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Régionales : pourquoi ça n’annonce en rien la présidentielle

Par Jules Pecnard
Jun 28, 2021
photo: Ludovic Marin / AFP

Si les candidats issus de la majorité présidentielle ont tous mordu la poussière dimanche, il faut décorréler ce fiasco des chances, bonnes ou mauvaises, du chef de l’État d’être réélu en 2022.

Triomphalement réélus, vraiment ? Dimanche soir, on n’avait d’yeux que pour un trio magique. Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ont savouré leur large victoire aux régionales en prononçant des discours à forte tonalité nationale. Un prélude au « départage » prévu entre ces anciens ministres de Nicolas Sarkozy prêts à affronter Emmanuel Macron en 2022. Le chef de l’État, lui, a vu son camp se faire humilier par les Français dans d’impressionnantes proportions. La droite est de retour et les cartes de la présidentielle sont rebattues !

Pas si vite. Certes, les trois grands gagnants issus de la droite ont obtenu les beaux scores qu’ils attendaient : 45,7 % pour Valérie Pécresse en Île-de-France, 52,4 % pour Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France et 55,2 % pour Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes. Sauf que rapportés au nombre d’inscrits, les chiffres sont bien moins flamboyants.

« Une élection dont tout le monde se foutait éperdument »

Ainsi, Valérie Pécresse a été reconduite par 14,87 % de son corps électoral, Xavier Bertrand par 16,76 % et Laurent Wauquiez par 17,78 %. Des « challengers » excessivement mal élus. L’abstention massive relevée les 20 et 27 juin (plus de 66 %) rend impossible la moindre déduction politique immédiate de ce scrutin. Certains y voient une forme d’apathie démocratique des Français, d’autres leur ras-le-bol vis-à-vis d’un mille-feuille territorial abscons.

« Je suis admiratif des gens qui parlent au nom des abstentionnistes, s’amuse en connaisseur le patron des sénateurs centristes, Hervé Marseille. C’est un numéro de ventriloque. Plus besoin de la Sofres ou d’Ipsos, il faut plutôt s’attirer le concours de Majax ou Madame Irma. »

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Un poids lourd de la Macronie avance une explication somme toute basique : « On nous parle de ‘colère sourde’. Mais une France en colère, elle vote. La vérité, c’est qu’il s’agissait d’une élection dont tout le monde se foutait éperdument. Les gens étaient en week-end et veulent partir en vacances. » De fait, beaucoup de marcheurs imputent la désertion des bureaux de vote à la tenue des régionales et départementales à la fin du mois de juin.

« Nouveau cycle »

Inutile de pleurer sur le lait renversé. Une chose paraît certaine, les citoyens qui viennent de se mobiliser ne sont qu’une fraction – la plus âgée – de ceux qui iront aux urnes à la présidentielle, seul scrutin encore à même de susciter une forte participation. Or, pour Emmanuel Macron, il n’y a que celui-là qui compte. C’est en 2022 qu’il défendra, seul face à ses adversaires et aux Français, le bilan de son quinquennat.

D’où son intérêt à enjamber des élections locales aux enjeux illisibles et auxquelles La République en marche, mouvement dépourvu d’ancrage et de corpus idéologique, était sûr d’encaisser une tôle. « On a le parti au pouvoir le plus pourri de la Ve République et le meilleur président depuis Mitterrand », s’enflammait un dirigeant de LREM auprès de Marianne durant l’entre-deux tours. Plus mesurée, la députée marcheuse de l’Hérault Coralie Dubost estime que le scrutin « sanctionne ceux qui s’agitent – le parti et le gouvernement – mais pas le chef de l’État ». « Refaisons de la politique hors crise et loin de l’hystérie des extrêmes. On entre dans un nouveau cycle », veut-elle croire.

Sur le papier, ce « cycle » correspond aux huit bons mois qui nous séparent du vrai démarrage de la campagne présidentielle. En temps de quinquennat, c’est long. Largement de quoi glisser la défaite des régionales sous le tapis. Emmanuel Macron va en profiter pour reprendre son « tour de France » pour sentir le « pouls du pays ». Un gadget qui lui permet d’avoir la main sur le tempo de l’actualité. Idem pour la reprise des « réformes », censées être la marque de fabrique du mandat. « Là on aura un automne avec les derniers budgets, finances et Sécu, où il pourra envoyer des signaux et faire le trait d’union entre ce quinquennat et le prochain, prédit un ex-ministre du quinquennat. Ça peut lui donner de la profondeur de jeu. »

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LR toujours dans le brouillard

Autre assurance-vie pour le président : le brouillard dans lequel se trouve la droite n’a en rien été dissipé par les régionales. Tout au plus ont-elles renforcé la conviction des trois personnalités évoquées plus haut qu’elles avaient un potentiel électoral à exploiter. Problème, le patron des Républicains, Christian Jacob, a verrouillé le calendrier en commandant deux enquêtes à l’Ifop pour septembre et octobre, dans l’espoir qu’un champion émerge et plie le match. Faute de quoi, une primaire serait organisée à la va-vite.

Pas plus qu’hier, Xavier Bertrand n’est disposé à participer à un tel processus. Cela crée une situation potentiellement inextricable, avec une primaire LR d’un côté et un candidat qui se maintient de l’autre. Sauf à ce que Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez (sans oublier Bruno Retailleau, Michel Barnier…) acceptent subitement de « jouer collectif », comme a exhorté la première sur BFMTV ce lundi 28 juin. Mais derrière qui ? Là est toute la question. Tant que la droite sera privée de candidat incontesté, elle permettra à Emmanuel Macron d’être un réceptacle pour une partie de son électorat.

L’inconnu sanitaire

À tout moment, ces considérations politiques peuvent être balayées par la crise sanitaire qui, elle non plus, ne s’est pas dissipée. Près de 23 000 nouveaux cas de contamination ont été recensés dans les dernières 24 heures au Royaume-Uni ce lundi 28 juin. Un pic inédit outre-Manche depuis fin janvier. En France, le variant Delta se propage rapidement via les Landes faute de couverture vaccinale suffisante, alors même que la campagne de vaccination connaît un net ralentissement. Moins de 50 % de la population a reçu sa première dose.

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« On voit bien qu’il y a une quatrième vague qui se prépare, s’inquiète un ancien proche d’Emmanuel Macron. D’ici la rentrée, le président va dérouler son truc. Mais on va être confronté au même problème. Quand vous êtes malade d’un cancer, vous adorez votre médecin, mais le jour où vous êtes guéri, vous ne voulez plus jamais le voir. »

Ce lundi à Douai, où il a inauguré une usine de batteries électriques, le chef de l’État s’est trouvé nez à nez avec Xavier Bertrand. L’occasion pour Emmanuel Macron de déployer son habituel jeu de séduction, félicitant de manière appuyée son probable futur rival pour sa victoire dans les Hauts-de-France. Et de lui lancer : « Je suis heureux de vous retrouver ici. (…) C’est une étape, mais on sait tous ce qu’il y a derrière. » Pas si sûr.

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