Des zad ont besoin de soutien….

Alerte : risques d’expulsion au Carnet

Le 4 février dernier, les élus locaux et le gérant du port à sec ont mis en demeure la préfecture pour réclamer l’évacuation de la ZAD du Carnet, lors d’une audience en référé au tribunal administratif de Nantes. Le délibéré est attendu d’un jour à l’autre.

Après 5 mois de pression des flics, des fafs, des maires qui attendent leur chèque, des médias qui nous salissent, cette fois-ci ils pensent enfin pouvoir nous mater.
On a de fortes raisons de penser que le rendu sera en notre défaveur et va ordonner notre expulsion. On s’attend à une intervention des flics dans les prochains jours. On a donc besoin de soutien moral, humain et matériel !

N’attendons pas leur délibéré pour nous organiser ! Si tu veux défendre la ZAD du Carnet : c’est maintenant ou jamais !

On a surtout besoin de monde sur place mais nous soutenir à distance est aussi possible : n’hésitez pas à monter votre collectif de soutien dans votre localité, organiser des actions en solidarité (collecte de matos, caisses de soutien), etc. Pour nous contacter, écrivez à zadducarnet@riseup.net .

Tant que le projet de zone industrielle au Carnet ne sera pas abandonné complètement, la résistance sera nécessaire ! Nous continuerons de nous battre pour préserver l’île du Carnet, et continuerons d’alerter sur les conséquences de l’industrialisation de l’estuaire de la Loire.

La lutte continue !

Nous sommes la Loire qui se défend !

La liste de nos besoins est disponible par ici : https://airtable.com/shrxU9GW36SYz4mSU/tblXcqc92tEkbbikh
Les infos pratiques pour se rendre sur la ZAD, c’est par là : https://zadducarnet.org/index.php/venir-nous-rejoindre/
Nos arguments contre le projet industriel du Carnet et l’historique de la lutte : https://zadducarnet.org/index.php/2021/01/27/nouvelle-brochure-sur-le-projet-industriel-du-carnet/
 

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Le collectif Stop Carnet dénonce les violences subies de toutes parts depuis le début de la lutte contre le projet de zone industrielle au Carnet !

Différents niveaux de violence ont malheureusement pu être observés ces derniers mois :

 La violence écologique, évidemment :
Le projet de zone « éco-technologique » du Carnet prévoit la destruction de 110 ha de zone naturelle dont 51 ha de zones humides, 550 poids lourds par jour circulant autour de la zone, 550 000m3 de remblais dont la moitié issue du dragage de la Loire pour surélever le site de 50 cm. 116 espèces protégées habitent le Carnet et le projet est en zone inondable chaque année dès 2030.
L’estuaire de la Loire déjà moribond est hyper industrialisé et son industrialisation massive et ses emplois précaires provoquent 30% de cancer en plus que la moyenne nationale.
Le projet est résolument contradictoire avec l’urgence écologique et la nécessité de stopper toute artificialisation et constitue un véritable crime écocidaire.

 La violence médiatique :
Le collectif dénonce un traitement médiatique souvent mensonger, partial ou qui occulte des faits. Les habitant.e.s de la Zad du Carnet sont sans cesse stigmatisé.e.s et le voyeurisme et sensationnalisme médiatiques qui se nourrissent de larmes et de sang ne sont plus acceptables.

 La violence psychologique et physique :
Le week-end dernier, deux habitant.e.s de la ZAD du Carnet ont été frappé.e.s à coups de barre de fer par une milice et une tentative d’incendie d’un camion dans lequel vit un.e habitant.e a été évitée de justesse. Il s’agit donc d’une tentative d’homicide volontaire et nous saluons le sang froid et le pacifisme de la ZAD du Carnet face à cette violence effroyable.
Par ailleurs, des habitant.e.s de Paimboeuf stigmatisent ouvertement des militant.e.s dans la rue et les menacent.

 La violence politique :
Les maires des communes concernées par le projet ont été incapables de faire la moindre sensibilisation concernant le projet aux riverain.e.s en 10 ans, malgré les conséquences directes et terriblement nuisibles sur leur lieu de vie.
Les maires ont porté plainte contre le préfet auprès du tribunal administratif (l’audience a lieu ce jeudi) car le préfet ne s’est pas positionné sur une expulsion de la ZAD.
Le maire de Frossay a envoyé une lettre à Emmanuel Macron pour demander l’évacuation de la ZAD. Cette lettre mensongère stipule que la ZAD empêche le projet de zone industrielle d’attirer les investisseurs alors que le projet est une coquille vide depuis son existence.

 La violence de la répression :
Depuis fin août, la lutte du Carnet est fortement réprimée et a subi un grand nombre d’intimidations.
Des boues de station d’épuration polluantes ont été épandues au Carnet la veille de notre manifestation avec la complicité de la gendarmerie nationale.
Des caméras cachée hyper sophistiquées illégales ont été retrouvées, elles filmaient les militant.e.s en direct et les images étaient retransmises à distance.
Les contrôles d’identité, les fouilles de véhicules et les rondes de gendarmerie sont monnaie courante autour de la zone.
Mardi 2 février, le Peleton d’Intervention de la Gendarmerie Nationale, plusieurs camions de gendarmerie mobile et un hélicoptère ont été mobilisés pour expulser un lieu inoccupé et réquisitionné à des fins artistiques qui servait de soupape à certain.e.s habitant.e.s de la ZAD, alors qu’une remise des clés avait été négociée sans encombre. 7 personnes ont été interpellées et mises en garde à vue, elles ont été libérées après 24 heures.

