Par Dimitris Konstantakopoulos (*)
On raconte que Madame Le Pen n’a pas beaucoup de chances d’être elue. Mais il faut raconter exactemenet ça, si on veut augmenter ses chances.
« Je suis le dernier Président de France, ceux qui viendront après moi seront des comptables », disait François Mitterrand. Malgré ce testament sinistre, lui-même ne pouvait imaginer les chemins sinueux et inattendus que choisirait l’Histoire, ou ceux qui ont besoin des comptables, pour arriver à leurs fins.
Mais peut-être même qu’un Machiavel n’aurait pas pu imaginer ce qui se joue aujourd’hui sur la scène politique, notamment française. En fait, il faudrait sans doute le génie pervers d’un Joseph Fouché pour entrevoir ce qui se profile…
Qui pourrait imaginer Marine Le Pen, la descendante lointaine d’un courant qui tire notamment ses origines du régime de Vichy, du déshonneur de la France, se trouver maintenant si près de devenir Présidente de ce pays? Du pays qui a été la fille de la Renaissance et des Lumières, la mère de l’Europe moderne et de sa civilisation, ou du moins de ce qu’il en reste. La France, qui est encore le pays de Voltaire et de Robespierre, de la Révolution Française et de la Commune de Paris, de Charles de Gaulle et de Jean-Paul Sartre.
Pourtant, cette France a récemment donné naissance à Marine Le Pen, laquelle se prépare à passer tôt ou tard la porte de l’Elysée. Ainsi, ce qui apparaissait à beaucoup comme l’impensable, mais qui était en préparation depuis longtemps, est sur le point d’advenir. Cet impensable qui devient à chaque scrutin français de plus en plus probable, annonce, parmi tant d’autres événements du même genre, de grandes secousses internationales à venir.
Curieusement, le fondateur du Front National, Jean-Marie Le Pen, ne semble pas se réjouir de l’ascension du mouvement politique qu’il a fondé et de la possible victoire de sa propre fille aux élections présidentielles.
Ainsi, au lieu de triompher, et d’afficher sa joie devant les caméras de télévision comme il se plait d’ordinaire à la faire, Jean-Marie Le Pen reste silencieux.
Un abysse sépare les idées de l’auteur de cet article des celles de Jean-Marie Le Pen. Mais il faut dire qu’en ce moment de l’histoire les différences entre gauche et droite, communistes et fascistes, Athées et Croyants, Chrétiens et Musulmans ne sont pas les seuls à prendre en compte. Il est aussi très important de savoir si une personne garde une forme d’identité , d’idéologie, de religion, d’éthique, de morale ou qu’il appartienne à ceux qui n’ont aucune, les Homo Œconomicus, la pâte à modeler de notre époque, les Faust qui ont vendu leur âme, si jamais ils en ont eu une.
L’information se trouve dans ce qui n’est pas commun, dans le rare, croyait le fondateur de sa Théorie, Claude Shannon.
Est-ce que Jean-Marie Le Pen connait quelque chose que nous ignorons ou nous ne comprenons pas?
Qui est réellement sa fille? Est-ce qu’elle est une néofasciste qui essaye de persuader ses réels partisans qu’elle n’a pas changé au fond et les autres qu’elle n’a rien à voir avec le passé du Front National.
Est-ce qu’elle est devenu amie ou elle est adversaire du Finance et de son Empire? Est-ce que le Finance est vraiment ennemie de Mme Le Pen, ou il a déjà passé un accord avec elle? Et si il a passé un tel accord, pourquoi la Haute Finance pourrait avoir besoin d’une politique de la droite nationaliste et d’une femme qui s’oppose à ses propres créatures, à la mondialisation, a l’UE, à l’Euro? Son opposition est vraie ou fausse? Ou pourrait nous amener?
Est –ce que Marine Le Pen est une femme de conviction, comme son père a été un idéologue conséquent, par rapport à sa propre idéologie?
Ou elle est l’équivalent, pour la droite nationaliste européenne, de ce qu’a représenté par exemple Mr. Georges Papandreou pour la social-démocratie européenne, ou Mr. Tsipras pour la gauche radicale européenne?
Suffisamment authentiques pour tromper, suffisamment avides du pouvoir, ou incapables de résister et par la même devenus dépendants des forces toujours dominants de nos pays.
Pourquoi pas?
L’héritière refuse l’héritage de Vichy, de Maurras, des tortures en Algérie et charge son « bras gauche », Florian Philippot, de faire disparaître toutes les traces du passé et de faire le ménage jusque dans les rangs de leur parti.
Les anciens Grecs nous ont appris la signification de la Vérité, par la façon même qu’ils ont choisi pour construire ce mot Vérité, Alitheia en grec, c’est-à-dire pas ne pas oublier. Ne pas oublier les choses importantes, essentielles.
Un peu d’histoire s’impose donc pour comprendre d’où vient le père et ce que veut occulter la fille.
Vichy a été imposé par la botte des Nazis, lesquels n’ont d’ailleurs pas eu grand mal à trouver des collaborateurs parmi les politiques d’alors, notamment parmi les députés de l’Assemble Nationale qui, siégeant en exil au Casino de Vichy en 1940, ont à une écrasante majorité voté les pleins pouvoirs à Pétain. C’était bien avant qu’on arrive à l’« Economie-Casino » actuelle et à la « Politique-Casino » qui en découle naturellement.
De Gaulle a quant à lui immédiatement dit Non au régime de Vichy, le qualifiant de coup d’Etat. Les Français Libres qui se sont ralliés à de Gaulle et au maquis communistes se sont battus contre l’ordre nazi et le régime de Vichy. Partout en Europe, la résistance s’est organisée. L’Axis Fasciste a connu sa première défaite militaire par les Grecs, en Albanie, à l’hiver 1940-41. Les partisans Grecs et Serbes ont commencé, presque seuls, une de batailles les plus héroïques donnes en Europe contre le Nazisme, suivis par la résistance du peuple britannique.
Par la suite c’était surtout l’Armée Rouge et toute la population soviétique, au prix énorme des dizaines des millions des morts, qui ont pu arrêter le monstre aux portes de Leningrad, de Moscou et de Stalingrad, avant de le tuer et hisser leur drapeau a Reichstag de Berlin.
Tous les moyens du monde, toute la propagande de la Guerre Froide, ancienne et nouvelle version, ne pourront jamais effacer de la mémoire et de la conscience historique de l’humanité entière le souvenir de cette bataille et de sa signification. C’était cette victoire qui a permis à l’Europe occidentale et centrale, 60 ans de paix, de liberté et de prospérité réelles, bien que relatives. C’est cette époque historique qui peine de finir aujourd’hui, un quart de siècle après l’effondrement de l’Union Soviétique.
Au moment de sa Libération, la France conservait encore le souvenir de la décapitation de ses rois. De Gaulle a renvoyé les dirigeants de Vichy devant le tribunal qui a jugé le maréchal Pétain, pourtant héros de la première guerre mondiale, et le premier ministre Laval en les envoyant au peloton d’exécution. Laval a été exécuté pour que la France et sa République revivent. Grâce au Non du General à Vichy et à l’action de la Résistance, la France a gagné le droit de s’asseoir à la table des vainqueurs de la 2ème Guerre mondiale et de devenir membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU.
C’était il y a 70 ans ! Aujourd’hui, le temps passant et la mémoire s’estompant, ce qu’il reste de la droite vichyste fait son grand retour, sous le masque de la jeunesse et en semblant tant bien que mal renier son héritage. Semblant rallier enfin de Gaulle, le Front national fait maintenant déposer des couronnes sur la tombe du Général. Reste que pendant que Florian Philippot se charge de ritualiser ce rapprochement bien tardif, la plus jeune des héritières du clan Le Pen, la très belle Marion Maréchal-Le Pen, reprend à son compte des propos et les « pensées » de son grand-père afin de conserver son vieil électorat. Elle semble admirer aussi Napoléon, mais est-ce– qu’elle l’admire pour avoir enterré l’héritage ou pour avoir étendu l’influence de la Révolution Française en Europe?
Qu’a-t-il bien pu se passer pour que ressurgissent de tels oripeaux de l’histoire ?
