Comment Trotsky explique la soumission européenne aux USA

Par Nicolas Bonnal

29 Septembre 2016

Depuis quand, et pourquoi, sommes-nous ainsi soumis aux américains ? Voyons un maître pour comprendre la situation.

Contrairement à ses disciples archéo-crétins ou néocons, Léon Trotsky est souvent irréprochable sur le terrain de l’analyse: voyez ce qu’il dit de Léon Blum dans son journal! Sur l’actuelle soumission de l’Europe, on peut lire ces lignes prononcées en juillet 1924:

« Le capital américain commande maintenant aux diplomates. Il se prépare à commander également aux banques et aux trusts européens, à toute la bourgeoisie européenne. C’est ce à quoi il tend. Il assignera aux financiers et aux industriels européens des secteurs déterminés du marché. Il réglera leur activité. En un mot, il veut réduire l’Europe capitaliste à la portion congrue… »

Trotsky confirme une balkanisation de l’Europe voulue par les USA:

« Déjà, dans les thèses pour le 3e congrès de l’I. C., nous écrivions que l’Europe est balkanisée. Cette balkanisation se poursuit maintenant. »

L’Europe n’est plus l’Europe depuis Versailles en 1919. Et contrairement au général De Gaulle qui pensait que la Russie trahissait sa race, Trotsky comprend que c’est l’Amérique des banquiers humanitaires qui trahira sa race:

« Dès qu’elle sera en guerre avec l’Angleterre, l’Amérique fera appel aux centaines de millions d’Hindous et les invitera à se soulever pour défendre leurs droits nationaux intangibles. Elle agira de même à l’égard de l’Égypte, de l’Irlande, etc. De même que, pour pressurer l’Europe, elle s’affuble maintenant du manteau du pacifisme, elle interviendra, lors de sa guerre avec l’Angleterre, comme la grande libératrice des peuples coloniaux. »

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C’est la destruction des empires coloniaux expliquée par Roosevelt à de Gaulle pendant la guerre. Puis on produit les guerres du Vietnam, de Libye, de Syrie ou du Kosovo.Trotsky comprend aussi que chaque invocation religieuse à l’abaissement des tarifs douaniers sert un mot d’ordre plus obscur:

« L’histoire favorise le capital américain: pour chaque brigandage, elle lui sert un mot d’ordre d’émancipation. En Europe, les États-Unis demandent l’application de la politique des “portes ouvertes”… Mais, par suite des conditions spéciales où se trouvent les États-Unis, leur politique revêt une apparence de pacifisme, parfois même de facteur d’émancipation. »

John Hobson, socialiste britannique cité par Vladimir Lénine, indique lui en 1902 que le meilleur alibi de l’impérialisme est l’humanitarisme. Ah, les révolutions orange! Organiser un coup d’Etat au nom des ONG et des idées démocrates! Et mettre ensuite aux pas les opposants, et en prison les Lula! Bombarder par amour!

Trotsky affirme que le meilleur allié des Etasuniens dans cette infecte inféodation des Européens n’est jamais la droite, quelque couards et stupides que puissent être ses politiciens! Non, le meilleur allié du ploutocrate américain, c’est la gauche, c’est la social-démocratie. Et c’est Le Révolutionnaire du siècle passé qui l’écrit:

« Pendant ce temps, l’Amérique édifie son plan et se prépare à mettre tout le monde à la portion congrue… La social-démocratie est chargée de préparer cette nouvelle situation, c’est-à-dire d’aider politiquement le capital américain à rationner l’Europe. Que fait en ce moment la social-démocratie allemande et française, que font les socialistes de toute l’Europe? Ils s’éduquent et s’efforcent d’éduquer les masses ouvrières dans la religion de l’américanisme; autrement dit, ils font de l’américanisme, du rôle du capital américain en Europe, une nouvelle religion politique. »

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Nous sommes toujours en plein rationnement et en pleine religiosité étasunienne grâce à Goldman-Barroso et au PS. Et Trotsky ponctue, avec ce bel élan lucide qui faisait bouger des masses populaires depuis bien anesthésiées:

« En d’autres termes, la social-démocratie européenne devient actuellement l’agence politique du capital américain. Est-ce là un fait inattendu? Non, car la social-démocratie, qui était l’agence de la bourgeoisie, devait fatalement, dans sa dégénérescence politique, devenir l’agence de la bourgeoisie la plus forte, la plus puissante, de la bourgeoisie de toutes les bourgeoisies, c’est-à-dire de la bourgeoisie américaine. »

43% des milliardaires mondiaux sont américains en 2015. Avec 50% de la capitalisation mondiale (pour 14% du PNB!), Wall Street mène le bal à sa guise, aussi bien à Paris qu’à Berlin ou à Sao Paulo.

Enfin sur la culture de la dette, je trouve ces lignes amusantes:

« La politique européenne de l’Amérique est entièrement établie sur le principe de la dette. Allemagne, paye à la France; Italie, paye à l’Angleterre; France, paye à l’Angleterre; et tout le monde, payez-moi!Voilà ce que dit l’Amérique. Cette hiérarchie des dettes est une des bases du pacifisme américain. »