 La violence de l’opinion publique :
Le mépris populaire envers les habitant.e.s de la ZAD est indigne de leur combat. Si des actes isolés sont regrettables, les habitant.e.s de la ZAD sont accusé.e.s de tous les maux de façon mensongère.
Les habitant.e.s de la ZAD subissent des conditions de vie rudes et précaires (sans eau courante, électricité et abri chauffé pour dormir pour beaucoup d’entre elleux) pour empêcher la destruction de la zone naturelle et le capitalisme vert de tout dévaster sur son passage.

Que font les personnes qui stigmatisent les zadistes pour l’écologie à part fermer les yeux sur une situation terrorisante qui met l’intégralité du monde vivant en danger ?
Nous invitons ces personnes à avoir autant de décence, d’humilité et de dignité que celles qu’elles jugent et méprisent sans même les connaître.

 La violence économique :
La ZAD est un lieu de lutte et un lieu d’accueil inconditionnel, notamment pour toutes les personnes que ce système a broyé ou exclu. Comme la plupart des lieux occupés / réquisitionnés, la ZAD permet à certain.e.s d’avoir un toit autant que possible, de pouvoir se nourrir et d’obtenir un soutien collectif. Elle fait donc ce que les pouvoirs publics ont laissé de côté et refusent de voir.

 La violence envers tout type d’alternatives et d’imaginaires :
Alors que de plus en plus de personnes privilégié.e.s prônent l’autonomie individuelle et le repli sur soi pour se protéger du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, la ZAD offre une manière alternative d’habiter le monde incroyablement riche, résiliente et résistante en favorisant l’autonomie collective.
Habitats légers en matériel de récupération, nourriture que le capitalisme gâche outrageusement récupérée, démocratie directe, réflexions collectives sur les rapports de domination (sexisme, racisme, classisme…) et expérimentation permanente… La ZAD poursuit des efforts que notre système destructeur se refuse à faire.

 Le collectif Stop Carnet renouvelle sa solidarité envers la ZAD et condamne les violences à l’encontre des militant.e.s du collectif et de la ZAD, comme envers toustes les militant.e.s qui oeuvrent pour un monde plus juste et solidaire. Ces violences n’entachent en rien notre détermination et renforcent d’autant plus la solidarité que nous forgeons entre nous.

 Après la lutte historique contre le projet de centrale nucléaire du Carnet avorté en 1997, ne laissons pas le Carnet être à nouveau vampirisé et bétonné par des industriels qui font passer les profits avant nos vies.

 La lutte du Carnet est un combat écologiste, pour la justice sociale et pour la dignité du vivant. Notre lutte continue et nous vous invitons à nous rejoindre ! 

Pour que vive le Carnet libre et sauvage !
 Nous sommes la Loire qui se défend !

Toutes les infos du collectif Stop Carnet : https://stopcarnet.fr
Pour nous contacter : stopcarnet@retzien.fr

Nous suivre sur facebook : https://www.facebook.com/stopcarnet/

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7 FÉVR. 2021 PAR PIERRE SASSIER BLOG : LE BLOG DE PIERRE SASSIERL’abandon d’Europacity ne signifie nullement l’abandon de la gare du triangle, conçue au départ pour assurer l’accès au grand projet inutile. Pourtant, les autorités locales n’ont pas renoncé à la construction de cette gare, aujourd’hui destinée, en l’absence d’un projet alternatif la rendant nécessaire, à desservir les perdrix et les lapins. La gare du triangle ouvrirait la voie à une urbanisation que le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) a combattu et continue à combattre. La société du grand Paris (SGP) a annoncé son intention de commencer les travaux début février sauf décision contraire du Gouvernement. Le mutisme de celui-ci est assourdissant, mais il est à craindre que la SGP, en application du dicton “qui ne dit mot consent”, ne donne les premiers coups de pioche ces jours prochains.Les autorités politiques n’ont donc pas encore compris que l’autonomie alimentaire de la France dépend de deux facteurs : la disponibilité de terres agricoles sur le sol français et un effectif suffisant d’agriculteurs pour les mettre en valeur. Or, sur ces deux points, nous sommes mal partis : l’artificialisation des sols menace, tous les 10 ans, une surface équivalente à celle d’un département ; la profession agricole est en voie d’extinction et, avec elle, notre capacité à produire localement. C’est pour des deux raisons que le CPTG soutient une alternative dont le développement ne suscite nullement le sacrifice de terres agricoles fertiles au profit d’une gare : le projet d’économie circulaire CARMA qui répondrait à la double nécessité de conserver les terres agricoles et d’ouvrir la voie de la formation aux futures générations d’agriculteurs.Pour répondre à la menace qui pèse sur les terres, le Collectif pour le Triangle de Gonesse érige le triangle en zone à défendre (ZAD). L’opération a débuté aujourd’hui, avec l’occupation, par une centaine de personnes, d’un terrain devant servir de base au chantier de construction (voir photos). Plusieurs journalistes étaient présents, dont Jade Lindgaard de Mediapart.

Il y a nécessité de pérenniser l’opération et de la renforcer dans les jours ou les semaines qui viennent et le CPTG appelle les signataires du serment pour le triangle et tous les militants associatifs qui ne l’ont pas encore signé à soutenir, s’ils le peuvent, cette initiative par leur présence et leur action.SIGNEZ LE SERMENT DU TRIANGLE POUR SAUVER LES TERRES AGRICOLES !https://sermentdutriangle.agirpourlenvironnement.org/
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https://reporterre.net/A-Gonesse-la-premiere-zad-d-Ile-de-France-veut-stopper-l-urbanisation

À Gonesse, la première Zad d’Île-de-France veut stopper l’urbanisation

Durée de lecture : 7 minutes

9 février 2021 / Laury-Anne Cholez et Louis Bontemps (Reporterre)
Pour empêcher la construction d’une gare au milieu des champs, des militants ont lancé une Zad sur le triangle de Gonesse (Oise), à 30 kilomètres au nord de Paris. Soutenus par le Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG), ils espèrent durer le temps que le gouvernement prenne clairement position contre l’urbanisation des dernières terres fertiles d’Île-de-France.