La « suicide » des Socialistes et des Gaullistes
Beaucoup d’eau a coulé sous le pont d’Alexandre III, avant que nous en arrivions là, avant que ressurgissent les figures d’un passé que nous croyions définitivement révolu. Pour comprendre cet étrange retour du même, il faut d’abord se demander ce que sont devenues les trois grandes familles politiques de la France d’après-guerre, la droite (véritablement) gaulliste, les communistes et les socialistes (pour ne pas parler des trotskistes, qui ne furent jamais une grande force politique organisée, mais qui ont cependant joué un rôle très important, en particulier sur le plan intellectuel). Si ces trois grandes forces politiques ont disparu ou sont en voie de disparaître, elles le doivent en grande partie à elles-mêmes, à leurs choix, à leurs renoncements, à l’abandon de leurs identités et de leur propre raison d’être.
Je me rappelle, tandis que j’étais jeune étudiant en France dans les années 80, avoir vu plaisanter Jean-Marie Le Pen à la télévision, accusant tout le monde sur un ton goguenard de lui « voler ses idées » ; les socialistes l’atlantisme, la droite le libéralisme économique, les communistes sa politique d’immigration (un maire communiste venait d’envoyer des bulldozers pour démolir des cabanes d’immigrants).
Avait-il complètement tort ? Ou bien se contentait-il avec jubilation de mettre en évidence leurs contradictions. En fait, les « adversaires » de Le Pen ne le « copiaient » pas, ils renonçaient à leurs « convictions » et reculaient de plus en plus devant la pression du Capital (et/ou des USA) : dès lors et pendant des décennies, les socialistes et la droite n’ont fait que ce que les USA et les Marchés leur demandaient de faire, finissant par se transformer en vagues courants politiques au service exclusif des banquiers et de la finance. En acceptant de participer pleinement à ce déjà vieux processus (“Les gouvernements sont les fondés de pouvoir du capital”, disait déjà Marx), ils ont finalement perdu leur utilité pour ceux qui votaient naïvement pour eux et perdront bientôt leur importance pour ceux qui les utilisent !
Libéralisme et Atlantisme
L’expérience de gauche de Mitterrand dans l’économie n’a à vrai dire duré que deux années, jusqu’au tournant de 1983, avant qu’il ne se précipite pour lancer et mettre dans la mise en œuvre, de façon exemplaire, une gestion économique libérale très orthodoxe, celle exigée par les « marchés », incarnés par Ronald Reagan et Margaret Thatcher.
Malgré la préservation relative du modèle social français, les socialistes ont suivi une politique pro-américaine, à l’opposé de la tradition Gaulliste, mais caractéristique de la social-démocratie européenne en la matière. Toutefois, François Mitterrand, sentant sa fin venir, nous a laissé en forme de confession que : «Nous sommes en guerre avec l’Amérique, mais les Français ne le savent pas. » Or, s’ils ne le savent pas, c’est parce que personne ne leur a dit et ne les a donc pas préparés à entrer en guerre ou à résister…
Jusqu’aux Chirac et Villepin inclus, lesquels se sont alliés à Schröder et Poutine contre la guerre en Irak, le « post-Gaullisme » a quelque peu maintenu des réflexes d’indépendance. Ainsi, en 2003, le Premier ministre de Chirac, Dominique de Villepin, s’est érigé en représentant de toute l’humanité civilisée en fustigeant, devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, le plan d’invasion américano-britannique en Irak.
Peu de temps après, cependant, les protagonistes de ce Non à l’Amérique des néoconservateurs, peut-être effrayés rétrospectivement par leur propre bravoure, se sont rendu compte qu’ils n’avaient pas le courage d’un De Gaulle pour résister plus longtemps aux pressions et aux chantages des Etats-Unis. Ils se sont donc empressés d’enterrer eux-mêmes le plan de défense européenne réellement indépendante qu’ils avaient vigoureusement soutenu au préalable. Pendant tout le reste de son mandat, Chirac envoyait un représentant personnel, faire chaque semaine l’aller-retour Paris-Washington, pour éviter un nouveau « malentendu ».
Peu de temps avant la fin de son mandat, profondément inquiet pour la paix et peiné par la prévalence de Sarkozy dans la course pour sa succession, Chirac a convoqué quatre journalistes internationaux à l’Elysée, afin de les avertir des terribles dangers d’une guerre contre l’Iran. Mais face à ce sursaut de clairvoyance indépendante, ces journalistes l’ont presque fait apparaître comme un demi-fou…
Quant à Villepin, il n’a pas compris que Gaullisme et néolibéralisme ne peuvent pas se réconcilier. Il n’est pas tombé n’a pas perdu son poste de ministre pour ce qu’il a dit au Conseil de Sécurité, il a été limogé après avoir promulgué le CPE libéral et provoqué une révolte sociale en 2006 (et de ce dont a su profiter son « ami » Sarkozy qui a activement contribué à sa chute).
De Gaulle lui-même avait compris très tôt la contradiction entre le Capital et la Nation, entre intérêt de la Nation et intérêt du Capital. Avant même la fin de la 2ème guerre mondiale, et tandis qu’une grande partie des entreprises françaises s’enrichissait grâce à leur collaboration avec l’Allemagne nazie, de Gaulle avait opté pour la rédaction, par le Conseil National de la Résistance, d’un Programme du CNR ayant pour sous-titre Les jours heureux et qui définissait la protection sociale des français, et ce jusqu’à l’avènement du libéralisme et sa destruction « progressive » de l’Etat social. Après avoir survécu à la révolution de mai 68, de Gaulle a même tenté d’introduire des changements profonds dans l’administration des entreprises afin d’y faire participer les salariés. « Le général est devenu fou », a pensé la bourgeoisie française qui a fait tout pour le renverser.
Ce gaullisme social a disparu depuis longtemps et, aujourd’hui, l’image des « gaullistes » est réduite à celle du pathétique Fillon, fanatiquement libéral (sur un plan exclusivement économique) et empêtré, lui aussi, dans ses affaires d’enrichissement personnel et de corruption sordides.
Des hommes politiques devenus employés occultes (ou la montée mondiale de la Finance)
À ce stade, il nous semble approprié d’insérer une section concernant des développements internationaux plus larges que ceux concernant uniquement la France, car nous pensons qu’ils offriraient un cadre permettant de mieux interpréter ce qui arrive à ce pays. Les lecteurs peuvent, s’ils le préfèrent en poursuivant la lecture des sections suivantes, consacrées à la France.
Au fil du temps, la qualité est devenue quantité. Depuis les origines, les forces politiques ont toujours fait des compromis avec les puissants lorsqu’elles n’en émanaient pas. Maintenant que le capital financier est débridé, il convertit en employés le personnel politique.
Imperceptiblement, la nature des forces politiques a changé, en raison à la fois de leurs choix mais aussi à cause de l’augmentation spectaculaire de la puissance du capital financier mondial, d’ailleurs concédée par les politiques eux-mêmes. Ce capital financier mondial cesse progressivement d’être un des composants parmi d’autres (politiques, idéologiques, culturels, religieux…) du « système » dominant pour en devenir le centre !
La Finance est devenu une sorte de « superpuissance », mais sans reprendre les caractéristiques classiques des « vieux » Etats. Elle règne sur le monde et ceci non seulement avec la puissance économique qu’elle accumule sans arrêt. Elle est désormais en position d’acheter presque tout et tout le monde, y compris les élites politiques, les “intellectuels”, les médias (anciens et nouveaux) délivrant « l’information », la production culturelle, les découvertes de la science et de la technologie.
Aucun groupe dans l’histoire qui a accumulé un tel pouvoir et joui d’une telle liberté dans son utilisation n’a mis de limites à son utilisation. La logique même d’accumulation du pouvoir est que son accumulation continue. Quant à l’idée selon laquelle les gens les plus puissants du monde ne s’intéressent pas au pouvoir politique et géopolitique, elle est simplement devenue ridicule. Même s’ils le voulaient, ils ne pourraient pas le faire. En effet, au milieu d’une crise économique (comme celle de 2008) qu’ils ont eux-mêmes provoquée, ils n’ont d’autre alternative que de l’utiliser pour accumuler plus de pouvoir et même transformer le monde selon leurs aspirations, ou en subir les conséquences et les mesures coercitives qui devraient s’ensuivre.
La Finance n’a pas besoin d’avions ou de missiles pour intimider ses éventuels ennemis et leur intimer des ordres. Elle peut leur opposer les “Marchés”, organiser des attaques financières contre eux, leur imposer ses “Lois”. Elle peut aussi utiliser sa puissance intellectuelle fantastique (et son idéologie devenue dominante), qu’elle a également accumulée, et son influence dans les rouages clés des sociétés, son Smart Power, pour envoyer de signaux aux acteurs politiques et même les Etats et les Puissances, essayant de conditionner leur comportement et de les pousser à prendre des trajectoires dont elle comprend beaucoup mieux les conséquences stratégiques et tangibles que ceux qu’elle charge ainsi d’adopter et de suivre.
