7 Noiembrie 2019
Chisinau Forum III
Arnaud Develay, avocat international, barreaux de Washington et de Paris
Bonjour à toutes et à tous et merci de vous être déplacé(es) si nombreux(ses) afin de venir à CHISINAU pour prendre le temps d’échanger avec nous.
Je tiens particulièrement à remercier mon ami et camarade IURIE ROSCA pour son accueil toujours des plus chaleureux.
Le Forum de CHISINAU a vocation à rassembler ceux d’entre-nous qui sommes soucieux d’entretenir la flamme de la souveraineté dans nos pays respectifs.
18 ans après les attentats du 11 septembre 2001, le léviathan mondialiste est plus que jamais déterminé à accélérer le processus visant à démanteler l’ordre international hérité de la Seconde Guerre mondiale.
Réalisant que l’opération d’hypnose déployée auprès des populations sidérées au travers de ses media de masse semble échouer de par ses contradictions internes, les tenants du mondialisme à marche forcée ont lancé un assaut sans précédant sur les règles de droit international qui malgré ses déficiences garantissaient une certaine stabilité, laquelle s’en est trouvée particulièrement amoindrie dès lors que la fenêtre d’opportunité a commencé à se refermer sur le moment unipolaire une décennie à peine après la Chute du Mur de Berlin.
En bref, ce qui selon Fukuyama devait être la fin de l’Histoire et le triomphe du libéralisme a laissé place à une spoliation visant à paupériser des millions d’individus qui constituaient ce que nous avons coutume d’appeler les classes moyennes.
Cette entreprise de destruction systématique n’a cependant pu être rendue possible qu’au travers d’un démantèlement systématique de l’architecture juridique et donc politique qui constituait la pierre de voute de la souveraineté des nations.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
En réponse à la question tendant à lui demander ce qu’il considérait comme la pire catastrophe du XXème Siècle, l’actuel Président de la Fédération de Russie avait répondu sans hésiter : « L’effondrement de l’Union Soviétique. »
Le Président POUTINE avait compris que seul l’existence d’un rapport de force équilibré entre les grandes puissances rend possible le respect des règles de droit international.
Dans ce contexte de tensions servant de garde-fou, il devint possible de donner tout son sens au principes élémentaires du droit international public encapsulés par les deux piliers que représentent les doctrines dites de PACTA SUNT SERVANDA et OPINIO JURIS.
La doctrine de PACTA SUNT SERVANDA met l’accent sur le respect de la parole donnée afin que l’accord, qu’il soit bilatéral ou multilatéral, soit respecté en chacune de ses provisions mais aussi dans son esprit par toutes les parties contractantes.
La Convention de Vienne sur les Relations diplomatiques et consulaires entre Etats-Nations est un parfait exemple de l’application de cette doctrine.
Il ne viendrait pas à l’idée d’un Etat partie à la Convention de violer par exemple les dispositions portant sur l’immunité diplomatique accordée au personnel consulaire nonobstant le caractère sérieux d’un délit portant sur des faits sérieux commis par ladite personne. Une telle démarche exposerait ledit Etat à ce que ses propres employés soient eux-mêmes assujettis à la violation de leur immunité l’étranger.
Le principe de réciprocité est donc central dans le respect des obligations découlant de tout accord entre les Parties contractantes et agit de facto comme le régulateur de l’effectivité des accords internationaux.
Parce que ces règles implicites de réciprocité sont passé dans le domaine des usages, il n’est pas nécessaire de les inscrire au titre du droit positif.
Le deuxième pilier est constitué par la doctrine dite d’OPINIO JURIS.
Le droit international coutumier est constitué de deux éléments : 1) la pratique internationale régulière et générale des États; et, 2) l’acceptation subjective de la coutume comme source de droit par la communauté internationale
Pour qu’un traité multilatéral puisse avoir force de droit, il convient que toutes les Parties-Contractantes, mais aussi celles n’ayant pas nécessairement adhéré au traité.,s’accordent sur l’interprétation qui doit prévaloir dans le traitement de la thématique du texte eut égard aux droit coutumier existant.
