Lettre de Paris

Par Bruno Drwevski

Ce que je constate, c’est que les manifestations de protestations de différents métiers, pompiers, urgentistes, cheminots, etc se multiplient à côté des manifestations gilets jaunes et aussi écologistes, que dans les syndicats aussi cela bouge, donc le mécontentement se diffuse même s’il se disperse.

Le mouvement des gilets jaunes a gardé des points d’ancrage (ronds points, noyaux locaux, assemblées, etc.) et il se prolonge donc sur le terrain mais la méthode des manifestations tous les samedis est peut-être arrivée à un degré d’essouflement, en partie parce que le gouvernement ne recule de toute façon pas et qu’il n’y a pas de débouché politique visible des actions.

Je pense donc qu’on assiste à un feu qui continue à couver sous la cendre avec une France où chacun a compris que le système est mauvais et condamné pour 60%-75% et qui reste soutenu par un noyau de 20%-25%. Même d’ailleurs lors des manifestations, on est passé de manifestations de masse à des tactiques de “guerilla” de manifestants qui se réunissent ici puis là et qui se déplacent tout le temps et n’arrivent pas à être bien suivis par les forces de répression. C’était ce qui a bien marché sur les champs Elysées en septembre. D’une façon plus générale, j’ai l’impression qu’on est entré dans une période de “culture de la guerilla” de groupes éparpillés, conscients qu’on ne fera pas tout tout de suite mais qu’il faut maintenir une certaine pression, une mobilisation ponctuelle en attendant mieux. La question est de savoir qui le fera, et comment les choses reprendront de façon plus sérieuse pour la suite. …Attente d’une avant-garde tout en se refusant à prôner une avant-garde qui pourrait faillir, voilà l’état actuel de l’opinion.

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Un signe du malaise au sommet, c’est que le pouvoir relance de façon tonitruante cette éternelle affaire du foulard islamique qui est toujours l’indice depuis les années 2000 d’un pouvoir qui ne sait pas quoi inventer pour diviser le peuple sur des questions dont celui-ci est conscient, même dans sa composante ultra-nationaliste, qu’il s’agit d’empêcher son unité. Le pouvoir cherche à diviser quand il sent une mobilisation unitaire potentielle. Donc nous en sommes là, dans un entre-deux.

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