Selon l’International Federation of Robotics, le monde compte en 2017 deux millions de robots industriels en activité, un doublement depuis 2010. Les conséquences pour l’emploi de cette automatisation croissante font l’objet de nombreux débats. D’où l’intérêt d’une étude portant sur un cas concret significatif, l’Allemagne, où l’industrie est très robotisée, en particulier le secteur automobile. Quatre chercheurs se sont penchés sur la question et ils aboutissent à des conclusions plutôt originales.
Les spécificités allemandes
Une étude réalisée aux Etats-Unis montrait que chaque robot supplémentaire réduisait l’emploi total de 3 à 6 unités. Regarder de près le cas de l’Allemagne s’avère particulièrement intéressant, car cette économie est une plus grosse utilisatrice de robots que les Etats-Unis, et c’est également un pays producteur.
L’étude estime ainsi les conséquences sur l’emploi total de ce haut niveau d’automatisation. Mais son originalité tient à ce que les auteurs ont également exploité des informations concernant les parcours des salariés concernés, ce qui leur permet d’obtenir des résultats plus fins.
Des conclusions fortes
L’étude arrive alors à plusieurs conclusions importantes. D’abord, la robotisation de l’industrie allemande n’a aucun effet sur l’emploi global. Une fois les structures industrielles et la démographie prises en compte, on ne peut pas dire que l’Allemagne perd globalement des emplois du fait de l’automatisation.
Mais, deuxième résultat, ce non-effet global résulte d’un basculement des emplois de l’industrie vers les autres secteurs. Selon les auteurs, un robot de plus entraîne deux emplois de moins dans l’industrie manufacturière. Ainsi, sur la période 1994-2014, environ 275 000 emplois manufacturiers ont disparu du fait de l’utilisation accrue de robots, ce qui explique pratiquement un quart (23 %) du déclin général de l’emploi dans le secteur, un effet significatif. Mais ces pertes ont été compensées par des créations dans les autres secteurs : si la robotisation n’a pas entraîné une perte globale des emplois, elle a eu une influence sur leur composition.
Regardant alors de près les parcours des salariés, les chercheurs arrivent à une conclusion étonnante : ceux qui travaillent dans les secteurs les plus exposés à l’automatisation ont une probabilité plus importante d’être en emploi que les autres. Et il y a même une grande chance pour qu’ils aient conservé leur emploi dans leur usine d’origine ! Ainsi, les pertes d’emplois manufacturiers liées à la robotisation ne s’expliquent pas par la destruction de postes existants mais plutôt par une réduction de la création d’emplois, par de moindres flux d’embauches de nouveaux entrants.
Pour autant, ceux qui restent en poste connaissent des évolutions salariales négatives : à part les employés très qualifiés – ingénieurs et management –, ceux moyennement et faiblement qualifiés subissent des pertes salariales fortes. Il semble bien que les syndicats aient accepté des salaires plus faibles en échange du maintien des emplois. De ce fait, nous explique Jens Suedekum, l’un des auteurs, « l’Allemagne est peut-être un cas spécifique. Les résultats pourraient être différents dans d’autres pays ». Quels que soient les chemins empruntés, la conclusion générale est claire : la robotisation n’est pas anecdotique, elle a des effets sur le marché de l’emploi.