«Bacon en toutes lettres»

Exposition Francis Bacon (1909- 1992) au Centre Pompidou jusqu’au 20 janvier 2020

Gisèle GRAMMARE

Seconde version du triptyque de 1944, 1988, Tate Gallery de Londres

L’exposition rassemblant des œuvres produites entre 1971 et 1992 n’est pas une rétrospective. Elle offre l’occasion d’apprécier l’œuvre de l’artiste au sommet de ses possibilités. En effet, il a souvent repris des sujets traités une première fois trente ou quarante ans plus tôt. On le connait souvent mal par des reproductions photographiques de tableaux aux représentations insoutenables de corps déchiquetés et mutilés. L’impression produite face à la peinture, en vraie grandeur et dans sa matérialité est toute autre. L’actuelle exposition est construite à partir des liens entretenus par cet artiste érudit, entre la philosophie de Nietzsche, la littérature, par l’amitié avec Michel Leiris, Georges Bataille, l’histoire de l’art pour Velasquez, Picasso, Giacometti et d’autres, autant qu’à partir de la tragédie grecque, celle de l’Orestie d’Eschyle notamment. Grâce à l’accomplissement des qualités picturales, plastiques et chromatiques d’un extrême raffinement et d’une grande maîtrise on pourra mettre un peu à distance les effets dramatiques, selon une interprétation de la tragédie humaine qui n’est pas réaliste. Francis Bacon s’exprimait en français avec aisance. Dans un entretien réalisé pour France culture en 1976, à l’occasion d’une exposition qui eut lieu au musée Cantini de Marseille, il répond au journaliste qui l’interroge sur ses opinions personnelles et appartenances. Il déclare que la religion ne tient aucune place dans sa vie, il est « sans dieu », il dit aussi que bien que n’ayant lui-même directement pas d’engagement politique, la plupart de ses amis sont communistes, sans préciser de quelle « obédience ».

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De ce fait, on sera attentif au Triptyque 1986- 1987, trois panneaux de 198 x 147,5cm chacun, provenant d’une collection particulière.

A gauche, le président américain Woodrow Wilson quittant le quai d’Orsay en 1919, au milieu un nu masculin, John Edwards, amant du peintre, à droite, reprise de l’extrait d’une photographie du bureau de Léon Trotsky, issue du reportage sur les lieux de son assassinat le 20 août 1940 par Ramon Mercader.

Bacon montre le lutrin ensanglanté sur lequel Trotsky aurait été surpris par son assassin entrain de consigner ses derniers écrits.

Rendant ainsi hommage à l’acteur majeur d’une révolution qui aura contribué à bouleverser l’ordre politique mondial, peut-on lire dans l’album de l’exposition, mais pas dans le catalogue, de même qu’au cartel de présentation figurant auprès de l’œuvre, rien n’est précisé. Etait-ce une volonté de ne pas livrer cette importante donnée au public ? Ignorant moi-même ce fait, je ne l’ai découvert qu’après coup en lisant cet album, qui y fait référence deux fois, pages trois et quarante-deux, sous la plume de Didier Ottinger, commissaire de l’exposition.

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