L’interview de Nicolas Maduro par Ignacio Ramonet janvier 2025

Jan 7, 2025

Ignacio Ramonet : Monsieur le Président, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter une bonne année.

Le Président de la République bolivarienne du Venezuela,

Nicolás Maduro :

 Merci.

Ignacio Ramonet :

Et, d’autre part, je voudrais vous remercier d’avoir accepté de donner cette interview, qui est l’interview numéro 10, depuis que nous avons commencé ces rencontres de début d’année, devenues un classique. La semaine dernière, un article est paru en France, par exemple dans un hebdomadaire, avec un article contre moi et en particulier axé sur le fait que je suis le journaliste qui vous interviewe tous les premiers de l’année.

Nicolás Maduro :

Auraient-ils peur de l’interview, ces gens-là?

Ignacio Ramonet : Oui, parce que c’est une conversation très franche, n’est-ce pas ?

Nicolás Maduro :

Pour dire les vérités qu’ils cachent. Vous pouvez d’ailleurs revoir ces dix interviews, dix ans de suite, et comparer ce que nous avons dit sur l’année écoulée et les prévisions pour l’année à venir.Ignacio Ramonet : Ce qui a également été fait, c’est qu’à chaque fois, ces entretiens nous permettent de faire le bilan de l’année écoulée et d’ouvrir des perspectives pour la nouvelle année.

Nicolás Maduro :

et celui qui n’est pas d’accord, hé bien qu’il ouvre le débat

 ! Nous, nous ouvrons un débat. Nous aimons beaucoup le débat, le débat d’idées, la bataille de la vérité contre tant de manipulations, et c’est pour cela que je vous remercie pour cette fenêtre d’opportunité, car lorsque nous avons commencé ces interviews, elles étaient publiées par écrit. C’était un autre siècle, un autre monde.

Ignacio Ramonet : C’était un autre monde.
Ignacio Ramonet :

Monsieur le Président, l’interview sera comme chaque année divisée en quatre parties. Nous allons parler de la politique intérieure, qui comporte beaucoup de questions importantes, de l’économie, qui est une question fondamentale. Nous allons parler de technologie et de société, précisément à cause de ce que vous venez de dire, des réseaux sociaux. Et nous terminerons par la politique internationale.

Nicolás Maduro :

Oui.

Ignacio Ramonet :

Je voulais donc commencer par la question suivante, qui concerne la question de la démocratie au Venezuela. Au Venezuela, l’année 2024, qui vient de s’achever, a été une année très électorale. Il y a eu les élections présidentielles du 28 juillet, le référendum sur la Guyana Esequiba, la consultation populaire du 25 août sur les budgets participatifs des communes, l’élection des juges de paix et, cette année, les élections locales et régionales, toute une série d’élections, y compris les élections parlementaires. En d’autres termes, depuis le début de la révolution bolivarienne il y a 25 ans, le Venezuela s’est caractérisé par une grande intensité électorale. Mais récemment, vous avez dit que vous pensiez à une éventuelle réforme constitutionnelle pour injecter plus de démocratie au Venezuela. Je pense qu’il y a déjà assez de démocratie, que faut-il ajouter à la démocratie vénézuélienne ?

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Nicolás Maduro :

Eh bien, il y a plusieurs questions. Tout d’abord, le bilan que nous tirons, maintenant que la Constitution a célébré son 25e anniversaire le 15 décembre, est de très bon augure, très positif, parce que malgré tant de conspirations, tant de tentatives de coup d’État, le coup d’État que nous avons réussi à renverser en avril 2002, la guerre économique dans ses différentes phases, la guerre psychologique et cognitive, la guerre politique nationale et internationale, nous pouvons reprendre de la principale proposition de l’Assemblée constituante de 1999, à savoir la construction d’une démocratie participative et protagonique (au Venezuela ce mot désigne le droit du peuple à déterminer le cours de la politique, NdT).

A l’époque, à la fin des années 1990, le Commandant Chávez a commencé à promouvoir l’idée de dépasser la vieille démocratie de partis, épuisée, la démocratie représentative. Parce que tout en se disant démocratique, elle limitait fortement la souveraineté, le pouvoir du peuple. Et nous pouvons dire que les idées et les propositions d’il y a 25 ans ont été pleinement et entièrement mises en œuvre.

Nous avons eu 31 élections constitutionnelles, 31 élections, périodiques, permanentes, avec un calendrier impeccable, des élections présidentielles, quand il le fallait malgré toutes les guerres, les blocus, il n’y a jamais eu d’excuses pour reporter une élection présidentielle, ou des élections pour les gouvernorats et les conseils législatifs, qui sont le pouvoir de l’État, ou des élections pour les mairies et les conseils municipaux, le pouvoir municipal.

