Arrestation et procès politique en Pologne : le cas de Mateusz Piskorski

Nous publions a la fin de ce texte deux documents recus par notre ami Bruno Drweski, relatives aux persecutions politiques en Pologne, qui se transforme de plus en plus a une dictature mal dissimulee.

Il s’ agit 1) d’ un  document en polonais résumant l’acte d’accusation visant Mateusz Piskorski et publié par le parquet polonais, 2) de la  décision du groupe de travail sur les détentions arbitraites de la Commission des droits de l’homme de l’ONU portant sur le cas de Mateusz Piskorski.

Mateusz Piskorski a été arrêté le 18 mai 2016 et, depuis cette date, il reste en prison sans qu’un acte d’accusation n’ai pu être formule et délivré contre lui avant avril 2018 par le parquet polonais qui l’a finalement accusé d’espionnage au profit de la Russie et de la Chine. Alors qu’il est un enseignant de sciences politiques à l’université, qu’il mène des activités journalistiques, qu’il a été député et qu’il est aujourd’hui le fondateur d’un parti de “gauche patriotique”, anti-OTAN, favorable à une politique de neutralité de la Pologne et à un rapprochement avec la Russie et la Chine, ce dont il ne s’est jamais caché, et ce qui est, bien entendu, tout le contraire d’une activité d’espionnage qui, par définition, est secrète et vise à transmettre à un Etat étranger des informations secrètes, alors que, dans le cas de Piskorski, c’est tout le contraire puisqu’il est accusé de défendre des opinions proches de celles de gouvernements étrangers !

Mateusz Piskorski est enseignant de sciences politiques à l’université, journaliste, ancien député d’un mouvement paysan favorable à la souveraineté nationale, opposée à la guerre en Irak. Dans sa jeunesse, au moment de la disparition du bloc de l’Est il s’est retrouvé, en réaction contre la politique pro-occidentale, dans un groupe slavophile nationaliste puis il a évolué vers le souverainisme sur le plan national et vers la gauche sur le plan social. Il s’est engagé contre la guerre en Irak, s’est rendu en Libye en 2011 pour la soutenir contre l’intervention de l’OTAN. Il a soutenu la Syrie, soutient le projet de route de la soie chinois et considère que la Pologne doit se rapprocher de la Russie et de la Biélorussie et contrer le nationalisme ukrainien, les ingérences de l’OTAN et de l’UE dans les affaires polonaises. Son livre sur sa vision géopolitique avec quelques révélations sur le “suicide” du leader du parti, Andrzej Lepper, dont il avait été le porte-parole devait sortir au moment où il a été arrêté il y a plus de deux ans. L’acte d’accusation le visant vient seulement d’être formulé il y a quelques semaines. La commission des droits de l’homme de l’ONU vient de déclarer que son arrestation est arbitraire et sans aucune base légale.

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Voilà le résumé du texte en polonais publié par le parquet polonais résumant l’acte d’accusation le visant et qui reste lui-même  secret d’Etat, l’accusé et les avocats n’ayant pas le droit de le divulguer :

L’acte d’accusation contre Mateusz Piskorski lui a (enfin!) été présenté le 20 avril 2018, soit deux ans après son arrestation. En attaché, le communiqué officiel du parquet sur le sujet car l’acte d’accusation et le procès vont se dérouler à huis clos et ni l’accusé ni son avocat n’ont le droit d’en faire part, donc l’acte d’accusation complet est inaccessible ainsi que d’assister au procès et l’avocat n’a pas le droit de diffuser en public ce qui sera dit lors du procès.

Ce que l’on sait sur les faits reprochés, c’est donc ceci. Mateusz Piskorski ainsi que plusieurs de ses amis témoins avant l’acte d’accusation ont été interrogés sur ces sujets. Il est accusé :

– d’avoir donné un cours à des étudiants en Chine au cours desquels il a développé une vision contraire à celle du gouvernement plonais,

– d’avoir dénoncé l’idéologie ultra-nationaliste banderiste en Ukraine et participé à la “dévastation” d’un monument à Bandera en Ukraine,

– d’avoir appuyé publiquement dans la presse le projet chinois de nouvelle route de la soie (appuyé par ailleurs officiellement par le gouvernement polonais !),

– d’avoir mené des activités contre la présence de troupes étrangères sur le territoire polonais et d’avoir diffusé dans les médias polonais et étrangers des interventions soutenant ces idées et correspondant aux intérêts de la Russie ou de la Chine.

Ce qui est particulièrement cocasse quand on sait que nombre de dirigeants ou politiciens polonais ne se cachent pas de recevoir des sommes importantes pour mener des campagnes soutenant les diverses activités des puissances de l’OTAN de la part de fondations, ONG ou agences gouvernementales de ces pays. Donc, un citoyen d’un Etat se qualifiant de démocratique selon le parquet polonais n’a pas le droit de soutenir les opinions d’Etats opposés aux opinions du gouvernement polonais mais il a en revanche le droit de le faire quand ces pays sont officiellement alliés à la Pologne. Piskorski avait effectivement organisé publiquement à Varsovie une conférence-débat sur les questions politiques internationales en coopération avec plusieurs associations polonaises et russes …et c’est cela sans doute qui est considéré comme une activité “d’espionnage”.

