Interdiction de manifester dans certaines villes ; dispositif répressif comparable à celui du 8 décembre ; mise en garde de Castaner à l’ensemble des manifestants qui seront tenus comme « responsables et complices » des potentiels casses, le gouvernement, considérablement affaibli et en difficulté, joue le tout répressif pour tenter de minimiser l’ampleur de l’acte 9. Dans ce contexte, plusieurs sections syndicales appellent à rejoindre et converger avec les Gilets Jaunes, à l’instar de la CGT Paris.
11 janvier 2019
L’acte 8 des Gilets Jaunes a mis un véritable revers au gouvernement et à ses aspirations. En effet, alors que ce dernier faisait le pari d’un affaiblissement du mouvement pour passer à la case Grand Débat, l’acte 8 a au contraire marqué un regain de mobilisation, les effectifs étant plus massifs que lors des précédentes manifestations. Quant à la colère, la radicalité, celles-ci n’ont pas faibli d’un pouce. Dans la continuité de l’acte 8, l’affaire de Christophe Dettinger et l’impressionnant soutien qu’il a reçu – qui a soufflé comme un vent de panique au sein de l’exécutif, à tel point que la cagnotte de soutien a été, sous pression du gouvernement, fermée a démontré une nouvelle fois l’ampleur de la crise ouverte et de la détermination des Gilets Jaunes qui veulent davantage que des miettes.
Face au pari raté de la semaine dernière, et voyant que la tendance qui s’exprime chez les Gilets Jaunes est loin d’être celle d’un retour dans le rang, le gouvernement adopte aujourd’hui une ligne ultra répressive. Ainsi, après l’annonce d’une nouvelle loi liberticide visant à restreindre le droit à manifester, des interdictions de manifester ont été mises en place dans certaines villes, notamment à Bourges et à Reims. Le gouvernement a également décidé de redéployer les grands moyens, convoquant un dispositif policier comparable à celui du 8 décembre dernier. Ainsi, ce sont pas moins de 80 000 policiers et gendarmes qui seront déployés sur l’ensemble du territoire ; les véhicules blindés de l’armée et les canons à eau feront quant à eux leur retour en force. Les forces de polices ont également pour consigne « d’être plus mobiles et d’aller plus facilement au contact ». Une quarantaine de commissariats et le dépôt de l’ancien Palais de justice ont également été réquisitionnés pour permettre 1000 gardes à vues à Paris si besoin.
Des mesures qui inquiètent d’autant plus au vu de la mise en garde effectuée par Christophe Castaner ce vendredi à l’égard des Gilets Jaunes : « Ceux qui viennent manifester dans des villes où il y a de la casse qui est annoncée savent qu’ils seront complices de ces manifestations-là (…) Ils ont leur part de responsabilité ». Un pas de plus vers la fuite en avant liberticide et répressive du gouvernement et les atteintes contre le droit de manifester.
De plus en plus acculé et mis en difficulté par le mouvement des Gilets Jaunes, le gouvernement joue alors la carte du retour à l’ordre, essayant coute que coute de retrouver le cours normal des choses et tente de revenir au Macron des origines, bulldozer des contre-réformes. Et on l’on voit revenir le mépris de classe habituel et à ses petites phrases cinglantes : « Trop de français n’ont pas le sens de l’effort », ce qui explique en partie les ’troubles’ que connait le pays » : assénait ainsi Macron hier soir. Celui-ci cherche par là-même à réendosser les habits de l’arrogance jupitérienne qu’il avait mis sous le boisseau.
Stratégie calculée ? Retour du refoulé ? Dans tous les cas, la stratégie du gouvernement est à double tranchant. D’autant plus que plusieurs indicateurs indiquent une mobilisation plus forte encore que la semaine dernière. En cas de nouveaux débordements, l’édifice pourrait s’écrouler bien rapidement. Cela démontrerait au grand jour la supercherie du comptage du gouvernement qui annonce 80.000 policiers sur un base de 50.000 manifestants, soit un ratio de 1,6 pour 1 ; mais surtout l’incapacité de celui-ci à imposer un retour à l’ordre. Ces derniers jours, les chiens de garde, dans les médias et sur les plateaux télé, ont monté le ton. La mobilisation des Gilets Jaunes, si elle inquiétait fortement jusqu’ici, commence à devenir un cauchemar dans les plus hautes sphères du pouvoir. Acte 8 et toujours la même impuissance du pouvoir malgré les mensonges répétés et les mutilations au flashball. Et surtout, un taux de soutien qui se maintient autour des 60% de la population.
Autre sujet d’inquiétude – et pas de moindre – c’est la jonction opérée, timidement et partiellement, par des secteurs du monde ouvrier, et ce malgré l’attitude capitularde des directions – à l’exception de Solidaires qui appelle à rejoindre les Gilets Jaunes ce samedi. Ainsi, suite à des décisions prises en Assemblée Générale, une journée d’action d’interpellation des directions syndicales pour exiger la mise en œuvre d’un plan de bataille à même de transformer le rapport de force actuel, à travers la grève, a été organisée, notamment à Montpellier, Toulouse, Lille, Narbonne. A Toulouse, l’UD 31 CGT a dès lors acté que leur cortège allait rejoindre celui des Gilets Jaunes lors de l’acte 9. A été également acté la construction, tous ensemble, d’une grève le 17 janvier lors de la venue de Macron.
Dans la capitale, la fédération de Paris de la CGT appelle à « rejoindre les Gilets Jaunes ». Cependant le rassemblement est appelé à Hôtel de Ville à 11h, bien loin des cortèges Gilets Jaunes. Mais c’est une première pour une fédération de cette taille. Et cela montre que la pression à la base, de ces nombreux cégétistes qui ne comprennent pas – à juste titre – l’attitude de Martinez, commence à se faire sentir. Il faudra certes voir les chiffres de mobilisation ce samedi et les suites. Mais ces premiers éléments de rupture du cordon sanitaire imposée par les directions syndicales constituent une inflexion notable de la situation. Il y avait comme un parfum de Mai 68, il y a maintenant l’odeur de la grève générale qui pointe le bout de son nez. Un frémissement, certes, mais qui s’il se concrétisait, modifierait brutalement le rapport de forces et la situation politique. Amplifier ou freiner le mouvement, être du côté des Gilets Jaunes ou du gouvernement : c’est la responsabilité qui pèse aujourd’hui sur les directions syndicales.
Crédits photo : Bertrand GUAY / AFP