  • Triangle de Gonesse (Val-d’Oise), reportage

Une fine couche de neige recouvre lundi matin 8 février le sol boueux et les toits, faits de bâches, des premières cabanes. Le feu brûle dans un grand tonneau métallique, réchauffant les corps d’une quinzaine de militants qui ont passé la nuit sur place. Les renforts commencent à arriver, déchargeant victuailles, palettes et planches de bois. «Il faut qu’on avance rapidement dans la construction du dortoir pour dire aux copains de venir ce soir », lance joyeusement un jeune homme, pas vraiment engourdi par les flocons qui fouettent son visage. Dimanche, une centaine de militants ont décidé de lancer une Zad sur le triangle de Gonesse (Val-d’Oise) pour protester contre la construction de la future gare de Gonesse sur la ligne 17 du métro du Grand Paris. Une gare en plein champ qu’ils estiment inutile et qui bétonnerait de précieuses terres fertiles pour la région.

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Dès leur arrivée, les occupants ont commencé à construire des cabanes pour s’abriter du froid avec des matériaux de récupération. Ils se sont installés sur un terrain en friche d’environ un hectare qui appartient à l’Établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF) où les engins de chantier auraient dû arriver ce lundi matin. « On l’a appris, car il y a eu des rumeurs chez les agriculteurs et les chasseurs du coin. On sait que nous sommes à un moment de bascule. La future gare sera à trois cents mètres d’ici, dans ce champ. Nous ne pouvions pas les laisser faire », explique Siamak, membre du Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG), fer de lance de la lutte contre l’urbanisation de la zone. Après s’être d’abord opposés à l’installation d’Europacity, ses militants n’ont jamais baissé les bras depuis l’annonce de son abandon en novembre 2019. « On ne s’est pas battus depuis presque dix ans pour laisser le triangle être urbanisé », raconte Marie, membre du CPTG, qui n’avait jamais participé au lancement d’une Zad. « On n’a pas pu faire autrement. Nous sommes arrivés au bout des discussions et le gouvernement refuse de prendre position », déplore-t-elle.

La vue globale de la toute nouvelle ZAD de Gonesse.

Des échanges difficiles avec la mairie

Vers midi, les militants qui montent la garde devant l’entrée de la Zad donnent l’alerte : « Venez tous, il y a des gens qui essayent de décrocher nos banderoles extérieures. » Sur la route, deux hommes et une femme sont venus « parlementer » avec les occupants. L’un d’entre eux, élégamment habillé avec de belles chaussures de ville, n’a vraisemblablement jamais mis les pieds dans le très boueux triangle de Gonesse. « Je suis venu accueillir ces nouveaux habitants », explique-t-il avec obséquiosité. L’homme n’est pas inconnu des membres du CPTG : il s’agit de Nelson de Pessemier, directeur du cabinet du maire de Gonesse. Mais il ne donnera pas son nom à Reporterre, prétextant qu’il vient simplement « en tant qu’habitant de la ville. » Il refusera également de préciser la position de la mairie au sujet de cette occupation, car « ce sujet ne nous intéresse pas. » Envoyer trois personnes de l’équipe municipale tout en refusant officiellement de communiquer : une attitude qui interroge les militants. Mais les échanges avec le trio resteront courtois. « L’accès aux transports est le premier discriminant à l’emploi, assure Nelson de Pessemier. Nous souhaitons que les habitants de Gonesse puissent se déplacer et trouver du travail. Et que veulent-ils ? Vous leur avez demandé ? Ils ont voté pour un maire qui est pour cette nouvelle gare. » Un argument qui ne fait pas mouche auprès des militants : « Quand on rencontre les habitants, tout le monde trouve que cette gare au milieu des champs, c’est vraiment n’importe quoi, répond l’un d’entre eux. D’autant que personne ne vivra jamais ici, car nous sommes sous le couloir aérien de Roissy. »

Nelson de Pessemier (à gauche en parka kaki) est directeur du cabinet du maire de Gonesse. « Je suis venu accueillir ces nouveaux habitants ».

Quelle place pour le projet Carma

Restée un peu à l’écart, une femme est interrogée par les journalistes de France 3. Il s’agit de Catherine Guilmart, directrice générale adjointe des services de l’aménagement urbain, qui a également refusé de donner son identité à Reporterre. Elle s’attache à promouvoir le projet Triango, un écoquartier « responsable » prévu sur le triangle de Gonesse qui devrait accueillir des entrepôts, des bureaux, un centre de formation, le tout sur cent dix hectares autour de la future gare de la ligne 17.

« Au total, on compte 280 hectares à urbaniser, il resterait donc largement la place pour le projet Carma », assure Catherine Guilmart. Carma, c’est l’alternative sur laquelle travaille le CPTG depuis des années. Un « pôle d’excellence », tourné vers l’agriculture, la santé et l’alimentation qui permettrait de mettre en place des circuits d’agriculture locale et biologique. Mais pour Nelson de Pessemier, c’est un argument utilisé par les militants pour « vendre du rêve et faire diversion. » Il repartira un peu penaud, avec ses chaussures pleines de boue, sans avoir pu pénétrer dans la Zad.

Les occupants se réchauffent autour du brasero. La nuit, les températures descendent sous la barre de 0°C.

