L’État français persiste et signe dans son hostilité à l’autodétermination du peuple sahraoui. Seulement six mois après la reconnaissance par Macron de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, Rachida Dati s’y est rendue en visite officielle et y a inauguré un institut de cinéma, avec le soutien du CNC.
Inès Rossi
22 février, 2025
La visite de Rachida Dati est une première : jamais un ministre français ne s’était rendu en déplacement officiel au Sahara occidental — ou plutôt « provinces du Sud », comme disent les autorités marocaines. Une expression allégrement reprise par la ministre de la Culture tout au long de sa visite, symbole supplémentaire du soutien de la France à l’occupation de ce territoire par le royaume marocain.
L’État marocain ne s’y trompe pas : « C’est la première fois qu’un responsable du gouvernement français visite les provinces du Sud du royaume. C’est une confirmation du soutien de la France – qui est un membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU – à la marocanité du Sahara », se félicite Mohamed Mehdi Bensaid, homologue marocain de Rachida Dati.
La ministre est un soutien historique du régime marocain sur la question sahraouie : avant d’être nommée au gouvernement par Macron et alors qu’elle était encore membre des Républicains, il y a deux ans, elle avait affirmé sa position sans équivoque avec Eric Ciotti lors d’un entretien au journal marocain Telquel : « Nous reconnaissons la souveraineté du Maroc sur le Sahara ». Position sur laquelle Macron s’est aligné depuis.
Quand la culture est au service de l’impérialisme français
La visite de l’ancienne Garde des Sceaux s’inscrit dans une logique de renforcement de l’impérialisme français et de légitimation de l’occupation du Sahara occidental au travers de partenariats avec le secteur de la culture. Lors de son déplacement, la ministre a annoncé l’inauguration à Dakhla, ville du Sahara occidental, d’une antenne de l’Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel et du cinéma marocain, avec le soutien du CNC, ou encore la création d’une Alliance Française à Laâyoune, autre ville sahraouie, pour « promouvoir la langue et la culture » française.
Ce n’est pas un hasard si cette visite diplomatique était placée sous le signe de la culture, qui a toujours été un secteur clé pour l’impérialisme français, base d’un soft power à la française. Qu’il s’agisse de faire construire une extension du musée du Louvre à Abu Dhabi ou d’empêcher les artistes sahéliens de se produire en France en réponse au coup d’Etat au Niger, l’Etat français mobilise ses institutions culturelles pour renforcer ses relations avec d’autres puissances et pour délégitimer celles qui remettent en question ses plans impérialistes. Au Maghreb et tout particulièrement au Maroc, l’implantation d’un réseau culturel d’instituts français (tels que l’Alliance française fraîchement inaugurée à Laâyoune) participe de la mainmise continuée de la France sur ses anciennes colonies, recouverte du voile de la neutralité offert par la culture, un véritable « culture washing » des rapports coloniaux.
Un cadeau au régime marocain en échange de contrats lucratifs
La visite de Rachida Dati s’inscrit dans la continuité du soutien de la France au régime marocain. En effet, Emmanuel Macron a annoncé en juillet 2024 appuyer la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, revirement historique alors que le Maroc occupe depuis 1975 près de 80% du territoire sahraoui avec la complicité des puissances impérialistes et de l’ONU. La France a donc rejoint les États-Unis et l’Espagne, les deux seuls autres pays occidentaux qui soutiennent la marocanité du Sahara occidental, faisant fi des droits du peuple sahraoui qui revendique son indépendance à l’égard du Maroc depuis près d’un demi-siècle, après presque un siècle de domination espagnole.
Un repositionnement qui s’explique par la volonté pour la France de ménager le régime marocain, partenaire privilégié en matière de contrôle et répression des flux migratoires, et allié économique important, sur les plans énergétique, industriel et militaire. La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental a, en effet, été massivement récompensée, lors d’une visite de Macron en octobre 2024, où le président a signé une quarantaine d’accords économiques et diplomatiques avec la couronne, qui représentent 10 milliards d’euros de contrat pour les capitalistes français. Contre l’utilisation purement réactionnaire des institutions culturelles, il est fondamental de revendiquer le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui face au royaume marocain oppresseur et ses alliés impérialistes.
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