Mantes-la-Jolie : Castaner et Belloubet, duettistes de la honte. Par Régis de Castelnau

L’adage selon lequel le diable se niche dans les détails se vérifie toujours. L’affaire des lycéens de Mantes-la-Jolie objets d’une arrestation de masse, pour être entreposés ensuite à genoux et menottés dans le dos pour les uns et mains sur la tête pour les autres agit comme un révélateur. Une vidéo filmée complaisamment puis diffusée ensuite sur les réseaux nous permet d’assister à un drôle de spectacle où l’on voit des ados dans une position humiliante entourés de CRS en uniforme qui roulent des mécaniques en jouant les gardes-chiourmes militaires et assortissant leur pantomime de réflexions parfaitement audibles. Il est fort probable que les promoteurs de ce vilain spectacle qui doivent se situer à un haut niveau de l’État poursuivaient un objectif. Celui de montrer que l’État était ferme et qu’il allait mater la populace qui a osé le défier. On retrouve dans la séquence la même haine, la même violence symbolique que celle qu’affichent tous les petits laquais du néolibéralisme macronien quand ils insultent en cadence ces couches populaires qui leur font si peur. Ils seront rejoints dans les commentaires par tous les apeurés qui ne rêvent que d’une chose, c’est qu’on tire dans le tas de ces gueux indociles. Avec au passage l’avantage qu’à Mantes-la-Jolie, dans le tas il doit bien aussi y avoir du basané, et qu’ainsi on va pouvoir faire d’un tir deux coups, en amalgamant gilets jaunes et racailles.

De quoi s’agit-il ?

Que voyons-nous en effet ? Près de 150 jeunes garçons à peine sortis de l’enfance dans une position, manifestement inutile, à la fois humiliante et dégradante. La position des enfants et l’attitude des CRS participant de cette volonté de souligner l’abaissement et de réaffirmer sa force. La violence symbolique est considérable et gageons que ces images vont faire le tour du monde provoquant exactement l’effet inverse à celui recherché. Depuis le début de la crise des gens du pouvoir nous y ont habitués avec l’expression constante de cette brutalité autiste et arrogante, qui nourrissant la colère l’a transformée en rage.

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Que nous a-t-on dit ensuite ? Que c’était une opération de police normale, à la suite d’incidents sérieux survenus devant un lycée de Mantes-la-Jolie. On pourrait se poser la question de savoir si cette localisation dans une banlieue difficile, n’a pas joué son rôle dans le choix de cette mise en scène et de sa diffusion. Opération de police normale, sûrement pas, mais peut être nécessaire ? Soit, une opération de prévention et une volonté de prévenir des incidents plus graves pouvaient effectivement amener à l’organisation d’une nasse et à la mise en garde à vue c’est-à-dire en privation de liberté d’un certain nombre de jeunes se trouvant à proximité. Mais on ne fera croire à personne que tous les 148 arrêtés avaient des responsabilités directes dans les incidents survenus. Cela étant, qu’on ait pris à cette occasion quelques libertés avec les règles applicables lors d’une interpellation pouvait ne pas être inacceptable. Mais ce qui s’est passé après l’est totalement. Avec l’accord probable des autorités de l’État, on a réalisé ensuite ce montage dans un lieu privé à ciel ouvert visible de partout, montage dont la vocation violente et humiliante saute aux yeux. Malheureusement, cerise sur le gateau, c’est non seulement politiquement insupportable, mais gravement illégal.

Et le droit dans tout ça ?

Rappelons un peu le cadre juridique dans lequel tout ceci aurait dû se dérouler.

Commençons par le Code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale qui nous dit dans son article R. 434-17 -relatifs à la protection et respect des personnes privées de liberté : « Toute personne appréhendée est placée sous la protection des policiers ou des gendarmes et préservée de toute forme de violence et de tout traitement inhumain ou dégradant »

Certes, le traitement n’a pas peut-être pas été inhumain mais drôlement dégradant quand même. Les policiers qui ont organisé cette séquence et permis qu’on la filme ont donc violé leurs obligations légales et doivent faire l’objet de poursuites et de sanctions disciplinaires. Ainsi bien sûr, que leurs supérieurs hiérarchiques qui ont donné les ordres ou laissé faire.

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Sur un plan général, ceux qui ont permis la réalisation (les policiers) des images, ceux qui les ont réalisées et ensuite diffusées tombent sous les articles suivants du code pénal :

– l’article 226-2 du Code pénal qui sanctionne d’1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende le fait de capter, conserver, diffuser ou laisser diffuser l’image d’une personne prise dans un lieu privé sans le consentement de celle-ci.

– l’article 226-1 du même code qui sanctionne d’1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende le fait de photographier ou filmer sans son consentement, une personne se trouvant dans un lieu privé ou de transmettre l’image ou la vidéo (même sans diffusion) si la personne n’était pas d’accord pour qu’on la photographie ou la filme.

De plus, l’article 226-8 du Code pénal punit d’1 an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec l’image d’une personne sans son consentement.

Il est peu probable, n’est-ce pas, que le consentement de tous ces ados repérables et identifiables sur les photos et vidéos n’a pas été recueilli un à un…. Quant au caractère du lieu de rétention des interpellés, à l’évidence c’est un jardin privé.

Enfin, l’article 803 du Code de procédure pénale sur la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes prévoit :

« Lorsqu’elle est réalisée sans l’accord de l’intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu’elle est placée en détention provisoire »

Eh bien oui, la police détient une parcelle de la violence légitime de l’État, mais à la condition d’utiliser dans le cadre de sa propre légalité. À défaut cette violence devient illégitime. Radicalement.

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Le prix du déshonneur

À ce stade, je ne vois pas ce que l’on peut faire d’autres que de demander un ban d’applaudissements pour tous ceux, Christophe Castaner multirécidiviste en tête, qui ont voulu montrer les petits muscles de leurs petits bras, en montant une opération lamentable, symboliquement désastreuse et en montrant la façon dont ils envisageaient de respecter la loi française. Encore Bravo!

On gage qu’il n’y a absolument aucune chance, que le ministre de l’intérieur engage les procédures disciplinaires que justifie cette grossière violation de la loi par ses fonctionnaires. De la même façon, on n’imagine pas Madame Belloubet, Garde des Sceaux, se précipiter au parquet de Versailles pour en cravacher les membres afin qu’ils engagent des poursuites qu’exigeraient toutes ces violations de la loi pénale. Elle l’avait pourtant sans vergogne fait au parquet de Paris pour exciter les substituts à la répression la plus sévère contre les gilets jaunes.

En revanche il est probable qu’elle ait passé ses consignes à Versailles puisque l’on apprend qu’à la demande du parquet, des mineurs seraient entendus en garde à vue sans assistance d’avocat. Ignominie interdite par la loi française et toutes les conventions internationales ratifiées par notre pays.

Ces gens-là, n’entendent pas respecter la loi et servir la république, mais soutenir de toutes leurs forces un président détesté. Et à n’importe quel prix, y compris celui de leur déshonneur.

Source : Vu du droit, Régis de Castelnau, 07-12-2018