« Objectif : zéro artificialisation »

Autour du brasero, les occupants se serrent pour se protéger des flocons et faire le point sur l’organisation. Combien de personnes vont-elles rester dormir ce soir ? Quelle attitude adopter face aux médias ? Qui fera le guet cette nuit pour prévenir en cas d’intervention de la police ? Qui pourrait aller récupérer des palettes ? Si certains militants de Notre-Dame-des-Landes et de la Zad du Carnet sont venus prêter main forte afin de lancer le chantier d’occupation, la plupart vivent ici leur première expérience d’occupation, à l’instar de Bernadette, membre d’Extinction Rebellion : « Cela fait longtemps que j’entends parler de Gonesse et cela me semblait le bon moment pour venir aider. » Un peu plus loin, Serguei, Gilet jaune du 93 (Seine-Saint-Denis) ne connaissait pas la lutte, mais souhaitait voir ce qu’était une Zad. « Cela me plaît bien et j’ai envie d’être utile. Ce n’est pas tout à fait le même mode d’action que les Gilets jaunes, même si nous aussi on a construit des cabanes. Mais finalement, on fait partie de la même lutte et on veut renverser le gouvernement. »

La première cabane de la ZAD, c’est la cuisine, où des militants ont rapporté des légumes pour préparer de la soupe. Un grand panneau demande de respecter les gens qui veulent pas être pris en photo. Le collectif CGPT n’a pourtant jamais eu de velléité révolutionnaire. Depuis des années, ils multiplient les pétitions, mobilisations citoyennes, recours juridiques et recherche des soutiens politiques, de la France Insoumise à Génération.s en passant par EELV. En vain. « Nous avons toujours dit que nous ne lancerons jamais une Zad nous-même, mais nous soutiendrions ceux qui souhaiteraient le faire. Et aujourd’hui, nous ne voyons pas d’autre issue », explique Bernard Loup, le pilier de la lutte.

En seulement quelques heures, un dortoir a été construit avec des matériaux de récupération. Les occupants réclament aujourd’hui une position claire du gouvernement : « Notre objectif, c’est zéro artificialisation », assure Siamak, membre du CPTG. « Notre combat vise à préserver les terres fertiles et nous nous battons également contre l’agriculture intensive. » Mais contrairement à la Zad de Notre-Dame-des-Landes, les agriculteurs du coin ne sont pas vraiment du côté des militants. Au contraire, beaucoup sont à deux doigts de prendre leur retraite et s’empressent de vendre leurs terres aux promoteurs immobiliers. Des tracteurs passent d’ailleurs régulièrement devant l’entrée de la Zad, sans jamais s’arrêter. « Ils pensent que l’on fait de l’agribashing, mais ce n’est pas du tout cela. On veut simplement se battre pour un autre modèle agricole », poursuit Siamak.

De temps à autre, une voiture de police roule elle aussi devant le terrain occupé. Mais l’expulsion ne semble pas imminente. Les autorités tablent peut-être sur la météo pour décourager la lutte, car des températures négatives sont prévues toute la semaine. Malgré tout, les soutiens se multiplient : en seulement une journée, plus de 380 personnes ont rejoint le groupe Télégram de soutien. Une cagnotte en ligne a été créée pour soutenir cette Zad à seulement trente kilomètres de Paris.

Pour les besoins logistique un fil telegramme a été crée : https://t.me/joinchat/GKYBbCvycooGySlC

Pour les besoins financiers une cagnotte en ligne a été crée

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https://www.mediapart.fr/journal/france/080221/ecologie-terres-prendre-et-nouvelles-zones-defendre?onglet=fullEcologie: terres à prendre et nouvelles zones à défendre

Ecologie: terres à prendre et nouvelles zones à défendre
8 février 2021 Par Jade Lindgaard

Une occupation a démarré sur le triangle de Gonesse dimanche 7 février pour empêcher la construction d’une gare du Grand Paris. Des collectifs protestent contre les « saccages » que vont causer les Jeux olympiques de 2024. Ces luttes ont en commun la défense de terres contre des projets d’aménagement.
Un brasero, des cabanes en cagettes, des pousses de bambous pour les décorer, un barnum pour s’abriter, une banderole « Oui aux terres de Gonesse. Résistance », des tentes et des bottes maculées de boue : une occupation du triangle de Gonesse (Val-d’Oise) a démarré au petit matin dimanche 7 février. Il y a même du papier peint à motif floral dans les toilettes sèches. Une quinzaine de personnes y ont passé la nuit, entre dimanche et lundi, selon un occupant.

Une petite centaine de personnes s’y affairaient à la mi-journée, dimanche : construction de cabanes et d’une cuisine, point juridique, info sur les passages de la police – déjà à cinq reprises en début d’après-midi. Juché sur un tas de poutres, Sylvain, du collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG), lit la déclaration d’occupation : « Nous avons décidé de monter d’un cran dans l’action que nous menons depuis plusieurs années en occupant le triangle. Rejoignez-nous nombreux-ses, il est encore temps de se mettre autour d’une table pour discuter de l’avenir. Le triangle nous protège des canicules et peut nous nourrir. Nous le défendrons jusqu’au bout. » Une femme bombe « ZAD » à la peinture jaune sur les barrières qui entourent le terrain : une friche, qui sert de zone de stockage à une entreprise de BTP, où les travaux de la ligne 17 nord du métro du Grand Paris doivent démarrer d’un jour à l’autre.

Sur la ZAD du triangle de Gonesse, le 7 février 2021 (JL). Sur la ZAD du triangle de Gonesse, le 7 février 2021 (JL).

Les occupant·e·s demandent l’abandon de la gare « Triangle de Gonesse », car elle est prévue en plein champ, menace plusieurs hectares de terres agricoles et marquerait le départ de l’artificialisation de ces 280 hectares de terres – lire ici notre enquête à ce sujet. La friche occupée par la ZAD du triangle de Gonesse appartient à l’EPFIF, l’agence foncière de la région Île-de-France, d’après le CPTG.