Cette doctrine revêt un caractère d’autant plus important qu’il existe des cas ou le droit international positif des traités ne prévoit rien et/ou dans lesquels il n’existe pas de décisions sur le sujet.
Cet état de vide juridique dit « NON LIQUET » a souvent servi de matrice à des pratiques étatiques qui dans leur applications se sont inscrits en porte-à-faux avec des principes connexes pourtant eux-mêmes parfaitement balisés par le consensus au cœur du principe d’OPINIO JURIS.
C’est le cas par exemple de la doctrine dite du « combattant ennemi ».
Suite aux attaques du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont initié leur soi-disant Guerre contre le Terrorisme.
Agissant en tant qu’hégémon sans rival, le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique a décrété que les Conventions de Genève n’avaient pas vocation à s’appliquer à des individus agissant en dehors de tout cadre étatique, ne portant aucun uniforme distinctif et ne respectant pas eux-mêmes les règles de la guerre conventionnelle.
Cette doctrine vit le déclenchement d’une série de violation du droit humanitaire et de la personne en général, notamment eu égard aux droits accordés à quiconque de pouvoir bénéficier d’un procès en bonne et due forme, ainsi que de pouvoir préparer une défense en ayant accès aux éléments de preuves à charge.
Certaines confessions ont par ailleurs été obtenues sous la torture ainsi que révélé par l’actuel Directrice du Renseignement US, laquelle a participé au sessions d’interrogatoires.
Dans le prolongement de ces violation du droit dit JUS COGENS, WASHINGTON a mis en place des protocoles d’enlèvements de suspects dans le cadre des « Redditions extraordinaires ».
Ces opérations menées par les services de renseignement ont souvent fait l’objet de critiques acerbes de par le fait qu’elles étaient mises en œuvre en violation totale de la souveraineté des Etats dont certains étaient considérés comme alliés.
Cette fuite en avant dans le non-respect du droit international une fois initiée est souvent très difficile à stopper.
Les dégâts sont en toute hypothèse irréversibles quant au rétablissement du statut quo ante.
Pire, parce que les violations sont commises par un Etat puissant (Membre Permanent du Conseil de Sécurité, et Membre Fondateur des Nations-Unies), c’est toute l’architecture du droit international dans son incarnation onusienne qui s’en retrouve discréditée
Les conséquences de cette période de délinquance assumée a engendré beaucoup de violations par des Etats qui ne se sont quant à eux jamais considéré être investi d’une destiné manifeste mais qui ont su utiliser à leur avantage ce précédent pour justifier à leur tour la commission de violations à l’encontre de leurs propres citoyens.
C’est dans ce contexte qu’il faut aujourd’hui analyser le retrait unilatéral des Etats-Unis de l’Accord sur le Nucléaire Iranien malgré son adoption par une résolution adoptée par le Conseil de Sécurité.
C’est aussi dans ce contexte qu’il convient de comprendre comment l’opération d’intoxication à grande échelle concernant aussi bien l’Irak, que la Libye et plus récemment la Syrie ont pu être exécutées sans que les agences onusiennes ne puissent faire leur travail de vérification.
C’est enfin dans ce contexte qu’il nous faut comprendre comment le régime de non-prolifération nucléaire a pu se retrouvé complètement démantelé en à peine deux décennies, à commencer par le retrait unilatéral de l’Administration BUSH du traité ABM de 1972 en décembre 2001 et plus récemment celui de l’Administration TRUMP du Traité INF, pour Intermediate Nuclear Forces Treaty
Le retrait unilatéral de ce dernier par Washington rétablit l’usage d’armes stratégiques sur le continent Européen.
Il est à souligner que la concentration des media entre les mains de quelques entités souvent liées aux usines d’armement a grandement facilité cette marche forcée vers le désordre actuel.
L’opinion publique n’est plus informée et les grandes manifestations de 1983 contre l’installation des missile PERSHING en Allemagne Fédérale semblent aujourd’hui comme relevant du fantasme.
Près de 20 ans après les attaques du World Trade Center, le contexte de sécurité internationale n’a jamais été aussi fragilisé.
Je vous remercie pour votre attention.