Bolivie : les élections sont annoncées, le coup d’État s’institutionnalise

A l’heure où la mobilisation populaire contre le coup d’État contre Evo Morales compte plus de 30 morts dans ses rangs, la présidente autoproclamée Jeanine Áñez annonce la tenue d’élections et le MAS d’Evo Morales les accepte. Scandaleux.

Par Boris Lefebvre
22 novembre, 2019

À l’heure où la résistance des communautés paysannes s’organisent dans toute la Bolivie contre le coup d’État dirigé par la sénatrice Jeanine Añez, la droite, l’extrême-droite et l’armée, la tenue de nouvelles élections se précise. La présidente par autoproclamée qui a pris le pouvoir à la place d’Evo Morales a présenté mercredi dernier un projet de loi au Parlement visant à créer un « consensus national » autour de la tenue de nouvelles élections présidentielles et législatives. Celle qui il y a encore quelques jours déversait sa haine raciste contre les communautés paysannes, soutien de Evo Morales, s’est exprimée dans la presse pour affirmer que « si Dieu le veut, aujourd’hui, dans la matinée, nous allons convoquer les élections, comme le réclame tout le pays », affirmant par là même le caractère totalement réactionnaire de son programme.

Dans ce climat d’affrontement très durs entre la police, l’armée et les manifestants qui ont encore payé de leur vie, mardi dernier, la répression contre ceux qui n’acceptent pas le coup d’État, le MAS, parti d’Evo Morales, entend négocier et s’est montré ouvert à ce projet de loi. Alors même que le MAS est majoritaire à l’Assemblée puisqu’il y détient près de deux tiers des sièges, il se laisse totalement dominer par le gouvernement putschiste et ne prend pas en compte le rapport de force qui se construit dans la rue.

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Une telle attitude de conciliation envers le gouvernement putschiste revient ni plus ni moins à condamner la résistance populaire qui s’est exprimée dans les rues et ce malgré les appels par Twitter de Evo qui condamnent les violences commises par les forces de répression : « Je lance un appel à la CIDH (Commission interaméricaine des droits de l’Homme), à l’ONU pour qu’elles dénoncent et freinent ce massacre de frères indigènes qui demandent la paix, la démocratie et le respect de la vie dans les rues ». Le président bolivien en exil au Mexique a beau même parler de « génocide » à propos de la trentaine de morts dans des manifestations que compte le pays depuis le début des événements, il n’en reste pas moins que cette attitude revient à cautionner et à donner un blanc seing à la réaction et au coup d’État.

Dans le même temps, Arturo Murillo, le ministre de l’Intérieur, a diffusé un enregistrement audio d’une conversation téléphonique entre un leader de la protestation et un autre homme qui ne serait autre qu’Evo Morales. Dans cet entretient, le président en exil ordonnerait de « ne laisse[r] aucune denrée alimentaire dans les villes, nous allons tout bloquer et encercler ». Avec ces propos, le ministre putschiste entend semer le doute sur la sincérité des négociations entamées par le MAS alors même que La Paz commence à faire l’objet d’un début de pénurie de denrées alimentaires.

Quoi qu’il en soit, au-delà de ces mesures de forces qui seraient soutenues par le MAS, il est clair que toute la stratégie de Morales se base sur la négociation avec les putschistes. Les mêmes qui disent ouvertement qui entendent proscrire le président en exil. C’est pourtant tout le contraire qu’entendent faire des milliers de paysans, de travailleurs, de jeunes et d’indigènes qui poursuivent leur mobilisation malgré la très forte répression.

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