Le collectif n’est pas à l’origine de l’occupation mais la soutient, explique Bernard Loup, son co-fondateur : « On a toujours dit qu’on ne savait pas occuper mais que si des personnes le faisaient, on les soutiendrait. Ici c’est une zone à défendre. C’est incompréhensible d’en arriver là, à occuper ce terrain, alors que la société du Grand Paris ne veut même pas de cette gare. Le problème, c’est le gouvernement qui ne décide pas quoi faire. » Sollicités par Mediapart dimanche après-midi, les services de Matignon et du ministère de la transition écologique n’ont pas réagi.

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« C’est un lieu emblématique et un moment stratégique, explique Aline, artiste, qui s’apprête à passer la nuit sur place. C’est une bataille juridique ancienne, une victoire contre EuropaCity, il y a un vrai contre-projet, ces terres ont une qualité particulière. On n’est pas là par idéologie. » Tout en parlant, elle cloue des planches pour consolider les toilettes sèches en construction à l’arrière du terrain. « Le gouvernement ne donne pas de réponse ? On restera là jusqu’à l’abandon de la gare. »

Jérémie, 30 ans, intermittent du spectacle, va, lui aussi, dormir sur le triangle, malgré le froid et la neige, pour s’opposer à « la destruction de la nature par des projets qui servent le capital ». Pour lui, « c’est bien d’occuper le terrain. Ça fait longtemps qu’on dit que le jour où y aura besoin, on sera là. C’est ce moment-là ». Il s’implique dans la lutte du triangle depuis un peu plus d’un an. Un mouvement accueillant, « ouvert à tout le monde ». Et en période de confinement, il a du temps : « L’État fait en sorte que je ne travaille pas. Donc je suis là. »

Sylvain, du CPTG, s’enthousiasme : « Je crois que c’est la première ZAD en Île-de-France. C’est les 150 ans de la Commune cette année. Si on peut les fêter ici, c’est cool. Mais y aura besoin de beaucoup de monde. »

Sur la ZAD du triangle de Gonesse, le 7 février 2021 (JL). Sur la ZAD du triangle de Gonesse, le 7 février 2021 (JL).

La veille, à Paris, une bonne centaine de personnes s’était rassemblée sur le parvis de l’Hôtel de Ville pour dénoncer les « saccages » des Jeux olympiques de 2024 : destruction de jardins ouvriers à Aubervilliers (lire ici notre enquête), construction d’un échangeur autoroutier à proximité d’un groupe scolaire (lire ici), création d’un quartier sur le parc de la Courneuve. Sous la pluie gelée qui tombe drue sur les visages et les mains, une militante du collectif de défense des jardins des Vertus, à Aubervilliers, déclare : « On ne laissera pas détruire 450 arbres fruitiers. Ils nous sous-estiment. On compte sur vous pour bloquer les bulldozers ! »

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Sur les bords de la Loire, en face de la raffinerie de Donges, le site de la zone industrielle du Carnet (Loire-Atlantique) est occupé par une ZAD depuis août dernier. Barricades et cabanes ont essaimé sur l’asphalte d’un parc technologique, où une éolienne géante surplombe l’estuaire, « contre l’industrialisation massive ». À Bure (Meuse), une nouvelle génération féministe, queer et intersectionnelle, redonne du souffle à la lutte antinucléaire et au rejet du centre d’enfouissement de déchets nucléaires, Cigéo. À l’automne 2020, des militant·e·s d’X/R ont tenté d’occuper le plateau de Saclay (Essonne) pour empêcher l’artificialisation de terres agricoles, via notamment une gare du Grand Paris.

Une écologie du rapport de force

Toutes ces luttes ont en commun la défense de terres – agricoles, nourricières ou en plus ou moins libre évolution – contre des projets d’aménagement. En réaction contre les discours creux et abstraits du gouvernement sur le climat, des personnes de générations et activités diverses défendent une vision concrète et matérielle de l’écologie, qui se soucie de chaque hectare condamnée à la bétonisation, s’attache au sol, veut se défendre contre la saturation de l’air par des polluants toxiques. Elles tirent d’autres leçons du Covid que celles du philosophe Bruno Latour, qui encourage à se sentir « terrestre », à « atterrir », c’est-à-dire à « se localiser » et à accepter de se sentir vulnérables, tout en se reliant à l’écosystème du vivant, dans une continuité vitale et incommensurable.

Sur la ZAD du triangle de Gonesse, le 7 février 2021 (JL). Sur la ZAD du triangle de Gonesse, le 7 février 2021 (JL).

Pour ces collectifs en lutte, les fronts sont plus spécifiques et bien plus rudes que le tableau dessiné par les anthropologues et philosophes qui concentrent leurs pensées sur les relations entre humains et non-humains, et qui, par leur point de vue général, peuvent sembler surplomber le chaos du monde. Depuis le triangle de Gonesse, Le Carnet, la forêt de Roybon, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, ou les collectifs anti-saccages des JO, il y a des ennemis à combattre. C’est une écologie du rapport de force, et de la rupture, en porte-à-faux avec le discours de la transition écologique, de l’économie circulaire, du verdissement de l’activité et du développement durable. « À quoi ça sert de créer un jardin partagé dans un quartier quand cent autres sont ensevelis sous le béton ? demandait un militant associatif en quartier populaire, le 17 janvier, lors d’un rassemblement sur le triangle de Gonesse. « Le Grand Paris et les JO 2024 sont nos ennemis. Nous sommes contre la bétonisation et la spéculation immobilière. On veut transformer nos villes, vivre autrement. C’est ça, la véritable écologie », expliquait Samuel, de l’Autre Champ, une association de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) qui s’occupe de jardins partagés et de cinéma.

