Par le Comité consultatif du mouvement de citoyens indépendants créé à Athènes
25 Mai 2011
Nous saluons les dizaines, voire les centaines de milliers de nos concitoyens, jeunes pour la plupart, qui se sont rassemblés sur les places de toutes les grandes villes de Grèce pour manifester leur indignation à l’occasion du premier anniversaire de la signature du Mémorandum, cet accord-cadre entre le gouvernement grec, l’UE, le FMI et la BCE, en mai 2010 et actualisé depuis régulièrement. Ils demandent le départ du « gouvernement de la honte » et de tout le personnel politique responsable de la gestion du bien public, et qui a détruit, pillé et asservi la Grèce. La place de tous ces individus n’est pas au Parlement, mais en prison.
Nous saluons les premières assemblées générales qui se déroulent dans les centres de nos villes, et la démocratie immédiate que s’efforce de découvrir ce mouvement inédit de notre jeunesse. Nous saluons les travailleurs de la fonction publique qui ont entrepris manifestations, grèves et occupations pour défendre un Etat qui, au lieu du démantèlement programmé par le FMI, a désespérément besoin d’une amélioration et d’une réforme radicales. Par leurs mobilisations, les travailleurs de l’Hellenic Postbank, de la Régie nationale d’électricité et de la Société publique de loterie et de paris sportifs défendent le patrimoine du peuple grec qu’entendent piller les banques étrangères par le truchement de leur gouvernement fantoche à Athènes.
Le pacifisme exemplaire de ces manifestations a démontré que, lorsque la police et les agents provocateurs ne reçoivent pas l’ordre d’intervenir, le sang ne coule pas. Nous appelons les policiers grecs à ne pas être les instruments des forces obscures qui tenteront certainement, à un moment ou à un autre, de réprimer dans le sang les jeunes et les travailleurs. Leur place, leur devoir et leur intérêt sont d’être aux côtés du peuple grec, de ses protestations et de ses revendications pacifiques, aux côtés de la Grèce et non des forces obscures qui dictent leur politique au gouvernement actuel.
Un an après le vote du Mémorandum, tout semble attester son échec. Après cette expérience, on ne peut plus s’autoriser la moindre illusion. La voie qu’a empruntée et que continue de suivre le gouvernement – sous la tutelle des banques et des instances étrangères, de Goldman Sachs et de ses agents européens – mène la Grèce à la catastrophe. Il est impératif que cela cesse immédiatement, il est impératif que tous ces gens partent immédiatement. Jour après jour, leurs pratiques révèlent leur dangerosité pour le pays.
Il est étonnant que le procureur général ne soit pas encore intervenu contre le ministre de l’économie et des finances après les récentes déclarations de ce dernier sur l’imminence de la faillite et l’absence de ressources budgétaires. Pourquoi n’est-il pas intervenu après les déclarations du président de la Fédération du patronat de l’industrie et de la commissaire européenne grecque, Mari Damanaki, sur une sortie de l’euro ? Pourquoi n’est-il pas intervenu contre le terrorisme de masse au moyen duquel un gouvernement en faillite, soumis aux diktats de la troïka UE/FMI/BCE, tente une nouvelle fois de spolier le peuple grec ? Par leur catastrophisme, leurs allusions tragiques et tout ce qu’ils inventent et déblatèrent pour effrayer les Grecs, ils ont réussi à humilier le pays dans le monde entier et à le mener réellement au bord de la faillite. Si un chef d’entreprise s’exprimait de la même façon que le font le premier ministre et ses ministres lorsqu’ils parlent de la Grèce, il se retrouverait immédiatement derrière les barreaux pour malversation grave.
Nous nous adressons aussi aux peuples européens. Notre combat n’est pas seulement celui de la Grèce, il vise à construire une Europe libre, indépendante et démocratique. Ne croyez pas vos gouvernements lorsqu’ils prétendent que votre argent sert à aider la Grèce. Ne croyez-pas les mensonges grossiers et absurdes de journaux inféodés qui veulent vous convaincre que le problème est prétendument dû à la paresse des Grecs alors que, d’après les données de l’Institut statistique européen, ceux-ci travaillent plus que tous les autres Européens !
Les travailleurs ne sont pas responsables de la crise. Elle a été provoquée et exploitée par le capitalisme financier et les politiciens à sa botte. Leurs programmes de « sauvetage » de la Grèce aident seulement les banques étrangères, celles précisément qui, par l’intermédiaire des politiciens et des gouvernements à leur solde, ont imposé le modèle politique qui a mené à la crise actuelle.
Il n’y a pas d’autre solution qu’une restructuration radicale de la dette, en Grèce, mais aussi dans toute l’Europe. Il est impensable que les banques et les détenteurs de capitaux responsables de la crise actuelle ne déboursent pas un centime pour réparer les dommages qu’ils ont causés. Il ne faut pas que les banquiers constituent la seule profession sécurisée de la planète !
Il faut remplacer l’actuel modèle économique européen, conçu pour générer des dettes, et revenir à une politique de stimulation de la demande et du développement, à un protectionnisme doté d’un contrôle drastique de la finance. Si les Etats n’imposent pas leur loi aux marchés, ces derniers les engloutiront, en même temps que la démocratie et tous les acquis de la civilisation européenne. La démocratie est née à Athènes quand Solon a annulé les dettes des pauvres envers les riches. Il ne faut pas autoriser aujourd’hui les banques à détruire la démocratie européenne, à extorquer les sommes gigantesques qu’elles ont-elles-mêmes générées sous forme de dettes. Comment peut-on désigner un ancien collaborateur de Goldman Sachs pour diriger la Banque centrale européenne ? De quelle sorte de gouvernements, de quelle sorte de politiciens disposons-nous en Europe ?
Nous ne vous demandons pas de soutenir notre combat par solidarité, ni parce que notre territoire a été le berceau de Platon et d’Aristote, de Périclès et de Protagoras, des concepts de démocratie, de liberté et d’Europe. Nous ne vous demandons pas un traitement de faveur parce que nous avons subi, en tant que pays, l’une des pires catastrophes européennes pendant les annees 1940 et nous avons lutté de facon exemplaire pour que le fascisme ne s’installe pas sur le continent.
Nous vous demandons de le faire dans votre propre intérêt. Si vous autorisez aujourd’hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l’autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour. Vous ne prospérerez pas au milieu des ruines des sociétés européennes. Nous avons tardé de notre côté, mais nous nous sommes réveillés. Bâtissons ensemble une Europe nouvelle ; une Europe démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit. Résistez au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe en la transformant en tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme.
Le Comité consultatif du mouvement de citoyens indépendants, L’Etincelle, (créé à l’initiative de Mikis Theodorakis).