5 août 2020
Une explosion catastrophique dans le port de Beyrouth a meurtri la ville et risque d’avoir les conséquences dévastatrices sur le futur socio-économique de tout le pays du cèdre. Charbel Nahas, économiste et ex-ministre libanais du Travail, dresse un sombre tableau du futur immédiat du Liban, tout en fustigeant la politique gouvernementale.
Beyrouth compte ses morts et ses blessés dans un paysage de désolation, parmi les décombres des bâtiments soufflés par une double explosion monstre sur le port, survenu le 4 août. Mais c’est tout le pays qui est au chevet de son économie, qui s’enfonce encore plus dans la crise.
Charbel Nahas, économiste et ancien ministre libanais des Télécommunications et du Travail, estime au micro de Sputnik que « tout le système politico-économique qui s’est mis en place depuis la guerre civile, depuis 30, 40 ans, s’est effondré brutalement ».
« Il y a une phase de transition qui s’ouvre, puisque les gens sont désemparés et la catastrophe d’hier ne fait qu’aggraver ce sentiment de crainte et de peur », soutient l’expert.
Pour l’homme politique, prendre ses responsabilités dans « ces moments historiques » consiste à essayer de proposer une alternative à « quelque chose qui est tombé ».
« Nous estimons que l’héritage de la guerre, qui nous a donné une sorte de “coopérative” de chefs de guerre communautaires, ne peut plus répondre aux besoins les plus évidents de la sécurité de gens », assure Charbel Nahas.
Il fait état d’« une confrontation politique majeure » actuellement au Liban entre cette « coopérative des chefs, complètement impuissants », qui ne peuvent prendre aucune décision « en dehors de leur configuration communautaire », dans les domaines les plus variés.
Le Liban dans l’impasse
Des blocages qui touchent aussi bien les répartitions des pertes, la politique fiscale, les relations extérieures : ces chefs communautaires, « par leur simple présence, bloquent toute possibilité de traitement rationnel ».
« Leur présence représente un danger, parce que c’est la société qui devient la variable d’ajustement », souligne Nahas.
L’homme politique assure qu’au Liban, il est nécessaire à réussir mettre en place un gouvernement dont la légitimité ne dépendait pas des communautés de la guerre, mais qui « aurait une légitimité laïque et qui prendrait en compte la société dans sa réalité ».
« La catastrophe d’hier démontre encore une fois l’impasse des six chefs communautaires, sans parler de la façade ridicule représentée par le gouvernement pseudo-technocrate qui n’a aucun intérêt », avance le spécialiste.
Les experts sont d’avis que dans un contexte économique libanais fragilisé depuis longtemps, la crise sanitaire liée au Covid-19 pourrait avoir des répercussions dramatiques. Mais pour M. Nahas, la crise sanitaire, « un vaste sujet qui touche le monde entier », est manipulée au Liban, « principalement pour faire peur aux gens et les empêcher de descendre dans la rue. »
« Nous vivons un effondrement de tout le système et non juste une crise financière technique. Tout l’appareil du pouvoir dysfonctionnait et la catastrophe d’hier le montre malheureusement de façon très claire », conclut Charbel Nahas.