« La concentration de moyens en Île-de-France dépossède les autres régions. Ce n’est pas juste. Contre cela, il faut défendre l’égalité territoriale et la résilience alimentaire. Il faut travailler chacun sur son territoire mais ensemble », dénonçait de son côté Sabrina, du collectif Cessez la ligne 18, à Saclay.

Devant la mairie de Paris, le 6 février, Saccage 2024 a dénoncé l’extractivisme symbolique de la capitale. C’est une nouvelle forme de critique des Jeux olympiques, qui porte sur leur « héritage » urbanistique. Les Jeux s’intitulent « Paris 2024 », profitent au rayonnement de la capitale. Mais par les quartiers qu’ils vont créer, à Saint-Denis et Dugny (Seine-Saint-Denis), ils vont accentuer la densification de zones déjà saturées de pollutions et de béton.

Sur la ZAD du triangle de Gonesse, le 7 février 2021 (JL). Sur la ZAD du triangle de Gonesse, le 7 février 2021 (JL).

Le monde paysan voit partir chaque année des milliers d’hectares à l’agrandissement d’exploitations agricoles déjà trop vastes pour échapper au productivisme. L’agriculture biologique ne représente que 10 % de la surface agricole en France. La financiarisation du foncier agricole et l’essor des méthaniseurs éloignent toujours plus la culture des terres de l’activité vivrière, au profit de fermes et champs transformés en véritables usines. Or ces lobbies ont l’oreille du pouvoir politique, comme en témoigne la parution le 6 février de l’arrêté gouvernemental autorisant la mise sur le marché et l’utilisation de semences de betteraves à sucre enrobées d’insecticides néonicotinoïdes.

Face à ces contradictions entre les discours et les actes des institutions, ces mobilisations défendent un réalisme exigeant, qui ne craint pas d’emprunter des formes contestataires. Parmi eux, on retrouve beaucoup de jeunes qui ont marché pour le climat en 2018 et 2019, dans le sillage de Greta Thunberg. Ils et elles se disent désabusé·e·s par les mensonges et les entourloupes des ministres et du chef de l’État, qui présentent cette semaine une loi climatique au rabais par rapport aux demandes de la convention citoyenne pour le climat. Pour cette génération, les banderoles et les slogans en manifs ne suffisent plus. Il leur faut arrêter la machine qui détruit le vivant

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https://www.mediapart.fr/journal/france/050221/jo-2024-un-bassin-contre-des-jardins?onglet=full
JO 2024: un bassin contre des jardins
5 FÉVRIER 2021 PAR JADE LINDGAARDLe projet d’une giga-piscine à Aubervilliers menace les jardins ouvriers des Vertus, tandis que la maire y voit l’occasion de « faire décoller » sa ville. Opacité comptable et budgétaire, utilité olympique contestable, coût important, pari sur la rentabilité foncière d’une vaste friche urbaine : un drame métropolitain éclate. Et des anti-JO se rassemblent à Paris le 6 février.C’est là que passe une ancienne route nationale, avec ses 40 000 véhicules par jour, que stationnent les bus avant de rouler vers Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) ou Gonesse (Val-d’Oise), que fut construit l’un des premiers grands ensembles d’Île-de-France, la cité des Courtillières, reconnaissable à ses tours en briques. C’est là aussi que les fleurs sont pollinisées, que poussent les arbres et se récoltent les légumes des jardins ouvriers des Vertus.À cet endroit précis, dans le quartier populaire et pollué de Fort-d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), les travaux d’une piscine d’entraînement pour les Jeux olympiques de 2024 doivent démarrer à partir de la fin du mois de mars. Ils vont détruire 4 000 mètres carrés de parcelles cultivées par une vingtaine de jardinier·e·s. L’aménageur public de ce quartier en pleine transformation, Grand Paris Aménagement, promet de les « déplacer » et de les reconstituer. Mais des collectifs considèrent qu’en démolissant les sols et en tuant les insectes qui y vivent, « toucher aux jardins, c’est déjà un écocide ».Ce territoire de patrimoine et de hesse – la galère comme l’expriment en arabe les jeunes de la ville – dense en habitats et en petites débrouilles, fut autrefois une plaine maraîchère où l’on inventa le chou gros, le navet demi-long, la betterave rouge-noir ou encore l’oignon jaune paille des Vertus. Aujourd’hui, c’est un carrefour ultra-urbain, parsemé de garages, de bureaux vacants et de fast-foods où les briks tunisiens se vendent quelques euros. Les particules de dioxyde d’azote (N02) saturent l’air et enflamment les voies respiratoires des riverain·e·s. Des pistes cyclables doivent être aménagées sur la future « voie olympique » qui reliera le village des médias des JO au Bourget, à la porte de la Villette. Un « écoquartier » doit sortir de terre autour des restes d’une place forte militaire occupée par les Prussiens pendant la Commune de 1871. Et une station du métro du Grand-Paris est annoncée à partir de 2030.Encore une histoire de saccage olympique, dans la longue histoire des destructions de quartiers populaires et d’expulsions causées par l’organisation des Jeux ? Pas exactement. En réalité, malgré son label officiel, la piscine du fort d’Aubervilliers n’est pas nécessaire aux athlètes de Paris 2024. Plusieurs bassins de remplacement ont déjà été identifiés, selon les informations de Mediapart, pour accueillir les nageurs qui viendraient s’entraîner dans les mois précédant la compétition. La labellisation par les Jeux n’est qu’une façon d’en débloquer les financements, de l’avis de plusieurs acteurs institutionnels. La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) en subventionne moins d’un tiers du coût, à hauteur de 10 millions d’euros. Le reste revient à l’État et aux collectivités locales, dont la commune d’Aubervilliers.La nouvelle maire Karine Franclet (UDI), première édile de droite d’une des villes les plus pauvres de France (45 % des ménages sous le seuil de pauvreté), défend le projet de monumental centre aquatique : trois bassins, un solarium, deux saunas, un hammam, une salle de musculation, un restaurant, une laguna de jeux extérieurs et 900 places de gradins. « C’est plus qu’une piscine, c’est un centre aquatique. La population d’Aubervilliers y a droit. Je ne veux pas qu’on dise que ce n’est qu’une ville de pauvres. C’est une ville qui ne demande qu’à décoller. La piscine sera bonne pour l’image de la ville », explique-t-elle à Mediapart. 

