législatif sera la question budgétaire. Si Donald Trump a pu, pour convaincre les populations fragilisées de la Rust Belt, tenir un message keynésien de relance, ce message ne reflète nullement le rapport de force au sein du parti républicain.
Un plan de relance très incertain
Donald Trump aura clairement du mal à financer par le déficit des dépenses publiques supplémentaires. Les seuls dérapages budgétaires que les Républicains accepteront seront ceux finançant les baisses d’impôts. Ce seront donc ces baisses d’impôts qui auront la priorité et, partant, les dépenses publiques seront nécessairement serrées. Le plan de relance des infrastructures de 1.000 milliards de dollars devra donc attendre. Le programme de Donald Trump ne s’en est jamais caché : ce programme doit être financé par les recettes supplémentaires récoltées par l’accélération des forages pétroliers et par la réduction fiscale accordée aux entreprises qui rapatrient leurs bénéfices aux Etats-Unis. Tout ceci incite à la prudence sur la réalité d’un tel plan qui, de surcroît, à l’image du fantomatique plan Juncker en Europe, doit s’appuyer sur l’investissement privé. Le plan de relance à la Trump promet donc d’être lent et pas forcément utile : dans ce type de plan, les investissements se concentrent sur les projets les plus rentables qui auraient pu être financées par l’argent privé.