Contre la brutalité de l’extrême droite, l’écologie des petits matins

Par Jade Lindgaard

Vous habitez en France et vous vous réveillez un matin de 2034. Vous préférez vivre dans un pays où :

A/ Les voitures à essence et diesel roulent sans contrainte. La pollution de leurs pots d’échappement continue de s’incruster dans les poumons des enfants, dans les artères des personnes âgées et le placenta des femmes enceintes.

Les logements très mal isolés sont toujours sur le marché, et leurs locataires précaires continuent d’arbitrer entre le froid l’hiver ou l’endettement à cause du coût du chauffage.

Des petits réacteurs nucléaires sont installés partout pour faire tourner les usines et l’été, il faut rationner l’électricité à cause de l’arrêt des centrales, bloquées par la hausse de la température des rivières.

B/ Les transports publics sont gratuits pour les jeunes et les précaires. Peu à peu, les petites gares rurales réouvrent. Entre Castres et Toulouse, grâce à une nouvelle voie de TER, on peut se déplacer en trente minutes. L’ancien chantier de l’A69 est devenu un territoire inconstructible où les zones humides protègent la ressource en eau.

Ailleurs en France, la régulation du prix du foncier aide les petits agriculteurs à s’installer. Les fermes bios bénéficient de la garantie de vendre leurs produits à la restauration collective. Des régies publiques locales participent à un service public de l’eau.

En Martinique et en Guadeloupe, les victimes de la chlordécone bénéficient d’une prise en charge médicale. En Polynésie, l’État répare la pollution radioactive de ses essais nucléaires.

C/ C’est la même chose qu’aujourd’hui, en pire. Car en dix ans, le dérèglement climatique s’est aggravé.

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Le climat et la pollution ne sont pas les principales raisons de s’opposer au Rassemblement national (RN) et à Reconquête. C’est leur racisme, leur politique discriminatoire assumée et la brutalité inégalitaire de leur vision du monde social (travail, école, logement) qu’il faut combattre pied à pied.

Mais l’écologie est un catalyseur, et un marqueur du gouffre qui sépare l’extrême droite et la gauche écologiste.

Le monde du scénario A est, bien sûr, celui du programme du RN. L’option C, correspond à celui de la Macronie.

Le B puise ses exemples dans celui du Nouveau Front populaire (NFP). Ils ne sont pas spectaculaires. Ce n’est pas l’écologie du grand soir. Plutôt un monde de patient travail à l’écoute du monde, au gré de réunions de comités de bassin sur la ressource en eau et d’assemblées de parents pour des alternatives végétariennes à la cantine. L’écologie des groupements d’achats de légumes bios et d’épiceries solidaires.

Celle des jardins ouvriers et familiaux où on se relaie pour arroser les parcelles de la jardinière qui s’est blessée et doit rester chez elle. Celle de la transmission des fermes à des paysans migrants venus de la mer. Des voisin·es réunissant des pédibus pour aller à l’école et qui s’entraident quand un parent doit se rendre à un rendez-vous avec France Travail. Des bifurqueuses qui quittent les bullshit jobs de la pub pour devenir professeures des écoles. Des glaneurs et glaneuses de plantes sauvages qui cueillent dans la périphérie des villes de quoi créer des tisanes médicinales.

L’écologie des simples et des modestes, de l’action quotidienne et collective, du souci climatique et de la solidarité inconditionnelle. Celle qui garde l’œil ouvert sur les écocides et ancre ses pieds dans les galères de son quartier ou de son village.

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L’écologie populaire des petits matins contre la brutalité réactionnaire de l’extrême droite.

(Mediapart)

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