Aux antipodes des valeurs de l’olympisme, le sport-business est devenu une industrie très lucrative. Produit et reflet de la mondialisation, il lui imprime ses logiques marchandes, ses dynamiques clivantes et ses dérives mafieuses. « Stade suprême » de cette compétition inégale, les méga-événements sportifs s’imposent comme un rite de passage pour les économies émergentes. Une fois le rideau tombé, les pays hôtes doivent souvent déchanter.
Si les sports « modernes » trouvent leur origine au 19e siècle en Europe, et tout particulièrement dans l’Angleterre victorienne qui voit la codification de certains jeux traditionnels, l’uniformisation de leurs règles et la naissance des premières sociétés sportives, ils ne prennent réellement leur essor qu’à partir des années 1930 et, bien plus encore, après la Seconde Guerre mondiale. Jusque-là activités d’agréments exercées principalement en amateur, passe-temps réservés le plus souvent à une élite cosmopolite, les sports conquièrent alors toutes les strates sociales. Ils se démocratisent et une poignée d’entre eux deviennent, en l’espace de quelques décennies, de véritables phénomènes mondiaux de masse. Massification rapide donc, mais aussi professionnalisation, que l’on doit à une triple tendance (Duterme, 2006 ; Andreff, 2008 ; Bourg et Gouguet, 2012).
La poursuite des conquêtes sociales d’abord, avec la hausse du pouvoir d’achat et la progressive généralisation des congés payés qui ont donné aux salariés de nouvelles possibilités de loisir. Le rétrécissement des distances physiques ensuite, avec la modernisation et la démocratisation des moyens de transport qui ont facilité la circulation des athlètes, des équipes et de leurs supporters. Le développement spectaculaire des moyens de communication virtuels, enfin, avec l’essor de la télévision, puis celui des nouvelles technologies de l’information, qui permet aujourd’hui à des milliards de personnes aux quatre coins du monde de suivre en direct une même épreuve sportive et de vibrer de concert devant les exploits et les performances des athlètes transformés pour l’occasion en « hommes-sandwichs de la publicité contemporaine » (Vigarello, 2002).
C’est qu’avec leur diffusion massive, les activités sportives ne se limitent plus aux seuls initiés et seuls pratiquants. « Aujourd’hui, la distance ne le gêne pas, [le sport] se contemple du bout du monde et, à vrai dire, il se contemple encore plus qu’il ne se pratique (…) Au public enfermé dans les stades s’ajoute celui, immense, diffus, des téléspectateurs qui vibrent sur le canapé et triomphent par procuration » (Sur, 2010). De plus en plus suivies, les grandes compétitions sportives se sont ainsi transformées en véritables shows mondiaux dont l’audience atteint désormais des sommets : 3,6 milliards de téléspectateurs pour les Jeux olympiques d’été de Londres (2012), 3,2 milliards pour la Coupe du monde de football en Afrique du Sud (2010), trois milliards pour les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi (2014), un milliard chaque année pour le Tour de France, plusieurs centaines de millions pour la Coupe de l’UEFA, autant pour le Super Bowl et les internationaux de cricket.
Appelés à croître dans les prochaines années, au rythme de la croissance démographique, ces chiffres confèrent à ces compétitions une dimension inégalée. Très largement investies, suivies et commentées, elles se sont muées en spectacles globaux. On comprend, dans ces conditions, que le sport de haut niveau soit très vite devenu une composante essentielle des relations internationales et que les grandes joutes sportives soient vécues comme un « nouveau terrain d’affrontement – pacifique et régulé – entre États » (Boniface, 2014).
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