C’est sa prédécesseure, la communiste Meriem Derkaoui, qui a signé le marché avec le groupe de construction Spie-Batignolles, pour 33,6 millions d’euros, le 24 juin 2020, quatre jours avant le deuxième tour des municipales.Mais ni le montant du contrat, ni le choix de l’attributaire n’ont été votés en conseil municipal. En vertu des pouvoirs conférés par l’ordonnance « Covid » du 1er avril 2020, l’ancienne maire a validé seule la décision prise en commission d’appel d’offres, cinq mois plus tôt. Le projet de piscine, sous la forme juridique d’un marché public global de performance, avait été lui validé deux ans plus tôt par les conseillers municipaux, en juillet 2018. À l’époque, l’opposition de droite avait voté pour l’équipement.
Les acteurs sportifs et institutionnels dressent le constat d’une carence en piscine en Seine-Saint-Denis. Selon la direction régionale de l’équipement, en 2016, seulement 50 % des enfants du 93 savaient nager à l’entrée au collège. Un plan piscine a été lancé en 2015 pour y remédier. L’agent des JO est un moyen budgétaire d’y contribuer.Déposé le 23 novembre, le permis de construire de la piscine est toujours en cours d’instruction. D’après le plan de masse, analysé par le collectif de défense des jardins des Vertus, ce sont le solarium et les saunas qui empiètent sur les parcelles. Le bassin de 50 mètres peut tenir sur des parkings attenants. Ses membres demandent la modification du plan afin de protéger les sols en culture. Mais la mairie compte faire exploiter la future piscine via une délégation de service public. Et selon Karine Franclet, « si la piscine n’avait qu’un bassin de nage, on ne trouverait pas de délégataire ». Dans le cahier des charges de Paris 2024, les critères exigés ne portent que sur la longueur et la profondeur des bassins. La dimension monumentale de l’équipement (« piscine et dépendances » se moque un acteur institutionnel) ne tient qu’à son modèle économique. 

C’est tout le paradoxe de ces formes mi-publiques mi-privées d’aménagement : portées par la puissance publique, elles franchissent toutes les étapes institutionnelles. Mais pour survivre, elles reposent sur le marketing et des politiques tarifaires détachées de l’intérêt général. Une recette gagnant-gagnant pour la bétonisation.

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Dans son rapport annuel de 2018, la Cour des comptes s’inquiète des déficits structurels des piscines publiques : « La gestion d’un centre aquatique public entraîne systématiquement un déficit de fonctionnement important. Aucune piscine examinée dans le cadre de l’enquête ne présente un résultat d’exploitation équilibré ou excédentaire ». Les coûts d’exploitation sont élevés, « liés aux consommations de fluides, aux frais de personnels et au fonctionnement continu de l’équipement ». Tandis que les recettes de billetterie sont limitées par l’exercice de mission de service public.
Ainsi, toutes les conventions de délégation de service public – le modèle annoncé par la mairie d’Aubervilliers – analysées par les chambres régionales des comptes prévoient une participation financière versée par l’autorité délégante au délégataire. Interrogée à ce sujet, la mairie d’Aubervilliers répond que « les coûts estimés de la future exploitation doivent être affinés, et ne sont à ce jour pas définitif ». Le seul futur loyer qu’elle annonce concerne le fonctionnement, sans les salaires des personnels si l’exploitation de l’équipement est déléguée à une société spécialisée : 1,7 million d’euros par an, soit plus que celui de l’actuelle municipale, autour de 1,4 million d’euros, précise Karine Franclet. À Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Spie-Batignolles construit une piscine très proche de celle d’Aubervilliers, également labellisée « JO », pour 34 millions d’euros avec un coût de fonctionnement d’1,5 million d’euros annuel, selon le Parisien. 

Le ticket d’entrée de son espace de balnéothérapie coûte 16 euros.

« Vous avez un rapport religieux à la nature ! »

A 33,6 millions d’euros hors taxes, la future piscine  d’Aubervilliers s’établit bien au-dessus du coût moyen d’un centre aquatique multifonctionnel, que la Cour des compte estime à 25 millions. La lecture des différents documents de la vente, obtenus par des habitant·e·s suite à la saisine de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), révèle que le montant validé par l’ancienne maire est supérieur d’1,3 million d’euros à celui qui figure dans l’acte d’engagement final (32,2 million d’euros). Un chiffre important qui peut correspondre à une « mise au point » agréée sans aucune justification comptable publique à ce jour. Dans le budget primitif 2021 de la ville, pour les équipements, le crédit le plus élevé est celui du centre aquatique du fort : 5,2 millions d’euros.

Dans une note interne envoyée au groupe communiste, obtenue par Mediapart, Anthony Daguet, ancien maire-adjoint et aujourd’hui conseiller municipal d’opposition, qui présida la commission d’appel d’offres qui a choisi la piscine du groupement Spie-Batignolles, explique que « l’État devrait continuer chaque année à mettre au pot. Le reste sera à la charge de la ville ». Et évoque potentiellement 8,5 millions d’euros à trouver. Interrogée sur ce point, la mairie d’Aubervilliers n’a pas répondu à notre question.

