Biarritz : qui se soucie encore du G-7 ? par Jacques Sapir

24.août.2019

Biarritz sera donc, à en croire les médias français, le centre du monde, à l’occasion du G7 de ce week-end (24 – 26 août). Un sommet qui est placé, officiellement, sous le signe des inégalités, mais qui évoquera aussi les sujets qui fâchent : de la taxe GAFA sur laquelle les Français et les Britanniques – pour une fois unis – s’opposent aux Américains, à l’environnement, en passant par le conflit commercial qui oppose les Etats-Unis à la Chine. Mais ce G-7 sera-t-il à la hauteur des enjeux ? On peut en douter. De plus, est-il vraiment le « club » des pays les plus riches et les plus puissants qu’il prétend être depuis le début en 1975, ou n’est-il pas déjà dépassé par d’autres institutions ?

Le G-7, ordre du jour officiel et officieux

La réunion du G-7 qui se tiendra donc à Biarritz, en état de siège, attire tant les journalistes que les « altermondialistes ». Officiellement, les décisions attendues concernent la réduction des inégalités, un sujet sur lequel on peut attendre beaucoup de belles paroles et très peu d’actes concrets. La question de l’environnement tout comme celle des négociations commerciales et du rôle du multilatéralisme, seront nécessairement évoquées. On sait que, sur ce point les opinions des Etats-Unis et des autres pays divergent de manières importantes. On peut aussi penser que certaines questions, qui ne sont pas explicitement à l’ordre du jour seront abordées : l’instrumentalisation des échanges en dollars à des fins politiques par les Etats-Unis est un problème majeur de même que les risques grandissants de récession et de crise mondiale.

Cette réunion du G-7 sera donc certainement l’occasion d’étaler certaines divergences. On peut penser à l’Iran, sujet sur lequel la France, l’Allemagne, mais aussi le Japon, sont en désaccord avec les Etats-Unis, mais aussi à la question des négociations commerciales. Les Etats-Unis ont clairement exprimé leur insatisfaction avec des négociations multilatérales. Les pays de l’Union européenne y sont, à tort ou à raison, plus attachés. La question de la présence des Etats-Unis au sein de l’OMC est donc posée ; il s’agit effectivement d’une question centrale. Donald Trump a clairement dit qu’il ne considérait plus les organisations multilatérales comme efficaces, du moins du point de vue des Etats-Unis. Cette question va figurer naturellement dans les discussions du G-7, et donc celle d’une possible réforme de l’OMC. Mais, la capacité de cette institution à se faire entendre de l’OMC est aujourd’hui bien plus réduite qu’elle ne l’était il y a dix ou quinze ans.

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Enfin, la question des relations avec la Chine et du conflit commercial qui oppose les Etats-Unis à ce pays devrait être évoqué. Mais, là, une unanimité de façade pourrait être maintenue car, pour des raisons différentes, tout le monde s’accordera pour condamner par avance une intervention directe de Beijing dans la crise politique de Hong-Kong, même si ce sera avec beaucoup d’hypocrisie.

La “danse du ventre” d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron, qui se trouve être cette année le Président du G-7, est conscient que l’influence de ce dernier s’est beaucoup réduite depuis les dix dernières années. Rappelons que le G-7 est l’héritier lointain du G-5, qui avait été constitué pour tenter de coordonner les politiques monétaires des principales puissances occidentales à la suite de la dissolution en 1973 des accords de Bretton Woods. A l’origine, Il s’agit d’une idée du président Giscard d’Estaing (1974-1981). Le G7 a été chargé de coordonner les mouvements monétaires alors que les taux de change sont devenus flexibles. Appelé d’abord de façon informelle le G-5, puis provisoirement G6 lors de sa création officielle en 1975, et devenu ensuite le G-7 avec l’intégration du Canada en 1976, son influence s’est bientôt étendue à d’autres aspects de l’économie que les simples problèmes monétaires. Le G-7 a eu, à la fin du XXème siècle un rôle dominant dans l’économie mondiale. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il est clairement distancé par les BRICS qui sont un forum rassemblant les pays émergents. L’expulsion de la Russie du G-8 en 2014, une expulsion qui est aujourd’hui regrettée tant par les dirigeants japonais et italiens que par Donald Trump a certainement aggravé son déclin. D’ailleurs, si on calcule en PPA, la part du G-7 dans le PIB mondial est aujourd’hui inférieure à celle des BRICS.