«Combien de divisions a le Vatican ?», demanda un jour Staline d’un ton sarcastique à son interlocuteur. Pourtant, le Vatican reste toujours à sa place. C’est l’état de Staline, si fort en apparence, qui a été disloqué.
Depuis l’effondrement de l’URSS, la Finance a de moins en moins besoin des états, et même des États-Unis d’Amérique, pour imposer sa loi. Elle les subordonne à sa logique, elle ne suit pas la leur. Libérée de toute restriction, abolissant la distinction entre les banques d’investissement et celles d’épargne, elle trouve de nouvelles façons de se reproduire en se lançant dans l’industrie de « produits dérivés ». A travers la dette qu’elle est désormais seule à pouvoir financer, elle augmente encore ses profits, et ses propres demandes des individus, des sociétés ou des nations, de façon exponentielle, et leur mettant sous sa tutelle. Elle ne se contente plus d’acquérir le produit matériel et intellectuel du travail humain, elle accapare le pouvoir. Et elle a trouvé dans le Traité de Maastricht l’outil privilégié d’institutionnalisation de sa domination.
Ce Traité représente le passage, non annoncé mais bien réel, des régimes occidentaux régis par le principe de la Souveraineté Populaire, au pouvoir du Royaume de l’Argent. Ce passage n’est pas certes exprimé comme tel, il se cache dans le labyrinthe des divers clauses du Traité, qui conduisent à permettent l’application silencieuse de ce Principe. Cette transformation discrète du régime politique accompagne la transformation du système économique, le passage du capitalisme classique à une sorte de méta-féodalité.
Pour la simple raison qu’elle peut tout acheter, la Finance acquiert, au même moment, des moyens de contrôle de l’humain sans précédent, de notre ADN à nos pensées et à nos sentiments. Des moyens produits par des armées de chercheurs de grandes universités et centres de recherche, mobilisés chaque jour, chaque mois, chaque année, sans aucun contrôle social, et ceci depuis la Seconde guerre mondiale.
Pour la première fois dans son Histoire, l’Humanité a produit la base matérielle, scientifique et technologique, qui manquait pour réaliser les utopies noires de Ievgueni Zamiatine, de Orwell, de Huxley, de Kafka.
La plus importante des dernières révélations de Assange, ce n’est pas qu’il existe des moyens de nous suivre dans nos propres maisons. C’est la facilité avec laquelle ces moyens ont été transmis par la CIA à des intérêts privés. En Israël, par exemple, il y a eu récemment un scandale : certaines publications parlaient des millionnaires ayant « acheté » certaines fonctions du Mossad, l’un des meilleurs services secrets du monde, comme tous ceux qui ont une forte base idéologique.
A la fin, l’argent va s’acheter lui-même. Tout et tous pouvant être achetés. Mais dès qu’ils sont transformés en propriété privé, les individus et les institutions perdent leur statut et leur fonction. Les institutions cessent de jouer le rôle pour lequel elles ont été conçues et les humains arrêtent d’effectuer les fonctions qu’ils étaient censés accomplir, ils deviennent l’équivalent social de cellules cancéreuses.
Il est à noter que cette situation renversante est une cause de grande confusion parce que notre cerveau est habitué à analyser un monde où les joueurs sont des états visibles et des grandes puissances. C’est là qu’on recherche les sujets de l’histoire, et non pas dans les forces qui les utilisent. On croit encore à ce que l’on voit, les Grandes Puissances, les Nations, les Etats, alors qu’ils ne sont plus que les ombres d’eux-mêmes.
Au moment de l’effondrement de l’URSS, événement constituant de notre ère, un chroniqueur du Financial Times a suggéré que nous devrions « évoluer » en passant de la démocratie civile à la démocratie (c’est-à-dire la dictature) des entreprises. Seulement, si ces idées-là sont faciles à écrire dans le Financial Times, il reste beaucoup plus difficile de les réaliser. L’argent n’a pas de légitimité en tant que pouvoir, et là se situe une des raisons pour lesquelles il est obligé de tromper pour gouverner. Il préfère que son pouvoir reste invisible, précisément pour ne pas le compromettre.
Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle la Finance est obligée de tromper pour gouverner.
Plus il se soustrait des ses dernières fonctions productives, plus il se convertit à l’équivalent social, économique et écologique d’un cancer. Il transforme le néo-libéralisme en « capitalisme de catastrophe » et “économie d’esclavage” (cf. « l’exemple » de Grèce), l’impérialisme traditionnel, celui de la conquête, du contrôle, se change en impérialisme de « démolition » des peuples et des pays (autre « exemple », celui du monde arabo-musulman).
Le Capitalisme lui-même semble s’abolir en se transformant en Meta-Féodalisme…
La conséquence du cancer, son vrai but et “programme”, est la mort, mais la mort (sociale) ne peut pas (encore) devenir un programme politique. Ce programme ne peut pas être annoncé comme tel et doit rester caché. Pour arriver à ses fins, il lui faut tromper les cellules chargées de défendre l’organisme (le sociétés ou les états, en l’occurrence) et les utiliser contre lui de la même façon qu’opèrent les maladies auto-immunes. On ne peut que les tromper pour obliger les peuples à avancer vers ce sinistre but, parce que les hommes veulent vivre et non mourir, et quand bien même ils savent qu’ils vont un jour cesser de vivre, ils sont en quête d’espoir et ont besoin de donner du sens à leurs vies.
Là se situe aussi une raison fondamentale pour laquelle la déception, l’inversion des significations et de la réalité s’imposent comme méthodes de domination et sont devenues indispensables à la politique actuelle. C’est pourquoi, pour comprendre et anticiper ce que nos politiques vont faire, parfois contre leur propre volonté, il serait judicieux de commencer par inverser leur message. Par exemple, Donald Trump accuse Hillary Clinton d’être à la solde de Goldman Sachs. Mais que doit-on comprendre ? Exactement l’inverse, car une fois élu, Donald Trump va mettre la banque Goldman Sachs dans son gouvernement pour diriger l’Amérique, sans passer par l’intermédiaire d’une classe politique elle-même corrompue. De même, « America First » veux dire « America second », c’est-à-dire l’Amérique et les américains après le Finance. Il faut utiliser de Socialistes pour détruire de sociétés, de nationalistes pour détruire de nations. Au moins jusqu’au moment qu’on va arriver à la situation, décrite par Kafka dans son Procès, où nous allons chercher notre salut dans la mort.
Inverser les termes pour comprendre les discours ! L’information n’est plus dans la présence, elle se situe dans l’absence, parce que les choses vraiment significatives, essentielles et importantes ne peuvent pas se dire. On a absolument besoin de les taire. Le vrai Pouvoir ne peut pas se manifester, ni afficher ses objectifs.
Un jour Mr. Barroso a dit : Nous savons tous que les prochaines générations vivront plus mal que les actuelles. Barroso a peut-être dit cela par excès de stupidité ou lors d’un éclair de sincérité. En tous cas, il l’a dit parce qu’il est depuis longtemps à l’abri du suffrage universel, car l’on ne peut pas encore faire ce type de déclaration si l’on veut gagner des élections (quoique, il semble bien que ce soit le pari d’un Fillon en France!)
De leur côté, les néoconservateurs ont invoqué le réalisme de Hobbes pour contredire les objectifs des philosophes, y compris ceux de Hobbes lui-même. Mais, au vrai, ce n’est pas la « naïveté » de la vision de la Paix éternelle d’Emmanuel Kant qui dérange les néoconservateurs, mais son contenu paisible et surtout non rentable. Quant à George Soros, il ne pourra jamais réaliser son rêve d’être reconnu comme un intellectuel, non pas parce qu’il lui manque les capacités neuronales d’un Karl Popper, mais parce que ses préoccupations financières n’ont absolument rien à voir avec les motivations de l’apôtre de la Société ouverte.
Toutes les théories développées dans les milieux dirigeants du monde après, mais aussi avant la fin présumée de la Guerre Froide, ne semblent avoir été conçues que pour aggraver les problèmes dramatiques de l’humanité, menaçant jusqu’à son existence. Aussi, même si ces théories prétendent généralement s’inspirer des “lois de la nature” et prennent des apparences intellectuelles (bien que d’une qualité intellectuelle absolument médiocre), elles ne visent qu’à légitimer et accroître leur domination mondiale et leur emprise sans précédent sur l’Etre Humain. Derrière leurs arguments fallacieux, ils dissimulent leurs choix, leurs actions et leurs intérêts amoraux. Ils optent pour l’Argent contre la Générosité, ils préfèrent Mars à Venus, la guerre à la paix, bref la mort à la vie.