Face à cette ingénierie de BTP, de droits des contrats et de finances territoriales, quelle place les jardinier·e·s peuvent-ils trouver pour faire entendre leur colère de voir leurs cultures détruites par la giga-piscine ? Qui va les écouter expliquer le non-sens de « déplacer » des sols puisque ce sont des écosystèmes vivants où lombrics, semences et humus sont interdépendants ? Décrire la menace vitale pour un arbre que constitue son arrachage en vue de le replanter ailleurs. La perte irrémédiable que cause l’artificialisation d’un sol amendé pendant plusieurs années ou décennies.

Entre l’État, la ville et les défenseur·e·s des jardins, l’incompréhension et l’exaspération grandissent. Le 20 janvier, une réunion de présentation sur le réaménagement et les compensations des jardins par Grand Paris Aménagement – propriétaire du foncier – est perturbée, puis finalement empêchée, par plusieurs dizaines de personnes. Un couple dont la parcelle va être détruite par les travaux tente de convaincre Camille Vienne-Thery, directrice du projet de la ZAC du Fort d’Aubervilliers pour GPA, que déplacer un sol le tue. Sous la pluie qui commence à tomber, son vélo à la main, elle finit par lâcher : « Vous avez un rapport religieux à la nature ! » Elle reconnaît aussi que « le timing n’est pas parfait » puisque « on ne pourra pas reconstituer les jardins avant le chantier ». Mais garantit qu’à la fin toutes les parcelles seront rétablies. L’emprise de la piscine « a bien été dessinée par GPA. Mais c’est un projet partenarial. Tout le monde a fait ce choix ».

L’emprise du chantier du centre aquatique doit ensuite être récupérée par la société du Grand Paris pour les travaux de la future gare du métro (la ligne 15). Contactée par Mediapart, la SGP annonce que le futur chantier impactera environ 5 000 m² des jardins des Vertus, « dont une partie concerne l’infrastructure gare définitive pour quelques centaines de mètres carrés de jardins ». Et précise que le choix de cet emplacement est issu d’un arbitrage « prenant en compte le tissu local, les bassins d’emploi, les besoins du territoire en termes de dessertes en transports pour faciliter l’accessibilité aux emplois, aux universités et aux grands équipements régionaux de l’est-francilien ».
En ce début février 2020, le chantier n’a pas commencé. Le projet de piscine peut-il être encore arrêté ou modifié ? Non, répond Karine Franclet. « Un avenant n’est pas possible. » Pourquoi ? « Avec la Covid, on est déjà très limite dans les délais. » Du côté de la société de livraison des jeux (Solideo), la réserve est aussi forte : « Il y a des contraintes calendaires. Quoi qu’il arrive dans 35 mois c’est livré. Donc il y a des contraintes. Mais on a un ticket minoritaire dans la révision de cet ouvrage », explique Benoît Piguet, directeur des relations institutionnelles. Sollicitée par Mediapart, la préfecture de la Seine-Saint-Denis n’a pas répondu à notre question à ce sujet.

Selon la maire d’Aubervilliers : « Le marché a été signé le 30 juin, deux jours après mon élection. J’étais très en colère quand j’ai pris mes fonctions le 4 juillet : on parle de ce projet depuis 2015, il y avait trois ans pour mener une concertation. Ça n’a pas été fait. » Selon son estimation, il en coûterait 4,7 millions d’euros à sa commune si le contrat d’achat était cassé. Sollicités par Mediapart, les services municipaux précisent que ce chiffre « englobe la rupture du marché, ainsi que l’ensemble des études préalables APS [avant-projet sommaire – ndlr], APD [définitif – ndlr], indemnités de concours, études diverses… géotechniques, pollution… frais d’avocats… 
C’est tout ce qui a été engagé par l’ancienne équipe que le contribuable perdrait. »

Il faudrait pourtant distinguer les dépenses déjà effectuées des indemnités de résiliation, non encore versées. Or la clause prévue dans le cahier des clauses administratives particulières du marché conclu avec Spie-Batignolles est claire : « Le pouvoir adjudicateur peut à tout moment mettre fin au marché pour un motif d’intérêt général. » En ce cas, le titulaire du marché – Spie-Batignolles en ce cas – « aura droit au versement d’une indemnité fixée à 2,5 % du montant initial hors taxe du marché. » Soit environ 840 000 euros. C’est moins d’un quart du montant annoncé par la mairie d’Aubervilliers. Sollicité à ce sujet, Spie Batignolles n’a pas répondu à nos questions.

Les faux-semblants se multiplient dans ce drame urbain avivé par les enjeux du confinement, de l’épidémie de Covid, d’estimations alarmantes de Météo France sur le climat en 2100. Et en pleine redécouverte par des habitant·e·s de la capitale et de sa périphérie de l’importance des terres urbaines. L’atterrissage de la piscine « olympique » dans le quartier du fort d’Aubervilliers est l’aboutissement d’un ancien projet d’aménagement, prévu bien avant que Paris n’emporte l’organisation des Jeux de 2024. « C’est une friche de 36 hectares à 1,5 km du périph. Ne pas y construire de logements, sur du foncier public, c’est absurde », considère un acteur institutionnel chevronné.

Cet empilement d’acteurs publics et privés, ces temporalités qui s’entrechoquent –Paris 2024, métro du Grand Paris, élections municipales en 2020, régionales en 2021 – créent une opacité aux multiples effets pervers. Difficile d’identifier les autorités en charge des décisions d’aménagement. Impossible dans ces conditions de leur demander des comptes. Ce théâtre institutionnel laisse la voie grande ouverte aux groupes de BTP et de construction, premiers bénéficiaires de la métropolisation portée par le projet du Grand Paris.