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Graphique 1

Source: FMI

Il est évident que la proposition d’Emmanuel Macron d’inviter d’autres pays, comme l’Australie, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Chili, correspond à la reconnaissance de cet état de fait. Mais, il faut ici noter que la Chine et de la Russie, dont le rôle est pourtant majeur, ne sont pas invitées. Cette invitation a donc a pour but de masquer la perte d’influence et de prestige du G-7 par rapport au G-20. C’est une proposition de pure forme, qui n’a pas d’autre but que de tenter de briser le front des pays émergents. Comme de nombreuses initiatives d’Emmanuel Macron, cette proposition sera certainement un échec politique.

G-7 ou G-20 ?

Il est clair aujourd’hui que tout club fermé des pays riches n’a plus aucune légitimité pour prendre voire simplement pour proposer des décisions à l’ensemble des pays émergents. Les Etats-Unis, eux, l’ont d’ailleurs compris qui veulent inviter à nouveau la Russie à participer au G-7. Mais il est peu probable que la Russie accepte. Elle sait très bien que le G-7 est une institution en fin de vie. Le G-7 est ainsi dépassé par les BRICS non seulement en pourcentage du PIB mondial, mais aussi en pourcentage des investissements fait dans le monde.

Graphique 2

Source: FMI

Cela traduit non seulement la montée en puissance des investissements chinois, indiens et russes, mais aussi le ralentissement importants des investissements faits dans les pays du G-7, qu’il s’agisse des investissements allemands ou américains. Là encore, on peut voir que, jusqu’en 2000, les pays du G-7 réalisaient environ 60% de l’investissement mondial. Le tournant date donc du XXIème siècle. Les pays émergents ont augmenté de manière importante leur part dans les investissements. Ils ont rattrapé les pays du G-7 en 2009, et ils les ont dépassé.

De fait, une comparaison du G-20 avec le G-7 montre bien que le premier a pris le pas sur le second. C’est donc le G-20 qui est devenu la véritable instance mondiale qui compte. Et cela se vérifie quand on compare le poids du G-7 à celui du G-20.

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Graphique 3

Le G-20 pèse actuellement 73,6% du PIB mondial. Il associe le G-7, l’Union Européenne, les BRICS et d’autres grands pays émergents. C’est cet ensemble qui est le plus pertinent sur le plan économique.

Nous vivons donc la fin de l’occidentalisation du monde, une situation qui a correspondu de la fin du XVIIIème siècle à la fin du XXème siècle. Ceci doit être actée. C’est pourquoi, comme on l’a dit, la Russie ne tient pas particulièrement à revenir au G-7. Le centre de gravité de l’économie mondiale n’est plus l’océan atlantique. Il s’est déplacé en Asie avec la Chine, 2ème économie mondiale voire même ma 1ère si l’on calcule en Parité de Pouvoir d’Achat, et interlocutrice directe des Etats-Unis. Sans parler de l’Inde, qui elle aussi monte en puissance et pointe désormais à la 5ème place. C’est pourquoi la réunion du G-7 de Biarritz n’est plus en mesure de décider pour le monde, quoi que disent ou quoi que pensent les journalistes des grands médias français.

L’insignifiance du G-7

Les pays du G-7, depuis l’exemple du sommet qui s’était tenu au Canada en 2018, ont mesuré ce qu’il couterait d’étaler au grand jour leurs divergences. Dans le même temps, jamais ces dernières n’ont été aussi importantes, et surtout semblent aussi irrémédiables et irréconciliables. Alors, on ne peut exclure un échec ouvert. Mais, il est plus probable que les diplomates trouveront quelques belles formules creuses et ronflantes qui proclameront que le «club » fonctionne toujours quand bien même il est patent et reconnu que ce club est paralysé et, surtout, qu’il n’a plus l’importance qu’il pouvait avoir il y a 20 ans.

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