Le «Choc des civilisations» prophétise (ou plutôt prépare) Huntington. Il prophétise (prépare) même des affrontements des Hispaniques avec des Blancs en Amérique (bien avant l’annonce de la construction d’un mur avec le Mexique par Trump). Huntington pense aussi qu’il n’y a pas d’avenir pour la démocratie, en raison des limites physiques de la croissance. Bien sûr, il ne lui vient pas à l’esprit la possibilité de distribuer plus justement les richesses accumulées et produites par l’humanité qui, pour la première fois de son histoire, est devenue capable de satisfaire l’ensemble de ses besoins “raisonnables”, à condition toutefois de vouloir changer radicalement le système social qui prédomine et la culture qui l’accompagne.
Qu’est-ce que Huntington et des autres penseurs ou acteurs allant dans la même direction nous proposent alors ? L’augmentation spectaculaire des inégalités. La réhabilitation des formes « modernes » d’esclavage (y compris dans un pays membre de l’UE comme la Grèce) ? La transformation des hommes en animaux nomades comme les réfugiés en provenance d’Afghanistan, de Syrie, d’Afrique (ou les réfugiés scientifiques diplômés de l’Europe du Sud fuyant, eux, par voie aérienne). De son côté, l’Exxon de M. Tilerson rêve de fondre la glace de l’Arctique, assenant ainsi un coup peut-être fatal à la vie, et pas seulement la vie humaine.
C’est à cette dramatique et multiforme négation de la vie que mène la logique du Chaos, celle qui s’exerce déjà dans les guerres du Moyen Orient, provoquées par les interventions occidentales. Mais cela va aussi de la destruction consciente et sans état d’âme du berceau de la civilisation et de la démocratie (la Grèce), jusqu’à la destruction probable de l’humanité entière, ne serait-ce que par la hausse rapide de la température terrestre et autres catastrophes écologiques “naturelles” ou industrielles, type Fukushima, qui semblent annoncer toutes ensemble un “Siècle de Catastrophes”, pour paraphraser Hobsbawn.
Le Chaos favorise aussi le projet d’une dictature mondiale, planétaire. Ceux qui forment ce projet et dominent déjà le monde veulent que nous venions nous-mêmes leur demander, à eux qui ont déjà provoqué tant de désastres, de s’ériger ouvertement en Dictateurs, afin de sauver temporairement notre existence, fut-ce au prix d’une vie d’esclaves.
Le programme de l’Empire émergeant n’est pas, comme dans la guerre froide, l’attaque contre le socialisme. Il est l’attaque contre l’humanisme, l’Humanité et contre la vie elle-même. Voilà pourquoi le capitalisme contemporain qui a commencé sa trajectoire historique par des gens de la qualité des Médicis se dirige de plus en plus par une bourgeoisie financière, ou même le sadomasochisme et le satanisme deviennent de plus en plus populaires, comme les pressent le génie de Kubrick qui s’exprime dans ses films, en particulier dans le dernier. Le culte du noir s’assorti très bien à la nouvelle Religion de la Mort. Quel genre de civilisation est celle dans laquelle 47% des « business executives », supposés être les individus les mieux réussis, ont souffert d’une maladie psychique identifiable à un moment de leur vie, selon une recherche publiée par le Financial Times ?
La fraude, la création de confusion, les complots ont toujours été au menu de l’histoire. Désormais, ils sont devenus le plat principal ! Le terrorisme intellectuel contre toute hypothèse d’un complot ne sert qu’à empêcher les gens de mettre en question les motivations des forces qui essayent de dominer leur vie. Or, ce terrorisme “intellectuel” engendre à son tour une multitude d’hypothèses de complot qui envahissent les réseaux sociaux.
On fabrique des théories folles de complots, qui sont crus par des fous, des résignés, des impuissants, voire des adolescents, mais qui servent aussi à convaincre les autres qu’il n’y a aucun complot ! Lentement, ils veulent nous convaincre que seuls les mensonges sont des vérités, mais aussi, finalement, qu’il n’y a pas de vérité, ou que, s’il y en a une, il n’y a aucun avantage à la trouver. Là se situe la signification du mot Post-Vérité, soudainement et récemment apparu.
Il faut dire que nous avons parfois intérêt à les croire, d’une part parce que nous ne voulons pas reconnaître que nous étions jusque-là trompés. D’autre part, parce que lorsque la réalité se révèle être un cauchemar, on préfère souvent s’endormir.
Voilà pourquoi le monde ressemble aujourd’hui, et de plus en plus, à un univers virtuel multidimensionnel, sorte de techno-grotte, comme celle décrite par Platon dans sa République. L’humanité voit les ombres, les fantômes des êtres et de leurs mouvements derrière elle. Pour mieux l’entrevoir, ce n’est pas seulement une source de lumière qu’il faudrait apporter, comme dans la République, mais une multitude d’éclairages révélant les zones d’ombre.
L’effondrement du “socialisme” soviétique en 1989-1991 a marqué non seulement la défaite du projet « socialiste » face au projet « capitaliste » (les deux se présentant comme progressistes), mais il a permis aussi au projet victorieux de se débarrasser de tout élément progressiste qui subsisterait encore, transformant ainsi sa victoire en une défaite de la notion même de Progrès Humain, religion laïque et idée constituante du monde moderne, y compris du modèle dominant occidental.
Trois exemples pour clarifier ceci (perestroïka, Moyen Orient, Grèce)
On a parlé de la capacité du pouvoir à concentrer les moyens et développer une capacité d’exercer une influence considérable sur les êtres humains et sur le monde. On a surtout parlé d’une capacité d’analyse stratégique supérieure à ses rivaux, celle d’envoyer des signaux imperceptibles à des acteurs pour les conduire à suivre le chemin souhaité, tout en croyant qu’ils agissent de leur propre volonté. Voilà trois exemples de ce que nous voulons dire :
L’Union Soviétique ne s’est pas effondrée à cause des interventions étrangères de 1921, des armées d’Hitler ou de l’OTAN, de la “puissance dure” (hard power) de ses ennemis. Ni même à cause seulement de la “puissance douce” (soft power) de ses rivaux, de l’attraction de l’exemple des pays capitalistes avancés. Elle affrontait bien sûr de graves problèmes, sans lesquels elle ne se serait pas effondrée. Ces problèmes étaient la condition nécessaire mais pas suffisante pour provoquer à eux seuls une telle catastrophe, l’anéantissement d’un pays et d’un système. L ‘URSS ne pourrait pas s’effondrer sans la “puissance intellectuelle” (smart power) de ses rivaux, qui ont su introduire, dans le logiciel même du Kremlin, le programme qui a provoqué l’autodestruction du système.
Ce sont eux, les rivaux intelligents, qui ont persuadé les dirigeants Soviétiques qu’ils étaient leurs amis et pas leurs ennemis. Ils ont conçu les idées fondamentales de la Perestroïka à la Michigan State University. Les analystes les mieux informés attribuent à Soros l’architecture de la politique de Glasnost. Les Occidentaux, probablement en coopération avec une partie de l’appareil soviétique, ont envoyé Matthias Rust atterrir sans problème avec son avion sur la Place Rouge pour fournir à Gorbatchev les arguments nécessaires pour la liquidation des leaders de l’armée soviétique (comme les nazis allemands avaient fourni à Staline les “preuves” pour décapiter l’Armée Rouge). A la fin, le régime, ayant perdu le désir même de survivre, est tombée de lui-même à cause de sa propre télévision, toujours étroitement contrôlé par le Département Idéologique du PCUS !
Pour éviter à tout prix de compromettre ce processus de suicide (assisté) de l’Union Soviétique, le Président Bush lui-même a laissé entendre, face aux événements en Ukraine de l’automne 1991, qu’il était plutôt favorable au maintien de l’URSS.
Quand il faisait cette déclaration, le Président Américain savait probablement déjà qu’il allait recevoir, quelques semaines plus tard, un coup de fil du Président Russe, Boris Eltsine, lui annonçant qu’il avait pris l’initiative de dissoudre l’Union Soviétique.
Autre exemple : Quelques années après la parution du livre de Huntington sur les Conflits de Civilisations, une série de guerres a commencé au Moyen-Orient. Les Etats-Unis sont justement accusés de les avoir provoqués, mais est-ce que ces guerres étaient vraiment dans l’intérêt national des USA ? La décision stratégique de commencer cette série de guerres semble ne pas avoir été prise au niveau de l’état américain, mais par les forces qui ont créé un réseau de lobbies neocons, qui ont pris le contrôle de l’état américain, en court-circuitant ses propres formes institutionnelles d’analyse et de prise de décision.