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L’espionnage n’est donc plus, selon l’interprétation du parquet polonais, d’envoyer à un Etat étranger des informations classées secrètes dans son pays, mais le fait de diffuser dans son propre pays des informations ou des idées qui sont publiques et qui correspondent plus ou moins aux choix politiques faits par un Etat étranger. A ce compte là, plus de la moitié des Polonais au moins pourraient être mis en accusation car ils sont violemment anti-Bandera et le font savoir publiquement, sans parler de leurs doutes sur la politique de leur pays envers la Russie ou de leur appui en faveur d’une coopération économique avec la Chine. En fait, ces accusations rappellent, mais sous une forme caricaturale, la logique qui régnait en Pologne avant 1989 quand il était reproché à certains Polonais de “compromettre les alliances internationales” de leur pays en “coopérant avec des Etats étrangers en diffusant à cet effet de fausses nouvelles destinées à créer la confusion”. Sauf que, à l’époque, ces accusations débouchaient très rarement, surtout après 1956, sur des procès, et elles restaient du domaine médiatique (quand il était accusé, c’était pour avoir par exemple violé la loi sur l’échange de devises étrangères en recevant des fonds qu’il échangeait au marché noir) et, quand le procès avait lieu, il était public et visait en général la coopération avec “Radio Europe libre” une station basée à Munich qui était officiellement financée par les USA dans un but politique précis visant explicitement l’Etat polonais et ses alliés. La Russie comme la Chine ne possèdent en revanche pas de médias officiellement dirigés explicitement vers la Pologne et opposés à son gouvernement. En plus, le procès de Mateusz Piskorski se déroulera en secret. Son avocat a reçu la menace que s’il communiquait publiquement sur les débats du procès, il serait rayé de l’ordre.

C’est cela qui explique le très long rapport de la Commission sur les arrestations arbitraires (en attaché) qui analyse point par point tous les éléments retenus contre Mateusz Piskorski et exige en conséquence qu’il soit immédiatement remis en liberté et soit dédommagé pour le temps de son arrestation arbitraire.

Acte d’accusation contre Mateusz P. – Président du parti « changement »

Actualités du parquet national

Le département mazovien extra-territorial du Département aux affaires de la criminalité organisée et de la corruption du parquet national à Varsovie a envoyé le 20 avril 2018 au tribunal d’arrondissement de Varsovie un acte d’accusation contre Mateusz P. L’accusé est un politologue, un journaliste, un chercheur et le secrétaire général de l’association « Centre européen d’analyse géopolitique », ancien député à la Diète de la 5e session, un homme politique et le président du parti « Changement ».

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Coopération avec le service d’espionnage chinois et russe

Au cours de l’enquête, on a présenté à Mateusz P. deux accusations.

La première se rapporte au fait d’avoir entre 2009 et mai 2016 participé aux activités du service d’espionnage civil du Service de sécurité fédéral (FSB) et du Service d’espionnage étranger (SVR) dirigé contre la République de Pologne. Il s’agit d’un crime selon l’article 130 par. 1 du code pénal en liaison avec l’article 18 par. 1 du code pénal en liaison avec l’article art. 256 par. 1 du code pénal en liaison avec l’article 65 par. 1 du code pénal en liaison avec l’article 49c point 3 de la loi du 27 juin 1997 sur les partis politiques du code pénal en liaison avec l’article art. 11 par. 2 du code pénal.

La seconde activité reprochée à Mateusz P. concerne la participation pendant une période indéfinie allant jusqu’au 23 octobre 2015 aux activités du service d’espionnage de la République populaire de Chine dirigées contre la République de Pologne. Il s’agit d’un crime découlant de l’article 130 par. 1 du code pénal.

L’accusé en a tiré des bénéfices matériels importants

Au cours de l’enquête on a pu trouver que Mateusz P., en menant une activité à une large échelle et en utilisant sa position sociale, professionnelle et politique ainsi que ses contacts parmi les politiciens et les journalistes nationaux et étrangers, a influencé des groupes sociaux en Pologne et à l’étranger. Il a promu en Pologne et à l’étranger les objectifs politiques de la Fédération de Russie. En cherchant à former l’opinion publique par la provocation d’une attitude anti-ukrainienne chez les Polonais et anti-polonaise chez les Ukrainiens, il a, entre autre, cherché à augmenter les divisions entre les Polonais et les Ukrainiens, entre la Pologne et l’Ukraine.

Ces activités ont été menées par l’accusé en liaison avec les services d’espionnage russes, en obtenant à ce but d’importants avantages matériels.

L’enquête sur cette affaire a été commencée en juillet 2015. On a utilisé contre l’accusé comme méthode préventive l’arrestation provisoire.

Département de la presse

Parquet national