Hommage a Domenico Losurdo

C’est avec un sentiment d’accablement que mes camarades et moi-même venons d’apprendre le décès prématuré et inattendu du très fin et très combatif philosophe italien Domenico LOSURDO.

Cette figure de proue de la pensée communiste, cet historien matérialiste des idées de stature nationale et internationale a refuse de « fuir l’histoire », de prendre la file avantageuse des renégats du communisme, des ralliés de l’antisoviétisme de confort (cette juste expression est d’Annie Lacroix-Riz) et des croisés de la sinophobie et de la russophobie dominantes ; Doménico n’a pas voulu faire carrier en cédant à cette « auto-phobie communiste » à la mode et à cette euro-béatitude courtoise et de bon ton qui permirent à tant de «marxistes » repentis de montrer patte rose pour monnayer une reconnaissance professionnelle aussi facile que médiocre et d’avance privée de postérité.

Losurdo a également refusé le néolibéralisme postmoderne et post-national, il a pointé l’élan historique du grand peuple chinois et a ravivé la dialectique indestructible du combat de classe et de la reconquête des souverainetés nationales.

J’avais avec lui d’ardentes et fraternelles discussions sur la question de l’Etat et de son nécessaire dépérissement (aux antipodes de l’hypocrite « moins d’Etat ! » libertarien), mais son positionnement sur ce sujet s’explique principalement par une saine réaction contre le déni révisionniste du matérialisme historique, du réalisme révolutionnaire et contre la régression de tant de «marxistes de la chaire » vers les facilités de l’utopisme et de l’idéalisme.

Il n’est pas temps encore de dresser le bilan de cet infatigable laboureur rationaliste de l’histoire de la pensée, dont les travaux démentent irréfutablement tous ceux qui repeignent le libéralisme aux couleurs de l’universalisme ou qui parent la pensée de Nietzsche de très douteuses résonances progressistes.

Read also:
Report on the Referendum in Italy

Alors que disparaît Doménico, qu’il me soit permis d’associer à sa mémoire d’autres grands militants et penseurs que j’eus l’honneur de croiser à ses côtés aux Rencontres internationales de Serpa naguère organisées dans l’Alentejo rouge par feu mon ami Miguel Urbano secondé notamment par Henri Alleg. Je pense à Jean Salem et à Georges Labica, trop tôt disparus eux aussi, et dont il faut assidument réétudier l’œuvre critique.

L’histoire rattrapera tôt ou tard ceux qui crurent la fuir à la faveur d’une époque de contre-révolution, de néo-thermidorisme et de «repentance» capitularde travestie en « autocritique ».

Mais dans l’héritage vif de l’émancipation humaine repartant à l’assaut du ciel, ton œuvre figurera au premier rang, compagno Doménico !

GEORGES GASTAU