Il n’est pas non plus difficile de discerner l’influence de l’“Empire de la Finance” sur les décisions stratégiques officiellement prises par les gouvernements ou l’UE. En particulier sur les décisions des gouvernements Allemand et Grec de 2010 qui ont déterminé à la fois la « réponse » de l’Europe à la crise financière de 2008, mais aussi toutes les directions prises par la suite par l’Union européenne.
Un des architectes de l’Euro, Otmar Issing, est la plus grande autorité Allemande en matière de politique monétaire. Au printemps 2010, il était l’un des protagonistes les plus enragés de la ligne « Pas un euro pour les Grecs », comme il l’écrivait dans un article publié dans le Financial Times Deutschland (10.3.2010). Il mentionnait, dans cet article, plusieurs qualités qu’il s’accordait à lui-même, sauf une : être un conseiller rétribué par Golmnan Sachs Europe. Or, c’est précisément cette banque qui a le plus contribué à la création de la bulle spéculative mondiale qui s’est transformée en bulle de dette souveraine, mais aussi de la bulle particulière de la dette Grecque, déjà en 2000-01. Plus tard, cette banque a organisé, en alliance avec l’Allemagne, l’attaque des “Marchés” contre la Grèce, un pays de l’UE, qui payait en même temps cette banque pour lui donner les « conseils avisés » qui conduisaient le pays à la ruine.
Etait-ce un projet Allemand ou le projet de la Finance Internationale que Mr. Schäuble a appliqué contre la Grèce, en portant ainsi un coup très grave au crédit politique allemand et à l’UE tout entière ?
Peut-être qu’il est grand temps d’entendre le conseil de Platon dans sa République et de trouver la force de regarder et d’affronter la réalité vraie de notre monde.
De Sarkozy à Hollande
Les chauffeurs de taxi sont la meilleure « source » d’un journaliste essayant de comprendre ce qui se passe dans un pays donné. A Paris en 2007, à la veille des élections présidentielles, l’un d’entre eux m’a dit :
« Monsieur, ce n’est pas sérieux. Nous avons voté Non au référendum (sur le traité constitutionnel européen). Maintenant, six candidats du Oui se sont présentés aux élections. Il semble qu’ils veulent que le Oui l’emporte quand même ».
Sarkozy a triomphé. Le traité rejeté à l’occasion du référendum a été ratifié comme Traité de Lisbonne par l’Assemblée nationale française, évidemment sans un nouveau référendum.
Pourtant, mais c’était avant son élection, Sarkozy déposait des couronnes de fleurs sur la tombe du général de Gaulle, l’inventeur du référendum à la française, craignant peut-être que ce dernier se réveille et le chasse. Autre sacrilège, Sarkozy a ensuite remis la France dans l’OTAN. Il a fait tout ce qu’il pouvait pour détruire les derniers vestiges du « compromis historique » social-démocrate issu de l’union de la résistance communiste et gaulliste à la Libération. Sarkozy a également inversé toute la politique moyenne-orientale de la France, endossant le premier rôle dans la destruction de la Libye et agissant pour le compte de ceux qui ont utilisé des néo-conservateurs pour détruire l’Irak.
Hollande a remporté l’élection suivante, déclarant que « son véritable adversaire était le Finance » (même un Robespierre n’avait pas utilisé des slogans aussi radicaux…). Une fois élu, Hollande a pris pour conseiller un banquier de chez Rothschild qu’il a rapidement nommé Ministre de l’économie. Ces deux-là ont appliqué à la lettre la politique d’austérité que leurs Maîtres leur ont demandé d’appliquer, en sachant parfaitement que cette politique économique équivalait au suicide du Parti Socialiste Français.
Depuis, Macron a trahi Hollande et l’a envoyé à la retraite afin de se présenter lui-même à l’élection présidentielle. Selon tous les sondages publiés jusqu’à présent, et sauf surprise de dernière minute, il devrait finir par se battre en duel avec Marine Le Pen.
En l’absence d’alternative crédible, Socialistes et « Gaullistes » ont ainsi ouvert toute grande la voie au couple Macron-Le Pen. Mais en réalité c’est surtout à Marine Le Pen que la porte a été grande ouverte par « la gauche » de gouvernement qui lui a permis de s’approprier les aspirations sociales populaires et de les repeindre aux couleurs françaises. En effet, Marine Le Pen doit son succès présent à la soumission des « socialistes » français aux « lois du Marché » ainsi qu’aux dogmes économiques qui dominent l’UE. Dès lors, Marine Le Pen n’a pas besoin de formuler des propositions sérieuses et crédibles, notamment pour ce qui concerne l’avenir de l’Europe. Elle n’a pas besoin non plus de déguiser ses intentions guerrières en matière de relations avec les Musulmans et avec les pays du Moyen Orient.
Néanmoins, tout cela ne suffirait pas encore à offrir la présidence de la République à Marine Le Pen.
Les armes de Marine
Marine a réalisé une adhésion décisive, celle de Florian Philippot. Autrefois soutien de Jean-Pierre Chevènement, ancien dirigeant de l’aile gauche des socialistes et chef de file des « souverainistes », Florian Philippot est devenu le « général » de Mme Le Pen, l’équivalent de ce qu’est Steve Bannon pour Donald Trump. Selon les rumeurs, Le Pen ne prend pratiquement aucune décision sans demander l’avis de Philippot.
Philippot a mis les armes et la puissance rhétorique de la gauche française au service de l’extrême droite française, imitant même sa méthodologie cartésienne. Il n’est certainement pas Jaurès, mais il n’a pas besoin de l’être, lorsqu’il joue sans adversaire devant des écrans. Les impressions sont en écrasante majorité en sa faveur, puisqu’il s’oppose à la télévision avec les plus récents « mutants modifiés » de la métapolitique, qui prononcent l’un après l’autre des mots dépourvus de sens et semblent incapables d’opposer plus de résistance qu’un morceau de beurre au couteau.
Philippot est aussi arrivé à faire une autre chose. Homosexuel lui-même, il a réussi à réconcilier les ennemis de l’« inhibition morale » avec la puissante « communauté LGBT ». La stratégie politique de Marine Le Pen est un chef-d’œuvre. Elle a réussi à l’avoir comme conseiller principal, au moment même où d’anciens communistes incitaient leurs enfants ou petits-enfants à aller militer au Front National, fuyant ainsi les « pédés » de la gauche !
De cette manière, Marine combine maintenant l’image d’une femme très dynamique et ouverte, ami des homosexuels mais dotée d’une force politique implacable, par définition macho. Pas mal, pour une seule personne !
Le Pen a également réussi, tout en étant la représentante du dernier courant antisémite de France, à devenir l’amie des Juifs et d’Israël, comme la grande majorité des mouvements de l’extrême droite en Europe. Ceci est bien sûr quelque chose d’incroyable qui nécessite sûrement une sérieuse réflexion, d’abord de la part des Juifs eux-mêmes.
Inutile de dire que tout cela serait impossible si la pensée critique n’avait pas depuis longtemps disparu, ainsi que la liberté effective de parole, à savoir la capacité propre à la pensée critique de se déployer et de se faire entendre par la société, dans le pays européen où elle a été exercé par excellence et constituait sa fierté. En France, le président de Gaulle lui-même, alors que la guerre faisait rage en Algérie et que ses conseillers le poussaient à faire arrêter Jean-Paul Sartre, il leur a répondu « On n’arrête pas Voltaire ! » Pourtant, le philosophe communiste nommé soutenait les « rebelles » algériens (des « rebelles » que le père Le Pen torturait à cette époque).
Actuellement, bien sûr, on n’a plus de censure et le “délit d’opinion” ne mène plus en prison. Les forces dominantes sont sûrs qu’ils peuvent noyer tout porteur d’analyse et de contestation de leur pouvoir dans les rafales des nouvelles et des analyses virtuelles, tout ce qui est digne d’être entendu. Pour ne pas parler d’une situation générale où bientôt seulement des fous seront incités à dire la vérité.
Jadis, pour diffuser la propagande anti-soviétique, Le Monde publiait les textes d’un Soljenitsyne. Maintenant, se parodiant lui-même, ce journal publie en première page les articles d’un Khodorkovski, oligarque russe visant à dénigrer et à discréditer Poutine!
