Baisse drastique des salaires, pénuries, traitements hors de prix : cinq ans de crise ont mis à terre la santé publique du pays.
«Les Grecs n’ont pas peur de mourir. Mais ils flippent d’aller à l’hôpital», lâche Yannis, traits tirés, air soucieux, qui se grille une cigarette sur le perron de l’hôpital de Corinthe avec sa mère, Anna. Cuisinier à Athènes, il a pris un congé pour rendre visite à son père hospitalisé. Et pour prendre la relève de sa mère. «Je n’ai pas bougé d’ici depuis que mon mari a été admis aux urgences, il y a deux jours, dit Anna, épuisée. C’est une obligation de rester au chevet des malades.» Elle raconte la mésaventure arrivée la veille au voisin de chambre de son mari. L’infirmière de jour a ôté à cet homme âgé l’oxygène qu’un médecin lui avait installé. «Le monsieur n’a personne avec lui. Il a fallu plusieurs heures avant que l’infirmière de nuit lui remette…» Et de poursuivre : «Hier, nous avons attendu l’ORL pendant trois heures. En vain. Il était absent, il n’était pas remplacé, personne ne le savait. Mon mari n’a donc pas été examiné.» La raison de ces dysfonctionnements en chaîne : «Le manque de personnel», répond Anna sans hésiter.
L’exode des médecins
Une récente étude de la Fédération panhellénique des travailleurs des hôpitaux publics (FPTHP) déplore ainsi un personnel infirmier «trop rare», «âgé» et atteint «d’importants problèmes de santé». Avec 35% des postes inoccupés, «il existe des risques d’erreur dans les soins infirmiers car chaque personne a en charge quarante lits», s’inquiète le rapport. L’hôpital de Corinthe illustre cruellement cette situation. Il devrait compter, raconte sa directrice, Dimitra Kalomiri, «84 postes de médecins et 306 d’infirmiers». Mais, déplore-t-elle, «seules 60 places de médecins et 197 d’infirmiers sont pourvues». Même litanie dans les hôpitaux d’Athènes.
Dans la capitale grecque, à Evangelismós – le plus grand établissement de Grèce et des Balkans -, comme le souligne sa directrice, Nagia Goulaki-Mitsaki, «259 postes de médecins et 240 d’infirmiers sont vacants» sur quelque 2 100 postes. La Grèce assiste, impuissante, à un exode de ses médecins. Depuis 2009, 18 000 ont fui le pays. La faute à la crise sans fin, aux coupes budgétaires, bien sûr, et à la chute vertigineuse des salaires : -45% en moyenne. La plupart ont migré en Allemagne ou au Royaume-Uni. Et l’avenir s’envisage avec pessimisme car la relève n’est pas assurée. La Grèce manque d’internes ou de médecins en cours de spécialisation. Quant aux quelques recrutements, ils sont précaires et mal rémunérés.
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