Nous avons organisé sept référendums, y compris le référendum sur le territoire de la Guyana Esequiba, pour régler des questions essentielles et fondamentales. Nous devons nous souvenir d’un référendum très important, en 2007, pour une réforme constitutionnelle que nous avons perdue pour 20.000 voix, et nous avons immédiatement reconnu le résultat.

Et souvenons-nous du référendum de février 2009 pour modifier la Constitution, parce qu’au Venezuela, pas une virgule, pas un point, pas un mot de la Constitution ne peut être modifié sans référendum. Il s’agit d’un mandat constitutionnel et d’un droit constitutionnel du peuple. Ensuite, en 2006-2007, le Commandant Chávez a entamé la construction d’une démocratie populaire directe, avec la création des premiers conseils communaux, puis le développement du concept de commune, qui est l’agrégation des conseils communaux, et le transfert du pouvoir d’autogestion aux voisines et aux voisins.

Nous avons repris avec force l’idée de la démocratie directe, de la démocratie de quartier et de la démocratie communautaire. Dans ce cas, la construction de ce que notre peuple appelle un nouvel État communal, un nouvel État moderne, dans l’idée de la modernité socialiste bolivarienne du XXIe siècle, et non dans l’idée de la modernité ratée du monde occidental, ni de la post-modernité, qui était une critique de la modernité.

Dans ce cas, nous essayons de construire un nouveau concept, basé sur la Constitution de 1999, et les résultats ont été, et sont, extraordinaires. Cette année, en 2024, nous avons organisé trois consultations directes avec les communautés. Deux consultations pour des projets, pour l’exécution de budgets, pour des projets communautaires, décidés, définis, planifiés, votés et approuvés par un vote populaire, direct, secret, large et majoritaire.

Cela impliquait l’approbation de milliers, de milliers de projets de quartier, pour résoudre des problèmes souvent aigus que la bureaucratie de l’ancien État n’aborde pas, ne résout pas. J’ai été témoin, dans une région appelée Guatire, Araira, ici dans l’État de Miranda, de l’élaboration d’un projet, un mur de soutènement pour une route d’accès principale à une zone productive, sur la route des producteurs de mandarines.

Et comment la population a demandé au maire, pendant des années, la construction d’un mur de soutènement, parce que toute la route d’accès allait s’effondrer, et il ne leur a jamais donné de réponse. Et nous, et la communauté, lors d’une des consultations, la première, avons approuvé le projet, la ressource directe a été réduite, quelque chose comme 10 mille dollars, mais la communauté, en 4 mois, a construit le mur mais d’une manière incroyable, complète, sûre, et il leur restait assez d’argent pour récupérer un centre de santé et une école, ce qui démontre que la démocratie directe, avec la participation, l’œil omniprésent du peuple, la démocratie de proximité, est infiniment supérieure, beaucoup plus efficace que le vieil État bourgeois usé que nous avons encore, qui est comme une coexistence étrange entre le vieil État qui ne finit pas de résoudre les problèmes locaux, et la force tellurique d’un nouvel État qui est en train d’émerger de la base.

Nous avons également réalisé, à la fin de l’année, le 15 décembre, une très belle expérience, car l’Assemblée nationale a approuvé la loi organique sur la justice de paix communale, et 15 000 juges de paix ont été élus au Venezuela par vote populaire direct, 15 000 juges de paix principaux et 15 000 juges de paix suppléants issus du territoire, des voisins.

On ne le dit pas dans le monde, parce que le monde est intéressé à répéter qu’au Venezuela il y a une dictature, qu’il n’y a pas de démocratie, et que la seule démocratie qui existe est leur démocratie, la démocratie du Nord, de l’Ouest, de cet empire collectif, dégradé, décomposé, en phase finale de décadence, et on ne dit pas qu’ici, dans le Sud, dans le Sud global, en Amérique du Sud, il y a une belle expérience qui est en train de naître de démocratie populaire, de démocratie directe, de démocratie des voisins.

Nous avons donc vécu une période formidable pour prouver qu’il est possible de construire une autre façon de faire de la politique, qu’il est possible, nécessaire et urgent pour l’humanité d’envisager de nouveaux modèles. Et de là, de ce débat, est née une proposition très forte, qui a été très bien accueillie par l’ensemble de la société vénézuélienne, à savoir qu’à partir de janvier 2025, nous devrions nous orienter vers une réforme constitutionnelle qui démocratise l’ensemble de l’État, qui démocratise l’ensemble de la société et qui s’oriente vers un processus de renforcement d’une nouvelle façon de faire de la politique, d’une nouvelle démocratie. C’est dans cette direction qu’il faut aller, et aussi avec une méthode fondée sur le dialogue et l’inclusion.

Je suis en train de constituer une équipe spéciale d’experts, de conseillers, de consultants, j’ai un œil sur les formes de consultation du pouvoir populaire que nous appliquons constamment, ainsi qu’un groupe de conseillers internationaux qui ont proposé de nous soutenir, et très bientôt, peut-être dans les prochains jours….

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