Pour en revenir à Marine Le Pen, il faut dire que les mutations qu’elle impose provoquent des réactions au sein du Front national, lequel conserve ses « purs idéologues ». A plusieurs reprises, ces derniers lui ont fait part de leur désaccord. Elle les écoute, essaye de les rassurer, en leur disant que « nous opérons ainsi pour obtenir le pouvoir, après nous allons voir comment mettre en œuvre nos idées. » Cependant, cela ne semble pas suffire à les rassurer. Mais la perspective du pouvoir et la posture présidentielle du Front national, comme celle de presque de tous les partis actuels qui n’ont plus que très peu à voir avec ce qu’ils étaient dans le passé, a pratiquement fait taire toute opposition interne.
La France est le pays de la Révolution par excellence. En réussissant le « lavage » de son image des « stigmates » du passé, autant qu’il lui était possible, puis en soulevant la bannière de la lutte contre la mondialisation, l’euro et l’Union Européenne, Mme Le Pen a pu exprimer le ressentiment populaire que la Gauche n’a pas pu ou voulu entendre.
Elle a ainsi synthétisé les deux identités fondamentales de la France, la Nation et la Révolution. Et elle s’est rapprochée, avec un talent indéniable et à l’aide de M. Philippot, du courant profond et de la culture socialiste traversant les couches populaires de la France, courant qui vient de très loin et reste ancré dans les esprits d’un pays qui a engendrée près de dix révolutionnaire dans son histoire.
En essayant d’unifier la puissance des concepts de Nation, de Révolution et de Peuple, la fille de Jean-Marie Le Pen est maintenant prête pour le dernier assaut, afin d’acquérir les pouvoirs quasi-monarchiques du Président de la République Française.
Mais tout cela pourrait s’avérer encore insuffisant. En effet, malgré tous ces renforts, objectifs et subjectifs, Mme Le Pen est reste la candidate de l’extrême droite qui a traumatisé les plus anciens.
Le cadeau royal du banquier
C’est Mr.Macron lui-même, le banquier de Rothschild, qui a offert à Mme Le Pen l’arme la plus précieuse pour vaincre ses concurrents, en se présentant comme son seul adversaire crédible aux élections. Et cela parce que Marine Le Pen ne peut gagner qu’en se battant en duel contre le symbole détesté des banques, de l’UE et de la mondialisation.
En se présentant contre elle, Macron lui délivre, par simple effet de contraste, le certificat d’authenticité d’une “amie du Peuple”, la “preuve”, dont elle a encore besoin pour parvenir au pouvoir.
Et le contraire est aussi valable. Seulement, en ayant comme rivale une politicienne de l’extrême droite, Macron a davantage de chance de devenir le prochain Président.
Aux Casinos de Vichy et de Trump, à l ‘« économie-casino », comme à la « politique-casino », une loi fondamentale est toujours respectée : Quel que soit le joueur qui gagne, le propriétaire du casino sera toujours gagnant en définitive.
Si le Le Pen gagne, le Capital cherchera à travers elle à remplacer, ou tout au moins à modifier sérieusement le modèle « globaliste » de domination actuel par un autre modèle de domination. A défaut, l’extrême droite va re-stabiliser, a contrario, la domination de la mondialisation.
Mais le jeu est truqué car les joueurs ont fait un clin d’œil au croupier : Le Pen peut s’adresser plus aisément à la France populaire, tandis que Macron s’appuie d’abord sur une base beaucoup plus restreinte, celle des « bobos », des bourgeois bohèmes, des couches moyennes urbaines, politico-idéologiquement et socialement de plus en plus isolées.
Rien ne doit être laissé au hasard. Un jour, Fillon a critiqué les banquiers qui se réunissent en Suisse et y prennent des décisions qui, dit-il, sont nuisibles aux banques françaises et allemandes. Le lendemain, il est allé en Allemagne et a affirmé que les sanctions contre la Russie devraient être levées et qu’il faut créer un axe entre la France, l’Allemagne et la Russie !
Immédiatement après, Le Canard Enchaîné révèle les irrégularités dans les rémunérations de sa femme. Ce n’était pas un grand scandale, impressionnant et terrible. Mais il l’est devenu en raison de la sur-médiatisation par les médias appartenant à l’oligarchie « pro-Macron ».
Sauf surprise, cette affaire conduira à l’exclusion de Fillon dès le premier tour, ce qui amènera Macron au second, en favorisant finalement l’élection de Le Pen. Au second tour, une minorité des électeurs de Fillon va voter Macron, pour que Le Pen ne soit pas élue. La majorité va voter avec encore plus de fureur Marine, pour se venger des « mondialistes » et de l’oligarchie qui a évincé Fillon. Mais en réalité ce n’est pas du tout certain que leur vote supposée anti-oligarchique n’était pas prévue et voulue par les plus hautes sphères de l’oligarchie financière!
Il est d’ailleurs manifeste que, depuis plus d’un an, les grands médias de France ont aidé démesurément Marine Le Pen, sans le dire, évidemment et peut-etre sans même que tous qui ont participé à ca le sachant. Qu’ont-ils fait? Ils n’ont certes pas dit que Le Pen est la meilleure, cela aurait été naïf. Mais ils n’ont cessé de parler des élections présidentielles en mettant au centre de la discussion de savoir qui sera son meilleur adversaire au second tour. Bien avant que Marine réussisse à passer au second tour, ils ont anticipé sa victoire au premier, ouvrant ainsi la voie à sa victoire au second !
Nous ne pouvons évidemment pas exclure l’effet de la déesse du Hasard, nous n’avons aucune preuve formelle que tout ça fait partie d’un plan. Mais si c’est ainsi que cette déesse agit, alors, malgré son nom, elle ne laisse rien à la chance et elle se distingue par une grande systématisation dans ses méthodes et ses objectifs. Elle semble beaucoup plus raisonnable et efficace que les banquiers de notre monde.
Huntington contre Fukuyama
Marine Le Pen est peut être une version plus récente de Jeanne d’Arc. Mais, dans le cas contraire, on ne doit pas attribuer à ses diatribes contre la mondialisation beaucoup plus de valeur qu’aux manifestes anti-Finance du Président sortant Francois Hollande-Robespierre (ou même Babeuf. En réalité, c’est Fouché lui-même qui a initié la dernière campagne de Babeuf et l’a utilisé, avant de l’envoyer, lui aussi, à la guillotine).
On ne peut pas exclure que les diatribes “contestataires”, “anti-mondialisation”, “anti-UE”, ne sont que la mi-réele, mi-fausse masque dont le Finance, ou plutôt un de ses partis, parmi ces qui s’affrontent maintenant à l’Olympe du Pouvoir, a besoin de porter pour essayer d’offrir lui-meme la médecine pour la maladie (UE, mondialisation) que lui-même a provoqué. C’est logique de leur part, comme c’est logique pour un industriel qui voit la demande pour ses produits diminuer fortement de concevoir de nouveaux produits, pour satisfaire les nouveaux besoins apparus.
La France continue à être le « laboratoire politique » de toute l’Europe, selon l’expression de Karl Marx. Ce qui se passe dans ce pays est d’une importance fondamentale pour comprendre où et comment les choses vont sur tout le Continent.
Il est maintenant tout à fait possible que les Français, pensant qu’on les invite à choisir entre la Nation et la Mondialisation, vont choisir entre deux formes de domination de l’argent, probablement entre deux partis dans les vrais Versailles de notre monde.
L’un est inspiré par les idées de Fukuyama, rêve fané « de mondialisation heureuse », de la « bouillie » transnationale des nations, fondues dans le mixeur du néo-libéralisme et de la culture Ipad.
L’autre semble être inspirée par les idées de Huntington, par le choc des civilisations, de la gouvernance mondiale, non par la « fusion » des nations, mais par l’organisation des conflits entre elles, par l’utilisation de l’une contre l’autre, suivant le principe romain Divide et Impera, de la démolition violente des Nations, de la guerre continue, du Chaos à l’échelle mondiale.
La différence entre le premier et le second est aussi une différence dans l’évaluation de la situation mondiale et du vrai rapport de forces.
La crise de la «mondialisation»
Avec leur vote de mai 2005 contre le Traité constitutionnel européen, les Français ont porté un coup, fatal a la longue, à l’hégémonie idéologique de l’“Euro-libéralisme”, forme particulière qui a appliqué à l’Europe le projet mondial néolibéral, en noyant ses principes économiques et sociaux dans le besoin d’une intégration européenne.
