Par Dimitris Konstantakopoulos
11 décembre 2024
Κάλλιον το προλαμβάνειν του θεραπεύειν,
Mieux vaut prévenir que guérir,
Hippocrate
La presse et les gouvernements occidentaux (y compris l’inénarrable nôtre) célèbrent la chute d’Assad et la « libération » de la Syrie. (Un petit rappel aux responsables. La Syrie et Assad étaient parmi les acteurs internationaux les plus amicaux envers la Grèce et Chypre. Un peu de honte ne nuit pas).
Que ceux qui ont pris le pouvoir dans la Syrie « libérée » soient ceux de l’Etat islamique et d’Al-Qaïda qui ont fait carrière comme «décapiteurs», ceux qui ont posé les bombes au Bataclan et ailleurs , cela ne les inquiète point. Que le nouvel homme fort de la Syrie ait été mis à prix, non pas par l’Iran ou la Russie, mais par le FBI lui-même, ne les interroge pas.
La fin, en l’occurrence le renversement d’Assad et le démembrement de la Syrie, justifie les moyens. Nous devions nous débarrasser de la dictature sanguinaire d’Assad, disent-ils. Le fait qu’un peu plus loin, Israël extermine 100 Palestiniens par jour ne les concerne pas. «Israël est une démocratie », disent-ils. Cela fait longtemps que le père Bush aurait lancé la « guerre contre le terrorisme » qui, en fin de compte, s’est révélée être une « guerre à l’aide du terrorisme » contre tout ce qui menace, même de loin, la domination américaine et israélienne au Moyen-Orient.
Cela ne dérange pas non plus les hommes politiques, les « intellectuels » et les «journalistes» occidentaux que, non pas un Russe ou un Iranien, mais le métropolite catholique d’Aleppo lui-même, soit douloureusement conscient que la fin est venue pour «l’histoire riche, magnifique et unique des chrétiens d’Alep » (Syrian archbishop: ‘This is the end of the great history of Christians in Aleppo’ – CatholicVote org.)
Ils trompaient les Orientaux en leur promettant liberté et dollars. Plus tard, ils ont excellé en théories du complot prouvant l’existence d’armes de destruction massive en Irak pour justifier l’invasion de ce pays. Ensuite, ils ont dit que Kadhafi menaçait le peuple libyen et qu’ils devaient intervenir pour le sauver. Ils l’ont sauvé en rasant son pays et en le ramenant au Moyen Âge. Sur les marchés de rue de Libye, ils vendent désormais des esclaves.
Mais maintenant, ils utilisent les mensonges les plus primitifs et une justification complètement incohérente pour ce qu’ils font. C’est également un exemple de la rapidité avec laquelle est démoli en Occident non seulement l’héritage politique et idéologique humanitaire, démocratique et anticolonial de la victoire sur le nazisme, mais aussi l’héritage de la Renaissance, des Lumières et de la Révolution française.
Le fascisme et la guerre sont des frères jumeaux
S’il y a une incohérence dans toute la rhétorique occidentale, il y a en Grèce une incohérence au carré de nos “dirigeants” et de toute la galaxie des médias, des “analystes”, des journalistes qui ne se ressaisissent pas, qui doivent maintenant nous expliquer que notre prétendu grand allié stratégique et partenaire, Israël, se soit allié au principal rival de la Grèce, la Turquie, pour porter au pouvoir les formes les plus extrêmes de l’islam à Damas. (Il s’y était auparavant déjà allié pour expulser les Arméniens du Haut-Karabakh d’où ils vivaient depuis des millénaires, mais cela est quelque peu passé sous les radars).
Il n’y a pas si longtemps, on nous disait que le Hezbollah et le Hamas étaient des organisations islamistes radicales et non des mouvements populaires de libération nationale dotés d’une idéologie islamique, comme ils le sont en réalité dans une large mesure sous leur costume islamique, mouvements dont l’émergence s’explique par la crise où se trouvent la modernisation arabe, le nationalisme , le socialisme et le communisme, poussant inévitablement les peuples du monde arabo-musulman vers une forme d’islam, qui ne voient pas d’autre issue offerte. Mais le Hezbollah et le Hamas sont des anges du ciel comparés aux décapiteurs d’Al-Qaïda, qui ont été portés au pouvoir en Syrie pour obtenir le renversement d’Assad dont les nôtres maintenant se réjouissent.
Certes, il n’y a aucun mal qui ne présente quelque bon côté. De tels événements majeurs, fissurant la continuité historique, permettent aux lecteurs, aux auditeurs et aux téléspectateurs de juger lesquels de ceux qu’ils lisent, entendent et voient, mais aussi lesquels de leurs hommes politiques, méritent d’être lus, écoutés et vus.
La question n’est pas seulement de savoir si la Syrie a été libérée, comme ils le prétendent, mais si la Syrie existera du tout. Israël s’est déjà précipité pour mener la plus grande opération aérienne de son histoire en détruisant toutes les installations militaires syriennes, ainsi que divers instituts de recherche et universitaires. Quant au ministre israélien des Affaires étrangères lui-même, il a clairement indiqué que le but de l’opération était le démembrement de la Syrie, qui pourrait ou non prendre la forme d’une soi-disant fédération ; c’est une poursuite qui s’inscrit dans le cadre de la haute stratégie qui est depuis des décennies celle de la tendance aux manettes en Israël, telle que développée par Oded Yinon https://www.defenddemocracy.
Voici la déclaration exacte du ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar :
“Il y a dix ans, j’ai écrit et exprimé l’opinion selon laquelle il n’est pas réaliste que la Syrie puisse rester un État unifié avec un contrôle et une souveraineté effectifs sur l’ensemble de son territoire. La voie logique est l’autonomie des différentes minorités en Syrie, éventuellement dans un cadre fédéral. C’est une question que la communauté internationale doit aborder ». https://www.gov.il/en/pages/
Heureusement, il y a des Israéliens eux-mêmes qui savent à la fois ce qu’ils font et ce qu’ils disent, car à écouter seulement leurs organes, nous risquons une confusion générale.
Voilà pour la Syrie. Car bien sûr la Syrie n’est que le début du Chaos que nous verrons bientôt (les recettes Gudériennes de rapidité et de surprise étant de mise) s’imposer dans toute la région ; pour ne rien dire du train Damas-Téhéran qui se prépare à partir (sans oublier celui du Liban et de la Palestine qui l’est déjà) , alors qu’il y a bien sûr d’autres “carrefours ferroviaires”, pour une utilisation future bien sûr, pas immédiate, j’imagine, menant vers Moscou, L’Asie centrale et Pékin, mais aussi l’Occident, la Méditerranée et l’Europe. L’histoire ne s’arrêtera pas à Damas et l’agresseur ne prend pas de prisonniers.
Seule une alliance forte de toutes les puissances, sur tous les continents, qui s’opposent à une telle démarche, prêtes à utiliser tous les moyens à leur disposition, peut donner un coup d’arrêt à ce processus, et, du moins pour l’instant, elle n’est pas visible à l’horizon. Mais l’humanité paiera cher ses illusions en la matière.