MAGA contre MAGA

Par Ignacio Ramonet
22 janvier 2025

Abrégé en MAGA, le slogan Make America Great Again ! est la devise politique accrocheuse qui identifie Donald Trump et ses partisans. Inspiré d’un slogan très similaire de Ronald Reagan et répété lors des campagnes victorieuses de 2016 et 2024, MAGA est devenu populaire en tant que marque agressive, sur des casquettes rouges explosives qui attirent l’attention et que tous les fans du magnat républicain arborent.

MAGA est un cri de ralliement, celui d’un puissant mouvement politique qui est presque en train de remplacer le parti républicain traditionnel. Avec une idéologie ultra-conservatrice spécifique et le projet de ressusciter le « rêve américain » au sens le plus réactionnaire.

MAGA, c’est aussi l’expression du nationalisme blanc américain. La nostalgie de l’époque où une Amérique d’origine européenne, anglo-saxonne et majoritairement protestante définissait l’identité américaine.

MAGA, c’est aussi la rhétorique du mensonge comme argument de déstabilisation. L’utilisation systématique, via les réseaux sociaux, de la communication de masse pour attaquer et ensevelir l’adversaire sous une avalanche de fake news, de faits alternatifs et de post-vérités…

MAGA est, en somme, une idée folle de retour en arrière : un projet de néo-impérialisme, de suprémacisme, de restauration coloniale monroïste… Bref : un danger pour la démocratie et pour les peuples du monde.

Il faut le reconnaître : d’un point de vue communicationnel, MAGA – quatre lettres qui en disent long – est le plus grand succès publicitaire depuis l’invention de la publicité politique.

C’est pourquoi je propose que, dans une opération de guérilla sémiologique, nous détournions à notre profit la formidable énergie de MAGA. Et que, par un effet boomerang, nous renvoyions à l’adversaire, avec plus de force, son propre message.

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Comment ?En en détournant le sens et en opposant notre propre MAGA à celui de Trump.
Et quel est notre MAGA ? Celui composé des initiales de quatre héros inoubliables de la démocratie et de la liberté – Mossadegh, Arbenz, Goulart, Allende – victimes précisément de ce néo-expansionnisme américain que Donald Trump appelle MAGA sur ses casquettes. Ce MAGA n’est donc pas un projet de restauration impérialiste, mais un signe indélébile de leurs crimes.

Le M de notre MAGA est celui de Mohammed Mossadegh, le Premier ministre démocratiquement élu de l’Iran, que la presse occidentale a diabolisé et présenté comme un « fou furieux » et un « danger pour le monde ». Le 19 août 1953, alors que l’Iran est déjà sous blocus de Londres et de Washington en raison de la nationalisation de son pétrole, un coup d’État – l’opération Ajax – organisé par la CIA renverse Mossadegh, un démocrate et un patriote.

Le premier A de notre MAGA est celui de Jacobo Arbenz. Au Guatemala, en 1954, la société américaine United Fruit Company possède plus de 50 % des terres arables, mais n’en exploite que 2,6 %. Semi-esclaves, les paysans recevaient un salaire de misère. Le général Arbenz, président élu lors d’élections démocratiques, promulgue une réforme agraire.
Les Etats-Unis et tous les médias occidentaux le diabolisent, l’accusant d’être un « agent du communisme international ».Avec la complicité de la CIA, Washington organise un coup d’État et, le 27 juin 1954, renverse le président Arbenz, un démocrate et un patriote.

Le G de notre MAGA est celui du président Joao Goulart. Au Brésil, Goulart avait été élu démocratiquement. À peine entré en fonction, il annonce une réforme agraire et la nationalisation des raffineries de pétrole. Immédiatement, la presse financée par la CIA diabolise Goulart, tandis que Washington organise un coup d’État militaire. Le 31 mars 1961, le président Goulart, un démocrate, un patriote, est renversé.

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Le deuxième A de notre MAGA est celui de Salvador Allende. À Santiago du Chili, en 1970, Allende remporte l’élection présidentielle. Il procède immédiatement à une nationalisation historique du cuivre et des banques, lance une réforme agraire et met en œuvre d’innombrables mesures sociales. Ni la droite ni Washington ne l’acceptent. Les médias, suivant un programme conçu par la CIA, le diabolisent. Le 11 septembre 1973, avec la complicité d’officiers traîtres, Washington organise un coup d’État et renverse le président Allende, un démocrate, un patriote.

Chaque fois que nous verrons le sigle MAGA sur une casquette rouge, pensons à notre MAGA, à Mossadegh, Arbenz, Goulart et Allende, les quatre héros de la liberté. Entre 1953 et 1973, le destin de ces quatre grands leaders démocratiques a été très représentatif de bien d’autres expériences démocratiques en Amérique latine, en Afrique, en Asie et même en Europe, écourtées avec un cynisme infini, à base de campagnes mensongères, par l’impérialisme américain décomplexé et féroce que Donald Trump veut rétablir, au nom de la liberté….

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