Par son effondrement en 2008, Lehman Brothers a aussi démontré l’impasse du néo-libéralisme. Cette faillite financière de 2008 a enclenché la troisième des énormes crises financières qui ont marqué l’histoire du capitalisme, après celles de 1873-96 et de 1939. Or, la crise de 2008 n’est pas résolue et, il semble même qu’elle est encore loin d’avoir produit tous ses effets les plus graves.
N’oublions pas que la crise de 1873-96 a conduit finalement à la Première Guerre mondiale et à la Révolution d’Octobre. La crise de 1929 a, quant à elle, mené à la réorganisation de l’Amérique par Roosevelt, à l’arrivée d’Hitler au pouvoir, à la Seconde Guerre mondiale et aux révolutions chinoise et anticolonialistes. Nous parlons donc de phénomènes d’une telle échelle et d’une telle profondeur que l’on doit s’attendre au pire.
Face à cela, la gauche européenne ne fait plus figure d’espoir car elle n’a pas réussi à répondre aux défis de 2005 et de 2008. Elle ne dispose pas d’un plan satisfaisant pour la réorganisation de l’Europe, ni la détermination pour le mettre en œuvre. Elle est conservatrice et pas radicale. Elle fait constamment des erreurs au sujet de l’identité nationale, tout en restant attachée de manière étouffante au cadre national dans lequel ses partis opèrent, sans un véritable projet pour l’Europe. L’expérience grecque de SYRIZA s’est avérée être une catastrophe pour toute la gauche internationale. Quant au peuple américain, il a tenté avec Sanders de répondre aux défis posés par la crise de 2008, mais il n’y a pas encore réussi. C’est Mr Trump et les forces qui les contrôlent qui ont encore réussi à détourner une partie considérable de la “contestation” produite dans et par la société américaine.
C’est la faillite de la Gauche Grecque et Européenne, son incapacité à formuler même une alternative cohérente et à créer les conditions d’une lutte sérieuse pour imposer une autre Europe, qui a ouvert pleinement la voie à l’extrême Droite et à un nationalisme qui semble radical, quand il s’oppose à la “dictature de Bruxelles”. Mais il est aisément imaginable qu’il s’avère très réactionnaire, quand il n’aura plus autre chose à opposer au principe du “Chacun pour Soi” libéral.
La “dictature de Bruxelles”, c’est-à-dire le monstre institutionnel de l’UE. n’est pas une entité autonome. C’est l’outil du capital financier international (et partiellement de l’OTAN, c’est-à-dire, des Etats-Unis). On peut être formellement un état indépendant, mais en réalité ce qui importe n’est pas seulement indépendance formelle, mais la capacité réelle d’utiliser la souveraineté nationale et populaire contre les acteurs de la Finance Internationale, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’UE ou de l’Eurozone.
La nature a horreur du vide. C’est pourquoi la réponse à la crise vient maintenant de forces qui l’ont elles-mêmes provoquée mais qui ne peuvent apparaître en tant que telles, ou présenter ouvertement leur buts, il leur faut passer des accords avec des personnalités et des courants, de gauche hier, de la droite nationaliste aujourd’hui, prêts à jouer le rôle de Faust pour accéder au pouvoir.
Ils pensent que les promesses brisées de la mondialisation ne seront pas suffisantes pour sauvegarder leur pouvoir sur le long terme. Tôt ou tard un vrai SYRIZA, ou même de vrais Gaullistes, peuvent réapparaître, les mettant en grandes difficultés.
Etant donnée aussi l’impasse économique et politique, c’est-à-dire la Haute Finance Internationale, a probablement besoin de la guerre, d’une guerre civile entre les couches populaires d’origine européenne et islamique, guerre économique et politique entre les nations européennes, guerres internationales contre l’Islam pour commencer, contre d’autres cibles par la suite.
Ils ont besoin de ces guerres de types différents, pour justifier la négation des droits politiques, faciliter la régression sociale et la justifier.
Ils ne veulent pas augmenter la puissance des peuples et des nations européens contre le Finance, ils veulent la diminuer.
Ils utilisent de slogans “révolutionnaires” pour accomplir de taches et des objectifs “contre-révolutionnaires”. La méthode n’est pas originale. Elle a été utilisée par le National Socialisme Allemand et le Fascisme Italien. Bien que, sur d’autres points, ces courants semblent avoir des différences considérables avec l’extrême droite européenne contemporaine.
Pourquoi Le Pen et Bannon ont besoin de l’Islam ?
Nous ne sommes pas en mesure de savoir ce que les leaders de l’ISIS pensent de la situation politique en Europe et aux Etats-Unis. Par contre, il est indéniable qu’ils ont déjà fait un grand cadeau à Mme Le Pen, avec les attaques au Bataclan en 2015, juste avant les élections régionales françaises.
Il faut aussi noter que la crise européenne n’est pas seulement économique, sociale, politique. Chaque projet économique, social, politique est aussi un projet géopolitique. C’est pourquoi les conflits de ce type font de plus en plus souvent leur apparition dans le contexte européen, à commencer par la crise des réfugiés, en passant par le couple terrorisme-antiterrorisme, atteignant maintenant jusqu’au niveau des menaces de guerre entre pays d’Europe (Grande Bretagne et Espagne par rapport à Gibraltar).
Nous devons faire face à un nouveau totalitarisme, proclame Mme Le Pen. Mais ne croyez pas qu’elle a à l’esprit les banques, comme elle le suggère parfois à ses électeurs. Elle pense aux djihadistes et le dit, comme M. Trump, qui, après avoir accusé Clinton d’être à la solde de Goldman Sachs et de vouloir de nouvelles guerres au Moyen Orient, a nommé les représentants de cette banque dans son gouvernement, afin d’administrer directement l’Amérique, tout en décrétant l’interdiction faite aux musulmans de certains pays à entrer en Amérique. Toutefois, nous savons que les pays désignés ainsi par Trump ne sont pas ceux d’où viennent les terroristes, mais ceux qui sont sur la liste des pays voués à la destruction, liste constituée par les néo-conservateurs au début de cette aventure.
Si l’on entend ce qui est actuellement raconté sur l’Islam, on croirait revivre la chute de Constantinople, le siège de Vienne ou la bataille de Poitiers. On va croire à la fin que ce n’est pas l’Occident qui a non seulement conquis, mais aplati récemment avec ses missiles, des bombardiers et des mercenaires, plusieurs pays arabo-musulmans. A croire que les Arabes bombardent l’Europe et envoient des nouveaux croisés, sous la forme de réfugiés qui se noient dans la mer avec leurs enfants, apparemment parce qu’ils aiment les sports dangereux, et non pas parce que leurs maisons sont bombardées et détruites.
C’est encore un chef-d’œuvre de désinformation. Les mondialistes proposent comme solution au problème créé par les politiques militaires occidentales et par le FMI sur le reste de la planète, d’accueillir aujourd’hui dans les pays occidentaux le plus grand nombre possible d’habitants exilés des leurs.
En faisant ceci, les Soros et Fukuyama, ouvrent la voie à Trump, Le Pen et Huntington, en leur offrant l’ennemi nécessaire pour des raisons nationales et internationales, beaucoup plus significatifs que le combat contre l’ISIS, dont la création a d’ailleurs été facilitée par tous les moyens mobilisés par les agences américaines et leurs alliés !
Il y a trois ans au Vatican, Steve Bannon prenait la parole devant un public animé des mêmes idéaux de « droite radicale » que lui. Le « général » et «sur ministre » de Donald Trump, a alors expliqué avec une désarmante clarté son véritable ordre du jour : Unir les chrétiens et les juifs contre « l’islam radical » (**)
La fausse « amitié » avec les Russes
Bannon a raconté d’autres choses intéressantes. Ancien cadre de Goldman Sachs, il est apparu en tant que représentant du capitalisme sain contre le capitalisme corrompu auquel, il faut le noter, il a assimilé la Russie et la Chine. C’est-à-dire qu’il les a inclus parmi les ennemis, bien que la Russie au moins n’est pas sa première priorité, pendant que son président semble tombé amoureux de Poutine ! Pourtant, bien que collègue de Milo Yiannopoulos (il semble qu’il y a un lien profond entre certains homosexuels et les gardiens de notre morale), Bannon ne semble pas opposé à l’idée d’une alliance temporaire, tactique avec les Russes, sur la base des «valeurs conservatrices».
- Bannon a également prouvé qu’il considère la Russie comme son ennemie, par la présentation qu’il a fait de la 2e Guerre mondiale -victoire des Soviétiques par excellence, qui ont sacrifié plus de vingt millions de personnes pour entrer à Berlin- comme un triomphe du… capitalisme ! Lequel capitalisme aurait, selon Mr.Bannon, aidé la Russie soviétique à se sauver! Dans sa description de la Guerre, il n’y avait que des Américains, des Français, des Polonais, des Italiens et des Anglais pour combattre les nazis. Bien sûr, les deux nations qui, presque seules, surtout au début de cette Guerre, ont brillé de manière exemplaire dans la résistance contre Mussolini et Hitler, les Grecs et les Serbes, n’étaient même pas mentionnées.
Mr Bannon a frôlé le ridicule en présentant la guerre entre l’Allemagne Nazi et la Russie communiste comme étant essentiellement une guerre des Chrétiens contre les Athées. Mais s’il a dit des choses tellement ridicules, il l’a fait pour de raisons pas du tout ridicules.
En opérant une telle distorsion du passé, le stratège de Trump nous révèle de façon indirecte mais très claire le futur auquel il aspire. Car le Moyen-Orient n’est pas seulement important pour ce qu’il est ou pour son pétrole. Il est le champ d’exercice privilégié de la puissance impériale. Ce ne sont pas seulement les Arabo-musulmans qui sont combattus là-bas, c’est à toute l’humanité que la leçon s’adresse. En particulier à des pays comme la Russie, la Chine, l’Inde et l’Europe entière.
L’avenir de l’Europe
Le Pen n’a pas tort dans ses nombreuses critiques de l’Union européenne et de l’euro. Mais l’essentiel du problème n’est pas là. Le gros du problème est le suivant : quel sera le nouvel ordre pour l’Europe qui viendra remplacer l’ordre existant.
Bien sûr, on discute beaucoup aujourd’hui de la question importante de l’Euro, mais c’est en oubliant qu’une monnaie n’est, en dernière analyse, que l’expression d’un projet politique et géopolitique. Son abandon éventuel sera aussi, et objectivement, la naissance d’un nouvel outil servant un autre projet. Mais personne n’en parle!
La Gauche Européenne, pas plus que les nationalistes européens, n’a pas exprimé de projet politique qui serait servi par la dissolution de l’Eurozone. Mr Rothschild ou Mr Bannon, ont peut-être des idées intéressantes pour notre futur, mais ils ne nous exprimeront pas leur stratégie.
Une grande partie de l’opinion européenne est déjà convaincue que l’Union Européenne actuelle est une structure inacceptable. Ce qui n’est pas du tout clair, c’est quels pourraient être les alternatives possibles. Le fait que cette Union n’est pas acceptable, qu’elle doit être radicalement reformée ou remplacée, ne signifie pas automatiquement que sa destruction va nous conduire à un ordre Européen meilleur, ou du moins pas pire que l’état de choses existant.
La dissolution de l’Europe en une myriade de petits et moyens États-nations est-elle une solution ? Ces États-nations seront plus ou moins puissants ? En supposant bien sûr qu’ils existent encore et qu’ils ne soient pas seulement des résidus des vieilles nations face au pouvoir colossal de la Finance (et de l’Amérique).
Dans les conditions actuelles concrètes, dans la situation réelle que nous affrontons aujourd’hui en Europe, est-ce que la destruction de l’UE par les forces qui essaient de la détruire va-t-elle représenter un progrès ou un recul historique ? Est-ce que l’on va restaurer l’indépendance nationale de nos états, ou allons nous diminuer leur possibilité d’utiliser leur indépendance formelle ?
L’Union Européenne est une structure contradictoire. Son fonctionnement devient de plus en plus totalitaire, au service de la Finance tandis que son idéologie et ses principes fondateurs restent démocratiques, bien qu’ils évoluent aussi vers une culture plus totalitaire.
Toute la question est de savoir comment on va résoudre cette contradiction. La destruction de l’UE pourra servir un nouveau projet démocratique européen ou, à l’inverse, un plus grand asservissement des nations européennes.
Est-ce que l’on va mieux protéger les sociétés, les peuples et les nations européennes, ou, au contraire, être amenés à une situation justifiant des attaques encore plus graves contre l’état social en Europe ?
Comme dit un intellectuel russe, Sergueï Glaziev, érudit profond des cycles Kondratiev dans l’histoire économique et conseiller du Président Russe Vladimir Poutine, les deux guerres mondiales étaient aussi des guerres civiles européennes.
La division de l’Europe continentale a toujours été l’arme principale de forces extérieures au continent et qui voulaient le dominer en tirant profit de ses contradictions. Les Britanniques (et probablement la famille des Rothschild) l’ont fait pour vaincre la France de Napoléon. Les Américains sont intervenus contre l’Allemagne en 1917, mais pour soumettre tout le continent à leur pouvoir. Après la Seconde Guerre Mondiale, ils étaient pour l’unification de la partie occidentale, seulement pour consolider la division entre l’Europe de l’Est et celle de l’Ouest, et d’empêcher ainsi la réalisation de la vision de Charles De Gaulle, celle d’une Europe qui irait de l’Atlantique à l’Oural (on pourrait peut-être dire de l’Irlande à Vladivostok).
C’est cette vision qui hante surtout Washington et, plus encore, l’Empire de la Finance : une Europe unie et en coopération étroite avec la Russie. L’une des raisons les plus importantes de la guerre en Ukraine est également de détruire les relations entre l’Europe et la Russie et de recommencer une guerre froide pour détruire tout potentiel de coopération stratégique entre l’Europe et la Russie.
La réalisation d’un tel projet, semblable au projet gaullien, pourrait créer la base d’une solide coopération économique et géopolitique pour essayer de lutter contre les conséquences, tellement destructrices au niveau écologique, socio-économique, géopolitique, issues de la concentration du pouvoir financier et intellectuel dans les mains d’une minuscule minorité qui a de visées totalitaires mondiales. Même les plus puissants des états européens auront de très grandes difficultés pour affronter demain, un par un, ces défis et ces forces colossales.
Voici la grande responsabilité des forces qui persistent à s’intituler de gauche, sociales, écologiques, pacifistes. Est-ce qu’elles ont une idée pour l’Europe et le monde, une stratégie, une volonté de faire face à un défi aussi grand que celui auquel est confrontée l’humanité? Ont-elles l’indépendance d’esprit et le courage nécessaire contre le pour s’opposer au pouvoir de l’Argent ? Ou ne sont-elles plus que la lumière d’une étoile déjà morte, ouvrant la voie à une longue nuit dans l’histoire de l’humanité, un monde qui, à la lueur de ses réalisations technologiques, reste plus préhistorique et plus barbare que jamais ?
Sera-t-il possible à d’autres lieux alternatifs, en dehors de l’Occident, conservateurs dans leur psychologie mais aussi obligés de résister, de répondre au besoin qui les presse, comme dans le passé, de produire et d’opposer au spectre de la destruction qui nous menace, des idées opportunes pour toute l’humanité ?
Pseudo-(Fake) Radicalisme
Ni Trump, ni Le Pen ne peuvent être comparés avec le totalitarisme d’avant-guerre, bien qu’ils partagent un certain nombre de points essentiels en commun. Et il y a peut-être là un piège pour ceux qui pourraient espérer quelque similitude et qui, fabriquant des sujets virtuels, risquent eux-mêmes de se laisser berner à la fin, pensant que ce sont des vrais.
Comme Günter Grass l’a écrit, les soldats d’Hitler qui ont occupé l’Acropole, avaient des poèmes de Hölderlin dans leurs bagages.
Ils n’avaient pas, comme Schauble aujourd’hui, copié (comme des étudiants gâtés) les recettes de Goldman Sachs et du FMI dans leurs cahiers, ils n’avaient pas, comme Schauble, assigné à Otmar Issing la tâche d’élaborer les normes de l’Euro.
Si les destructions infligées par Hitler et par Schauble au peuple Grec sont comparables, il reste plus difficile de traiter un adepte de Goldman Sachs et du FMI comme un réel nationaliste Allemand. Mais qu’il le comprenne lui-même ou non, il n’est à son tour qu’un fake.
Dans une interview, on a demandé à Noam Chomsky, si Trump pouvait être comparé à Hitler. Le philosophe linguiste a répondu qu’il y a une grande différence entre les deux : Hitler et ses compagnons ont vraiment cru à leurs idées, ils n’ont pas fait semblant.
Mars 2017
Notes
(*) Journaliste et Ecrivain
(**) http://www.defenddemocracy.press/this-is-how-steve-bannon-sees-the-entire-world/
Cet article est la version plus developpee d’un article plus sestreint en anglais et, encore plus restreint en grec, publies ici
http://www.defenddemocracy.press/
http://www.konstantakopoulos.gr
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